— Par Laurence Aurry —
Par la Compagnie STAR THEATRE
Théâtre Aimé Césaire, les 15,16, 17 et 18 avril 2009
Monsieur de Pourceaugnac fait partie des comédies grinçantes de Molière que l’on classe communément parmi les farces. Moins connue que ses autres comédies ballets, L’Amour médecin, Le bourgeois gentilhomme ou l’incontournable Malade imaginaire, elle est aussi souvent moins appréciée. Les personnages n’ont pas de profondeur humaine, tout préoccupés qu’ils sont à jouer des mauvais tours à Mr de Pourceaugnac ; ils rivalisent seulement d’imagination et de perfidie. Même le couple de jeunes amoureux, par sa férocité et son acharnement n’arrive pas à attirer notre sympathie. Quant à Mr de Pourceaugnac, doit-on le considérer comme une victime ou comme le parfait ridicule justement puni de sa prétention et de sa bêtise ? Molière se garde bien de nous répondre. C’est au metteur en scène de faire des choix, de trouver la tonalité propre à donner sens à cette pièce assez déconcertante. La Compagnie STAR THEATRE a su habilement relever ce défi sans tomber dans le convenu et sans perdre non plus la dimension comique de la pièce. Mr de Pourceaugnac, joué par Christian Julien est avant tout un personnage naïf et un peu suffisant qui se voit surtout rejeté pour son origine et sa différence. La fable prend ici une coloration culturelle et raciale très intéressante. Les références à Césaire, les nombreuses humiliations subies par Mr de Pourceaugnac, du lavement au viol et au dénudement final peuvent se donner à lire comme un rappel de la douloureuse expérience de l’esclavage. En même temps, la mise en scène, particulièrement dynamique, ne nous laisse jamais sombrer dans le pur pathétique. Le jeu des grands panneaux amovibles, représentant des fenêtres et pouvant se transformer en tribune, permet une exploitation scénique intéressante, transformant les personnages tantôt en acteurs ou en spectateurs terrifiants qui semblent nous observer et nous menacer dans l’ombre, nous laissant à penser que nous pouvons tous être la proie de personnes malavisées et cruelles. D’aucuns pourraient reprocher la multiplication d’effets grotesques : mini jupe et gants Mapa de Nérine, transformation du père Oronte en mère naine et difforme, jeu de doigts des deux jeunes amants, look mafieux de Sbrigani … Toutes ces recherches comiques participent, au contraire, à la surenchère carnavalesque, proche du charivari du moyen Age. L’utilisation des masques hideux et grotesques est particulièrement significative et judicieuse : des médecins fous aux fausses épouses, la terrible mascarade se déchaîne jusqu’au sacrifice final. Si le jeu des acteurs en souffre un peu, quelquefois, le rythme endiablé, lui, nous emporte et nous ravit. Un bel hommage à Molière et un beau clin d’œil à Césaire !
Décor : Jean-Pierre BENZEKRI
Costumes et Masques : Anne BOTHUON
Création musique : Amnon BEHAM
Création lumière : Tanguy GAUCHET