— Par Selim Lander et Roland Sabra —
Comment dire l’exaspération des cinéphiles martiniquais face à la légèreté des gestionnaires de Madiana dès qu’il s’agit de la VO ? Grâce à Steve Zebina qui a organisé des projections de films en VO pour Tropiques Atrium dans leurs salles, ces gens ont compris qu’il y avait des amateurs pour de tels films, donc de l’argent à gagner. Mais il faut croire qu’ils détestent la VO au fond d’eux-mêmes puisque les incidents se multiplient. Combien de films programmés ne sont finalement pas passés au cours de ces deux dernières années ? On aimerait pouvoir en faire le compte ! Nous pardonnera-t-on si nous avouons avoir eu mieux à faire que dresser ce genre de liste ? C’est dommage, malgré tout, car il serait bon de mettre sous le nez des gestionnaires de ce cinéma la liste exhaustive de leurs manquements.
Ce n’est pas anodin de déplacer pour rien des amateurs qui viennent spécialement, parfois de fort loin (certes rien n’est kilométriquement très éloigné en Martinique, mais l’on sait combien le moindre déplacement peut être chronophage !). Une défaillance serait évidemment excusable. Qui n’a jamais failli ? Par contre la répétition de tels incidents, le mépris dont il est le signe à l’égard des « cochons de payants » (car c’est bien ainsi que nous sommes traités) s’avère, lui, impardonnable.
Car enfin qu’on nous permette un témoignage personnel : il nous arrive de séjourner à Aix-en-Provence, petite ville néanmoins dotée de deux cinémas d’art et essai, Le Mazarin et le Renoir, six salles en tout. Des cinémas que nous fréquentons depuis des années. Eh bien, qu’on le croie ou pas, nous n’avons JAMAIS été empêché de voir un film programmé en raison d’une impossibilité quelconque.
Dira-t-on que l’éloignement de la Métropole, l’insularité excusent ces manquements ? Sans doute au temps où les bobines voyageaient sur des navires à voile ou à moteur ou même par avion : des impondérables étaient alors toujours possibles. A l’heure où les films dématérialisés circulent par internet de tels prétextes ne sont plus de mise. Le personnel du cinéma n’a rien d’autre à faire que de vérifier en temps et heure que le film pourra bien être projeté. Le projectionniste trouve-t-il cette tâche indigne de sa personne ? Le supérieur hiérarchique du projectionniste trouve-t-il lui aussi cela indigne de lui, en dépit des incidents répétés ? On se perd en conjecture.
Mais attendez, ce n’est pas fini ! Quand une erreur est commise, croyez-vous qu’on va vous prévenir ? Comme on n’a apparemment rien vérifié en amont, on ne saurait vous dire de rester chez vous, cela va de soi, ni vous dissuader d’acheter votre place si vous vous présentez au guichet. Mais quand la projection a commencé en VF – si elle a commencé, car il y aussi l’éventualité que, rendu sur place, on vous informe candidement que le film n’est pas « arrivé » (???) – croyez-vous que le « responsable » de service à ce moment-là va venir s’excuser, proposer un dédommagement ? Que nenni. On attend que certains spectateurs se mobilisent pour réagir. Sinon, pas vu-pas pris, on fait comme si de rien n’était.
On a encore eu un exemple de ce comportement mercredi 30 janvier 2019 avec Green Book. Ce film – qui a eu l’oscar et le golden globe du meilleur film, quand même ! – a fait salle comble pour la projection en VO (nous pouvons en témoigner, quand nous avons eu acheté nos places, il n’en restait plus que six, et nous n’étions pas les derniers). Les spectateurs, dans leur immense majorité, s’étaient déplacés pour voir ce film en VO. Il a donc fallu que certains plus réactifs quittent leur siège et cherchent un interlocuteur dans le cinéma pour que, après quelques tergiversations, une responsable vienne informer la salle, sans présenter la moindre excuse, que l’on pouvait soit continuer à voir le film en VF, soit rentrer chez soi bredouille avec pour seule compensation un misérable ticket gratuit pour une autre séance.
Oui, vous avez bien lu ! Les cochons de payants qui se sont déplacés pour rien n’ont aucune compensation pour le préjudice matériel (le temps perdu en transport et à regarder dix minutes d’un film qu’on ne voulait pas voir, le prix de l’essence, etc.) et le préjudice moral (la déception, l’impression de s’être fait flouer, la légèreté avec laquelle on traite les clients-spectateurs). On ne leur rembourse même pas le prix du billet ! On les oblige, s’ils ont renoncé à voir le film en VF et s’ils ne veulent pas tout perdre, à se déplacer une nouvelle fois pour voir un autre film ou, peut-être (???) le même en VO, enfin.
Si, encore une fois, il s’agissait d’un incident isolé, on ne se gendarmerait pas. Mais, l’incompétence des gestionnaires de Madiana étant patente, constante, les spectateurs qui se sont fait berner sont en droit de prétendre à une autre compensation qu’une misérable entrée gratuite.
Ce billet d’humeur est-il trop agressif aux yeux des responsables de Madiana ? Qu’ils s’examinent un peu, alors. S’ils sont capables d’un tant soit peu de lucidité, ils percevront que non seulement leur négligence est indigne mais que la compensation offerte aux cochons de payants ne fait qu’aggraver le mépris avec lequel ces derniers sont traités.