À sa naissance, le nourrisson dépend entièrement des liens de solidarité entre les membres de sa famille pour la satisfaction de ses besoins physiologiques, affectifs et cognitifs. Ils devront également assurer sa protection face aux aléas de la vie. À l’aube de ses jours, le nouveau-né est entièrement dépendant de ses parents, mais aussi de plusieurs autres personnes – infirmières, médecins, puéricultrices, policiers, etc. – qui contribuent à lui prodiguer des soins, à le stimuler et à le protéger. En fait, son existence tient aux réseaux de solidarité entre adultes qui agissent à son égard avec bienveillance. Agissent-ils par devoir ou par intérêt ? Les motivations de chacun sont personnelles, mais le fait est que la solidarité est essentielle à sa vie, à sa socialisation, à son émancipation, à son accès à l’âge de raison. Elle engage des personnes, qui parfois ne se connaissent pas, à se mettre au service du nourrisson afin qu’il puisse faire ses premiers pas à l’abri des mauvaises surprises. En fait, à l’instar des nourrissons, nos propres existences sont conditionnelles à l’organisation de réseaux de solidarité entre un nombre incalculable de personnes qui acceptent de s’engager, par leur travail, leur bénévolat ou leurs activités sociales, pour le bien de tous. Leur solidarité avec les habitants de leur village, de leur ville, de leur nation ou de tous les pays du monde constitue le socle de la vie sociale. Elle prend la forme de liens d’interdépendance et de soutiens mutuels. Si les gens étaient indifférents les uns aux autres, les liens sociaux s’effriteraient, nous ne pourrions plus nous faire confiance et les lendemains ne seraient plus jamais heureux.
Dans son acception générale, la solidarité prend le sens de soutiens mutuels entre personnes. La solidarité les unit dans les liens réciproques d’assistance autour d’un même destin, d’une même cause, d’une même communauté d’intérêts. La solidarité est à la base des liens sociaux. Elle est obligatoire entre les membres d’une famille, d’un clan, d’un groupe d’amis ou les habitants d’un village, car elle instaure des liens élémentaires d’interdépendance et d’engagement. Tous sont redevables les uns aux autres pour la satisfaction de leurs besoins. En fait, les groupes se constituent sur des relations de solidarité. Son caractère moral est déterminant. Elle apparaît sous la forme d’un devoir entre proches qui les motive à se soutenir et à s’entraider, autant dans les situations festives comme un mariage ou un anniversaire de naissance, que dans les situations tragiques comme un accident, une maladie, une catastrophe naturelle ou une mortalité. La solidarité montre la force des liens qui rassemblent des personnes dans une identité commune.
La solidarité déborde les seuls liens de proximité entre personnes qui se côtoient quotidiennement. À cet égard, on reconnaît différents types de solidarité lorsque survient une catastrophe naturelle dans un pays étranger. Ils sont nombreux ceux et celles qui montrent leur solidarité à l’égard de ceux et celles qui souffrent et se trouvent démunis en leur envoyant des vœux, un soutien financier ou matériel, une aide humaine concrète, etc. Ces élans de solidarité n’ont pas leur source dans le devoir moral, mais dans l’idée que tout être humain mérite qu’on l’aide, qu’on le soutienne, qu’on apaise ses souffrances. La solidarité n’a plus alors le sens d’une obligation morale, mais elle revêt plutôt le sens d’un libre choix.
Des hommes et des femmes des quatre coins du monde s’engagent volontairement dans des organisations humanitaires ou des ONG pour offrir leurs services professionnels. Leur engagement à l’égard de tous les êtres humains, sans tenir compte de leurs différences, montre que la solidarité peut prendre une dimension humaniste. Ce sont des solidarités humanistes, choisies pour la seule raison qu’un être humain, quel qu’il soit, mérite d’être aidé lorsqu’il vit une situation de détresse. Les organisations de coopération et d’entraide internationales sont très nombreuses, ce qui révèle l’étendue des solidarités humanistes. Il semble que l’administration des premiers secours soit un comportement largement partagé.
