— Par Yves-Léopold Monthieux —
Le référendum est un procédé de consultation avec effet exécutoire et c’est ce caractère décisionnel qui le distingue de la consultation populaire du type de celles qui ont été organisées en Martinique en décembre 2003 et février 2010. De même qu’avait été finalement annulé le référendum envisagé par le général de Gaulle en 1968, il y a lieu de penser qu’il n’en sera pas proposé un pour résoudre la crise que connaît aujourd’hui la France. En échange, les analystes s’orientent en meute, comme pour le referendum délaissé, en faveur de la dissolution de l’assemblée nationale.
En 1968, le succès de la dissolution avait été possible parce que les partis politiques structuraient la vie politique. En face de la majorité UNR-UDT et RI (Républicains indépendants), il y avait une opposition parfaitement identifiée autour de discours portés par des partis et des leaders reconnus. La « chienlit » qui n’avait duré qu’un mois plein ne peut être comparée aux samedis jaunes (4 jours par mois et non perte de salaires). Hormis la brève parenthèse de François MITTERRAND qui, dans un instant d’égarement, s’était dit prêt à prendre le pouvoir – ce qui rappelle l’initiative du jeune adversaire de MADURO au Venezuela –, la démocratie représentative n’avait été remise en cause par aucun mouvement politique ni même par la rue. Aujourd’hui, on ne peut en dire autant ni de la majorité en place qui n’a aucune assise électorale ni de l’opposition qui disparaît dans une nébuleuse d’où n’émerge clairement que le Rassemblement national.
Admettons l’évidence qu’il est impossible de satisfaire le 10ème des propositions des gilets jaunes qui, autrement, se retrouveraient dotés d’un droit à manifestations inépuisable. La situation est aggravée par le rejet global des intermédiaires entre la base et le chef de l’Etat. A quoi servirait-il de remplacer une majorité inexpérimentée mais certaine par une autre tout autant inexpérimentée mais incertaine ? Quel que soit le résultat du scrutin la situation resterait sulfureuse. Si Marine LE PEN l’emportait, sa nomination comme première ministre entraînerait une bronca qui paralyserait son action. Par ailleurs, on voit mal ce jeune président assister impuissant au conseil des ministres du mercredi où serait pratiquée une politique aussi éloignée de la sienne. Si les choses demeuraient pareilles, une majorité de la République en marche et le maintien du Président MACRON, ce dernier resterait en ligne de mire des contestataires.
Aussi bien, en l’état actuel des oppositions exprimées à la fois contre les intermédiaires et contre le président de la République, la solution de la crise semble devoir se régler au niveau le plus élevé. C’est dire que la question de confiance ne se limite plus à celle du gouvernement formel mais s’attaque au gouvernement réel qu’incarne le chef de l’Etat qui est affaibli par le départ progressif de ses hommes de confiance. Rien ne serait plus désastreux que d’y être contraint par épuisement des solutions subalternes.
En conséquence, il paraît difficile au président MACRON de renoncer à remettre au peuple son mandat et à éventuellement se représenter en portant quelques-unes des propositions, y compris institutionnelles, sorties du Grand débat et des manifestations de gilets jaunes. Sa défaite ne paraît pas inéluctable dans un tel scenario. En cas de succès, ce qui lui vaudrait une re-légitimation et une nouvelle autorité, il peut déjà compter sur l’actuelle majorité de l’assemblée nationale qu’il n’aurait aucune raison de dissoudre.
En cas de victoire de Marine LE PEN, ce serait l‘occasion de purger le phénomène du Rassemblement national. Et de laisser, une fois de plus, agir le génie de la France.
Fort-de-France, le 11 février 2019
Yves-Léopold MONTHIEUX