— Par Thomas Hermans —
Mame-Fatou Niang et Julien Suaudeau estiment que l’œuvre très pop d’Hervé di Rosa, commandée en 1991, reprend des codes racistes et colonialistes. Ils demandent le décrochage de la toile. L’artiste dénonce une opération de censure.
Deux têtes. Elles sont noires avec de grands yeux bleus, une large rangée de dents encadrées par d’énormes lèvres rouges. Elles regardent en souriant une chaîne qui, l’instant d’avant, les contraignaient, et qui explose sous un choc violent. Cette libération, c’est l’abolition de l’esclavage, décidée par l’Assemblée nationale en 1794, en pleine période révolutionnaire. Cette fresque sur toile a été réalisée par Hervé di Rosa en 1991. Commandée par la RATP, elle trouve sa place dans un couloir du Palais bourbon, qui abrite l’Assemblée nationale. À travers douze représentations, les œuvres illustrent les dates marquantes de l’histoire législative française.
28 ans après son installation, la toile fait à nouveau parler d’elle. Une pétition demandant son retrait, lancée par Mame-Fatou Niang, professeur d’université, et Julien Suaudeau, écrivain, a déjà recueilli plus de 1400 signatures. Tous deux sont de fervents promoteurs de l’identité noire. Mame-Fatou Niang a réalisé un film, Mariannes noires, qui retrace le parcours de sept femmes. Julien Suaudeau a écrit Le Sang noir des hommes, un roman sur l’héritage des exactions dans les colonies d’Afrique. C’est lors d’une projection de son film à l’Assemblée nationale, le 8 mars, que Mame-Fatou Niang découvre l’œuvre d’Hervé di Rosa. Selon le texte accompagnant la pétition, la représentation des personnages noirs emprunte «à la fois aux publicités Banania et à Tintin au Congo». «Cette “œuvre” constitue une insulte humiliante et déshumanisante aux millions de victimes de la traite, ainsi qu’à tous leurs descendants», estiment les auteurs…
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