Les mouvements de solidarité sont multiples. À côté de la solidarité entre les proches, les pairs, les démunis, les personnes en détresse, il existe des réseaux de solidarités entre nations, entre villes et villages, entre associations, entre groupes privés. Toutefois, la solidarité est une valeur complexe. Elle n’a pas un sens moral immédiat, car la solidarité peut servir des desseins malfaisants. En effet, les réseaux de solidarité entre terroristes ou entre petits escrocs sont bien connus. Par conséquent, il est important de tenir compte des enjeux moraux de la solidarité. On pourrait alors constater que les mouvements de solidarité peuvent être intéressés, c’est-à-dire que des personnes, sous couvert de solidarité, agissent uniquement dans leurs intérêts personnels.
Dans les faits, existe-t-il une solidarité complètement gratuite ? Y a-t-il des personnes qui agissent uniquement par altruisme, par don de soi, sans penser à elles-mêmes ? Pourquoi pas ! L’altruisme n’est pas une condition de la solidarité. La majorité des relations de solidarité s’inscrivent dans des liens de réciprocité, c’est-à-dire donnant-donnant. Les personnes donnent à autrui parce qu’elles savent qu’elles peuvent recevoir leur aide en retour. La solidarité devient alors l’un des modes des relations d’échange essentiels aux liens sociaux : donner-recevoir-rendre.
Recevoir un coup de main, une aide d’autrui, demande une sorte d’humilité. Nombre de personnes refusent le soutien d’autrui. Elles ont le sentiment qu’elles peuvent y arriver seules. Qu’elles sont suffisamment fortes moralement pour passer à travers une épreuve. Ou bien elles sont orgueilleuses et narcissiques. Elles refusent une aide parce qu’elles ne veulent pas rendre la pareille. Elles ne veulent pas participer aux liens de réciprocité. Elles ont peur de devoir remettre ce qu’elles ont reçu. Elles craignent une situation de dette. Ainsi, la solidarité fonctionne dans la mesure où une personne accepte volontairement notre aide.
Par ailleurs, pourrait-on se trouver dans une situation où nous donnons sans jamais rien recevoir en retour ? Cette difficile question a souvent été traitée par les sociologues et les éthiciens. Elle a reçu des réponses divergentes. Néanmoins, pour la plus grande majorité d’entre nous, les liens de solidarité doivent être réciproques. Si vous aidez votre voisin et que ce dernier ne fait preuve d’aucune gratitude, il n’est pas certain que vous allez l’aider de nouveau. Pire encore, vous aidez votre voisin et celui-ci se moque de vous en vous traitant comme un esclave. Votre élan de solidarité en souffrira. En somme, nous nous attendons, dans une relation de solidarité, à la réciprocité. Même les liens de solidarité dans la famille s’inscrivent dans la réciprocité. Les parents s’attendent à ce que leurs enfants leur témoignent de la gratitude. Mais aussi, ils souhaitent que leurs enfants puissent, à leur exemple, prendre soin comme eux de leurs propres enfants. Cela montre clairement que la réciprocité peut opérer entre des personnes qui ne sont pas liées à l’équivalence du don. On peut donner à un individu et s’attendre à ce que cet individu donne à d’autres. Et le retour de notre don peut venir, non pas de celui à qui on a donné, mais d’un autre individu. Dans cette approche holistique du don, la réciprocité des soutiens, des aides, des assistances n’est pas duelle, mais plurielle.
Lorsque nous portons notre aide à des personnes démunies que nous ne connaissons pas, et que nous ne rencontrerons probablement pas, nous ne pouvons attendre des remerciements de leur part. Nous pouvons penser qu’ils seront heureux de recevoir notre aide, qu’ils apprécient notre aide, mais nous ne pourrons le savoir. Nous préférons alors croire que ces personnes ne profiteront pas de notre aide pour s’enrichir, pour exploiter autrui ou pour une autre action malfaisante. Même l’aide internationale peut souffrir de situations de corruption. Un État ne pourrait offrir un soutien financier à un autre État en détresse si le chef de ce dernier État est un truand ou un tyran. À cet égard, la solidarité peut être conditionnelle à l’honnêteté des receveurs de l’aide.
Nous proposons, pour clore cette partie de l’introduction, un classement en sept catégories de diverses formes de solidarité. Il a été inspiré du contenu des textes de cet ouvrage. Ce ne sont pas des catégories exclusives, mais complémentaires. De plus, cette catégorisation possède uniquement une valeur heuristique. En fait, elle vise à montrer, d’emblée, les multiples facettes et orientations de la solidarité.
