— Par Matthias Galante —
Les personnages et décors géants du carnaval de Nice sont sculptés pour la première fois par une machine à 318 000 euros. Rendez-vous pour les défilés du 16 février au 2 mars.
Sur le sol brut des ateliers de la halle Spada à Nice (Alpes-Maritimes), un Lino Ventura, plus vrai que nature, toise d’un œil ironique un Nicolas Hulot grimé en Hulk musculeux aux larges épaules. L’anachronique face-à-face ne durera guère : ces imposantes figures en polystyrène rejoindront bientôt leur char respectif avant un bon coup de peinture. Elles ont cependant un point commun : toutes deux ont été fabriquées par un robot qui sculpte presque plus vite que son ombre une grande partie des caricatures et des décors géants appelés à défiler lors du prochain carnaval niçois.
Photo : Nice (Alpes-Maritimes), jeudi. Pierre Povigna (à droite) et son équipe sont maintenant aidés par une machine commandée par ordinateur pour sculpter les personnages du carnaval comme Lino Ventura. LP/Matthias Galante
La tradition médiévale, où le talent manuel et l’huile de coude sont rois, connaît une révolution avec l’arrivée de cette machine achetée en Suisse pour 318 000 € par l’entreprise familiale locale Povigna, en charge de la réalisation de onze chars. Le bras articulé sur sept axes, muni de mèches pour gratter les blocs de polystyrène, était jusque-là dévolu à l’industrie, la taille du marbre et du bois. Le voici désormais devenu une inattendue arme artistique pilotée par ordinateur. « C’est la première fois en France que l’on utilise ce modèle dans notre domaine. Il y a un meilleur rendu et on gagne énormément de temps », explique le carnavalier Pierre Povigna.
Cinq fois plus vite
Le process paraît simple sur le papier. Il l’est à condition de maîtriser l’outil, détaille Stéphane Biava, infographiste 3D récemment embauché, qui, « pour réaliser un visage, part d’une photo puis sculpte sur écran grâce à des logiciels ». Le plus dur selon lui ? « Programmer la machine pour ne pas qu’elle coince ou bute quelque part. » L’étape suivante file à toute allure… La vitesse de réalisation des têtes, pieds, bras géants et décors, souvent de quelques heures, est en effet impressionnante, assure Gérard Artufel, un sculpteur de l’équipe : « Ça va cinq fois plus vite qu’à la main. Et plus encore suivant les finitions. On a fait, en une semaine, un éléphant rempli de détails qui nous aurait pris quatre ou cinq mois sans ça… »
S’il évolue vers la digitalisation, promis, juré, assure-t-il, son métier ne disparaît pas pour autant. « Il a fallu recruter deux personnes pour modéliser et faire la conception 3D sur ordinateur. On a toujours besoin de bons sculpteurs pour assembler les différentes parties des pièces entre elles, comme la tête du roi qui en compte 25, faire les finitions et être capable de définir la meilleure stratégie possible de taille pour le robot. »
D’un point de vue économique, l’arrivée de l’engin high-tech pourrait déboucher sur de nouveaux marchés bien au-delà du carnaval niçois, espère Pierre Povigna, avec notamment « des artistes qui nous ont sollicités pour réaliser leurs sculptures ». En attendant, au milieu d’un océan de résidus de billes blanches, l’étonnante machine s’active dans tous les sens. « Et ce, même la nuit, c’est pratique ! »
Source : LeParisien.fr