« Engageons-nous »
Un collectif de 245 parlementaires, emmené par la députée (LRM) du Lot Huguette Tiegna, s’indigne, dans une tribune au « Monde », que l’état actuel du droit international et européen ne permette pas de lutter contre le phénomène.
Tribune. « Chimpanzé analphabète », « sodomite judéo-communiste », « grosse truie noire », « juif visqueux », « gros nègre de merde », « la bassine à foutre judéo-nègre », « youpin perfide »… Ces mots, d’une rare violence, sont ceux du site Internet raciste, antisémite, sexiste, islamophobe, négationniste, homophobe et xénophobe Démocratieparticipative.biz. Créé en 2016, ce site ouvertement néonazi, dont le nom fait honte au fait démocratique, a multiplié les articles débordant d’injures immondes visant de nombreux citoyens et des personnalités publiques. Très connu sur la fachosphère, ce site abject bénéficie d’une audience inquiétante.
Le 27 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Paris a pourtant ordonné le blocage du site Internet en France, après avoir ordonné début octobre 2018 à neuf fournisseurs d’accès à Internet français de rendre impossible l’accès à ce site depuis la France. Nous avions alors unanimement salué cette démarche puissante, rare et courageuse.
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Toutefois, malgré la procédure engagée, l’action des services de cybercriminalité de la gendarmerie nationale et la coopération des fournisseurs Internet, Democratieparticipative est depuis quelques jours de nouveau en ligne. Un simple changement de nom de domaine et d’hébergeur a permis de contourner l’interdiction. Ce faisant, le site se retrouve désormais hors de portée de toute juridiction européenne, et il devient difficile, de fait, de le poursuivre efficacement. Pire encore : son créateur pourra, malgré les condamnations, toujours contourner l’interdiction en enregistrant le site sous une nouvelle extension et en répétant le procédé à chaque nouveau référé.
Faire évoluer la législation
Ce n’est pas la première fois qu’un site ou qu’un contenu disparaît pour mieux réapparaître. En 2005, déjà, le lendemain du filtrage d’un site négationniste ordonné par la justice, on retrouvait dix sites « miroirs », qui reprenaient le contenu incriminé.
Trop souvent, beaucoup d’énergie est dépensée dans la lutte contre ces sites, pour un résultat nul, voire négatif, si l’on considère la publicité faite au contenu. Malgré notre consternation et notre indignation, nous sommes plus que jamais déterminés à trouver des solutions pour endiguer le phénomène inquiétant de la haine en ligne.
Ainsi, nous sommes prêts à faire évoluer la législation française sur la question. En effet, depuis trop longtemps, notre droit court après la technologie et les contournements y sont trop nombreux et trop faciles. Nous sommes déterminés à faire avancer le sujet au niveau européen et sur la scène internationale. Il est temps de réfléchir à un nouveau système de régulation international et européen des plates-formes de l’Internet.
Capacité d’indignation
Nous avons la volonté, enfin, d’associer à la réflexion les acteurs de l’Internet, dont les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft). Depuis longtemps, ils ont montré leur capacité à agir sur des contenus pédopornographiques ou sur les atteintes au droit d’auteur. Nous les sollicitons pour que nous trouvions, ensemble, des solutions afin d’agir sur des contenus haineux.
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Nous, parlementaires, élus de la nation, sommes malheureusement régulièrement victimes de ce genre de propos. Toutefois, nous disposons de moyens, qu’ils soient juridiques, politiques ou médiatiques, pour lutter contre cette violence, cette stigmatisation et cette persécution. En revanche, beaucoup de nos concitoyens reçoivent ces injures comme des insultes personnelles et se terrent dans le silence, imaginant qu’ils ne peuvent rien faire.
Dans un monde qui nous confronte au quotidien à la haine de certains, et qui tendrait à neutraliser nos émotions, sous l’effet de la redondance de cette violence, il nous appartient, en tant qu’élus responsables, en tant que citoyens engagés, de préserver notre capacité à nous indigner. Nous nous devons d’être le relais auprès des jeunes générations, afin qu’à leur tour, elles puissent s’élever contre la violence des mots. Nous le devons aux victimes quotidiennes de ces propos.
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