1. Les solidarités de proximité. Ce sont d’abord les solidarités entre membres de la famille, entre proches, entre amis, entre voisins ou entre collègues. Ce type de solidarité renvoie initialement aux obligations partagées. Une famille et un groupe d’amis, comme entités sociales, sont fondés sur des liens de solidarité. Chacun se sent obligé à l’égard d’autrui. Lors d’une naissance, d’un rite de circoncision, d’un mariage ou de funérailles, tous les proches se sentent solidaires des premiers concernés. Aucun ne saurait déroger à son devoir à l’égard des siens, ce serait considéré, par les proches, comme un manque de respect très grave ou inacceptable. En fait, les solidarités de proximité ont un rôle d’assurance, surtout dans les pays où l’État ne fournit pas gratuitement de soutiens aux chômeurs, aux malades et aux indigents.
2. Les solidarités identitaires. Ce sont les solidarités motivées par l’appartenance à la nation, au village, à l’Église, au mouvement religieux. Les liens d’appartenance ouvrent sur diverses formes de solidarité. La solidarité unit ceux et celles qui partagent une même identité. Lors de compétitions sportives, par exemple, les individus accordent leur solidarité à l’équipe nationale ou à l’équipe locale. Cette solidarité peut devenir monstrueuse comme on le constate avec les Hooligans. Leur lien de solidarité s’excède dans la violence. Dans un stade, leur élan de solidarité les amène à communier avec l’équipe sportive à laquelle ils s’identifient. Leur solidarité les enferme dans une identité fermée sur elle-même. Ils ne se sentent bien qu’avec les personnes qui partagent la même identité. Les fidèles d’un mouvement politique seront d’abord solidaires avec leurs confrères et leurs consœurs. Leurs liens de fraternité, en fait, se matérialisent en liens de solidarité. L’identité d’une famille se crée par des liens de solidarité. Toutefois, des personnes qui placent leur identité humaine avant toutes les autres identités (familiale, nationale, professionnelle, genre, etc.) seront solidaires de tous les êtres humains.
3. Les solidarités fondées sur les expériences communes ou un destin commun. Ce type de solidarité concerne des personnes qui ont vécu le même type d’expérience, le même type de maladie, le même type de tragédie. Le sentiment de partager un destin commun les unit. Pensons par exemple aux personnes qui ont tel cancer, tel problème psychologique, tel handicap. Ces personnes se rassemblent pour s’entraider dans un lien d’intercompréhension. Leur solidarité n’est pas exclusive, mais elles concentrent leur effort à aider ceux qui, comme elles, découvrent la vie à travers les mêmes expériences.
4. Les solidarités associatives. On observe ce type de solidarité chez des individus qui partagent une même cause politique, sociale, syndicale, religieuse ou scientifique. Les multiples associations et les regroupements citoyens qui forment la société civile en font partie. Nombre d’individus s’agrègent pour défendre des droits civils, des avancements sociaux ou une langue en péril. Les causes altermondialistes attirent nombre de jeunes. Ce sont des militants très motivés. Plusieurs mouvements sociaux appellent à la militance. Mais sans qu’ils soient de véritables militants, des individus font preuve de solidarité avec des partis politiques traditionnels, des associations nationales ou transnationales qui ressemblent des enseignants, des médecins ou des ingénieurs, mais aussi des organisations internationales vouées à la défense de groupes ethniques ou d’animaux.
5. La solidarité ponctuelle du bon Samaritain. Il s’agit de la personne qui fait preuve de solidarité dans certaines situations avec des personnes choisies. Elle se sent appelée au soutien solidaire après avoir vu un reportage à la télévision, ou dans une situation concrète de la vie. Chacun de nous peut se comporter à un moment donné envers son prochain comme un bon Samaritain.
6. La solidarité pour une cause universelle. Font partie de cette catégorie les mouvements sociaux transnationaux altermondialistes qui militent pour le droit des minorités, pour la même justice pour tous ou pour la protection des océans ou de certains animaux. On doit inclure les mouvements de lutte contre le sexisme et l’émancipation des femmes ou à la lutte contre la Malaria ou le VIH. Ce sont des causes qui peuvent toucher tous les êtres humains sur la planète. Des mouvements pacifiques et écologistes, des ONG comme Amnistie internationale ou Médecins sans Frontières s’inscrivent dans cette catégorie. Nombre d’individus se sentent concernés par le sort de l’humanité, par le sort de la planète ou par le sort de notre futur commun. Ils forment des réseaux de solidarité pour faire connaître leur cause et la défendent. Il faut également mettre dans cette catégorie les grands mouvements politiques de solidarité pour les travailleurs exploités par un patron ou une entreprise embourgeoisés, pour les injustices vécues par les femmes, les enfants, les personnes démunies. Les grands réseaux de solidarités qui proviennent des théories marxistes sont exemplaires à cet égard.
7. Les solidarités humanistes. Il s’agit de mouvements de solidarité fondée sur l’égale dignité de toutes personnes. Un soutien solidaire peut être adressé à toutes personnes, quels que soient ses traits anatomiques, sa religion, son origine, son statut social, ses convictions politiques, etc. La solidarité, dès lors, n’est pas fondée sur des affinités identitaires ou sur les bons sentiments, mais sur une éthique humaniste qui prône le soutien à toutes personnes dans le besoin, à la seule condition que cette personne agisse pour qu’on lui fasse confiance. En fait, nul ne pourrait être solidaire d’une personne qui profite de lui, qui peut la voler, la blesser, la tuer. L’acte solidaire n’a pas à être un acte de bravoure ou un acte de pure gratuité. L’éthique humaniste à la base de la solidarité humaniste prend sa source dans l’idée de dignité qui reconnaît à chaque être humain la même valeur morale. C’est parce que tous les êtres humains possèdent la même valeur morale qu’ils sont tous dignes d’être soutenus. Toutefois, la personne soutenue doit agir pour conserver la confiance des personnes solidaires, sinon, elle risque de perdre leur soutien.
En fait, nul n’est obligé d’être solidaire avec des terroristes, des voleurs ou des meurtriers. Les élans de solidarité peuvent être choisis en fonction de finalités morales. Par contre, il y a des individus qui travaillent bénévolement dans des ONG pour apporter un secours à toutes personnes sans faire d’exception. Ils ne se préoccupent pas de savoir si ces dernières sont des terroristes ou des policiers, des voleurs ou des bons Samaritains. Ils offrent notamment leur aide médicale sans chercher à connaître le statut de la personne. Ils sont animés par une solidarité humaniste qui ne souffre d’aucune exception. Nous devons alors reconnaître leur bravoure et leur altruisme radical. Ils représentent un modèle de moralité humaniste que nous souhaitons pour demain.
On pourrait dire que les idéaux d’un régime social-démocrate ont leur source dans une version universelle de la solidarité puisqu’elle vise une distribution équitable des richesses du pays. Il s’agit d’une solidarité qui vise la justice sociale, l’égalité des chances et l’équité en termes financiers. Le rôle de l’État dans une social-démocratie consiste donc à intervenir pour rétablir l’équité et la justice entre tous les citoyens. Ces politiques doivent montrer que tous sont solidaires de tous.
Ces formes de solidarité ne sont pas exclusives l’une de l’autre, mais elles se complètent. En effet, loin de s’exclure mutuellement, elles peuvent se superposer, d’où la complexité de la solidarité. Une seule personne peut se retrouver dans plusieurs de ces catégories qui ne sont pas étanches. Il n’y a pas non plus de positions hiérarchiques entre ces catégories. Un individu peut se sentir appelé à s’ouvrir à des formes plus universelles de solidarité, c’est même souhaitable, mais ce ne peut pas être un objectif moral. Les morales contemporaines ne cherchent pas à dire ce qui doit être, mais elles peuvent proposer des idéaux qui peuvent motiver les individus. Les morales du devoir, en modernité, ont également perdu leur attrait. Nous préférons croire, dorénavant, qu’une personne est solidaire par liberté de choix, que son engagement tient à des motivations personnelles. On comprend qu’être solidaire par obéissance n’a pas la même valeur morale qu’être solidaire par sa propre initiative. Le fait est qu’en matière de moralité, on ne peut choisir à la place d’un autre. Chaque personne demeure entièrement responsable de ses choix, car elle ne pourrait justifier son acte en disant qu’elle obéissait à une autorité ou qu’elle agissait par devoir. Soutenir une telle chose reviendrait à nier sa propre conscience morale, sa propre liberté.
*
Pour cet ouvrage, nous n’avons pas uniquement invité des chercheurs à présenter leurs travaux sur la solidarité, mais aussi des personnes qui rendent ici des témoignages très touchants sur des soutiens solidaires qu’ils ont reçus ou donnés. Nous avons retenu onze textes qui montrent une variété d’approches, de positions et de sentiments sur la solidarité.
Obrillant Damus, en 2014, a interviewé une vingtaine de personnes vivant avec un handicap en Haïti. L’objectif de sa recherche était d’amener ces personnes à décrire l’expérience de leur handicap dans leur langue maternelle. Un handicap est un événement qui fait appel à la solidarité des autres, la question centrale qui méritait d’être posée était la suivante : quels sont les systèmes de solidarité dont bénéficient les personnes en situation de handicap ? Le professeur Damus met au jour plusieurs types de solidarité. Selon sa recherche, il existe des réseaux de solidarité informelle qui permettent de soutenir les personnes qui ont un handicap en Haïti. Dans un pays comme Haïti où la solidarité étatique est très faible, la solidarité parentale est vitale. Il existe aussi d’autres formes de solidarité informelle qui permettent de soutenir les personnes qui ont un handicap en Haïti. Par exemple, les voisins, les amis, les associations et les institutions religieuses jouent un rôle de soutien pour ces personnes. Il y a également, souligne Obrillant Damus, le « bon prochain » ou le « bon Samaritain » capable d’aider ponctuellement une personne handicapée.
Denis Jeffrey propose une réflexion sur la dimension morale de la solidarité. Est-ce que tous les élans de solidarité ont la même valeur ? Comment évaluer moralement l’action solidaire ? Même si ce début de troisième millénaire semble être rentré dans une immense crise morale, le professeur Jeffrey considère qu’une solidarité humaniste peut encore motiver nos espoirs pour des lendemains heureux. À cet égard, il analyse les fondements de cette solidarité humaniste. On y trouvera une éthique humaniste qui a sa source dans la dignité humaine, c’est-à-dire dans le fait de notre égale valeur humaine. Nul être humain au point de vue de son humanité ne vaut plus qu’un autre, souligne-t-il. Nous sommes égaux en humanité malgré nos différences.
Martine Roberge, dans son texte, s’intéresse aux formes de solidarité observées lors d’une étude portant sur les rites de passage au XXIe siècle en contexte québécois. Il s’agit de rites entourant la naissance et la mort. Ce sont des rites où la solidarité s’exprime de manière spécifique. La chercheuse relève que le groupe de pairs – famille, amis, réseau social – est central dans l’expression de la solidarité et de l’entraide. Elle découvre que nombre de gestes, de paroles et d’actions manifestent une solidarité qui entretient les réseaux sociaux et transmettent des savoirs pratiques d’une génération à une autre.
Fatiha Harrat a mené une enquête sur les liens de solidarité dans les familles algériennes. Elle nous livre ici les principales données de sa recherche. Auparavant, elle présente une réflexion sur les effets de la modernisation de la société sur la famille. Elle souligne que l’institution familiale est certes touchée par la modernisation des mœurs, mais que les us et coutumes prennent encore une place prépondérante. Par exemple, souligne-t-elle, la solidarité familiale est considérée comme un don qui va être retourné aux uns et aux autres selon les circonstances, notamment lorsqu’un membre de la famille vit un moment difficile.
Valérie Medori Touré livre ici les résultats d’une recherche menée à Ouagadougou auprès des jeunes de la rue et de personnes ressources. Elle constate que ces enfants fuient une vie qui ne leur assure l’essentiel pour satisfaire leurs besoins élémentaires. La rue devient pour eux un mode de vie où ils apprennent à la dure l’amour, la mort et la solidarité. Ils doivent d’ailleurs se montrer solidaires entre eux pour survivre, mais aussi pour échapper à tous ces adultes qui profitent d’eux et les exploitent. Par exemple, les enfants se regroupent et reconstituent un groupe social pour pouvoir faire face à certaines réalités de façon solidaire.
Le professeur Thomas De Koninck, dans sa contribution, a cerné l’essence de la solidarité humaine et de la culture en enrichissant les réflexions d’Antoine de Saint-Exupéry autour des thèmes suivants : Solidarité humaine, Culture, Affectivité, Altérité essentielle ou intime, Arts et la communication, Nation et culture, Communauté humaine et civilisation nouvelle.
Francis Danvers présente dans son texte une collection de réflexions qui touchent à une grande diversité d’aspects de la solidarité. Elles proviennent d’un ouvrage encyclopédique sur l’orientation des jeunes et des adultes qu’il est en train de publier. Il met en perspective une pluralité de thèmes qui touchent à la solidarité par le biais d’analyse des liens sociaux. Même s’il constate que les liens sociaux, en Modernité, tendent à s’effriter, ou qu’ils sont menacés par l’aggravation des inégalités, cela permet tout de même aux individus de jouir d’une plus grande marge de liberté. Dans son texte, il présente de très beaux extraits sur l’amitié qui, comme la solidarité, engage des liens de réciprocité. Il termine avec des propos sur la naissance qui suivent ses lucides réflexions sur la fragilité humaine.
David Fradette analyse les fondements de l’action sociale qui occupe dorénavant une place de plus en plus importante dans les sociétés happées par les processus de mondialisation. Son propos s’inscrit dans les études avant-gardistes en traductologie dans le contexte de cette mondialisation qui transite notamment par Internet. Lorsqu’il traduit un slogan publicitaire, des considérations sociales, politiques et éthiques sont mises en jeu. D’un point de vue éthique, le traducteur est appelé à respecter et même à protéger la diversité linguistique surtout lorsqu’il s’agit de la publicité et du monde du commerce. En fait, Fradette montre l’importance, pour les traducteurs, d’être solidaires avec certains idéaux de la société civile afin de lutter contre l’homogénéisation culturelle, l’appauvrissement linguistique et la disparition des langues. À cet égard, il propose une réflexion approfondie sur le sens et les orientations du concept de société civile dans le contexte de la mondialisation.
Rosine Cinthia Gahé-Gohoun témoigne, dans son texte, du soutien qu’elle a reçu dans une clinique médicale pour son accouchement administré par des Occidentales. Malgré sa différence, souligne-t-elle, elle a reçu toute l’aide à laquelle elle avait droit, sans aucune discrimination. Elle a vécu, à cet endroit, un îlot de solidarité entre femmes.
Judith Alegnia Saint Jean livre un vibrant témoignage tiré de sa propre histoire de vie. Elle évoque les personnes formidables qui l’ont soutenue et aidée dans les moments les plus difficiles de son existence. Son texte porte un désir de gratitude pour tous ceux et celles qui l’ont amenée vers la voie d’un bonheur assumé.
Mireille Nicolas rend compte de la solidarité en puisant dans ses souvenirs récents et anciens. En voici un qui donne le ton à son texte : « J’avais six ans peut-être, nous sommes assises sur la margelle du bassin de la cour de ma grand-mère à Saïda. Une cour mauresque, un patio tout entouré de pièces ; ma grand-mère permet aux familles avoisinantes de puiser son eau alimentée par un puits. Une fillette de mon âge l’emporte dans un seau, courbée sous le poids. Elle glisse. L’eau se renverse. J’éclate de rire. À plus de soixante ans de distance, je la revois qui se tourne et me regarde. Quel regard ? Étonné ? Douloureux ? Quand je lirai Les Misérables, je donnerai à Cosette les traits de cette petite Algérienne ».
Obrillant DAMUS, professeur à l’Université Quisqueya et à l’Université d’État d’Haïti.
Denis JEFFREY, professeur à l’Université Laval,Canada.
Francis DANVERS, professeur émérite à l’Université de Lille, France.
Martine ROBERGE, professeure à l’Université Laval,Canada.
David FRADETTE, enseignant à l’Université Laval, Canada.
Mireille NICOLAS, professeur de français, France.
Valérie MEDORI TOURÉ, professeure à l’Université de Ouagadougou, Burkina Faso.
Judith Alegnia SAINT JEAN, diplômée de l’Université Grenoble, France.
Fatiha HARRAT, maître de conférences à l’Université d’Alger, Algérie.
Rosine Cinthia GAHÉ-GOHOUN, enseignante à l’Université Félix Houphouet-Boigny, Côte d’Ivoire.
2019. Éditions Modulaires Européennes (EME), Louvain-la-Neuve (Belgique).
► Chez votre libraire (qui pourra le commander s’il n’est pas de stock).
► Sur le site internet : www.eme-editions.be
► Par mail à : commande@harmattan.fr (en précisant vos coordonnées complètes de facturation et de livraison).
► Au point de vente de Louvain-la-Neuve
29 Grand’Place,
1348 Louvain-la-Neuve,
Belgique