« Noire Ode » de Patrice Le Namouric, Prix du Court 2011

— Par Roland Sabra —

Le Trophée dessiné par l’artiste Julie Bessard

 Le réalisateur, et par ailleurs comédien Patrice Le Namouric a remporté la compétition de la deuxième édition du Festival « Prix de court » avec un film de huit minutes vingt-six secondes « Noire Ode ». L’action se déroule dans un futur éloigné, en 2171.  Madinina devenue capitale de l’Empire Karaib concentre le pouvoir médical, notamment  en ce qui concerne la reproduction. Une jeune femme, Madame Cordy, interprétée par Daniely Francisque, s’adresse a un médecin ( Patrice Le Namouric pour guérir d’une « maladie » de peau sexuellement transmissible : elle a la peau noire! On ne se sépare pas d’une obsession encore vivace. Entre négritude et « black is beautiful » perdure en 2171, du moins c’est l’hypothèse du film la folie du blanchiment de la peau. Madame Cordy veut un enfant blanc. L’intérêt de la projection dans le futur est de montrer que les effets de la  domination ne prennent pas fin avec la domination. Vérité dont nous vivons les manifestations plus de cent soixante ans après la fin officielle de l’esclavage ici dans les Antilles. Le film de Patrice Le Namouric est d’un grande richesse picturale, le jeu sur les couleurs, ou l’absence de couleur, le blanc en l’occurrence est saisissant de beauté plastique. Danielly Francisque, perruque et faux-cils démesurés de couleur orange est méconnaissable tout comme la passion de  son personnage, Madame Cordy, pour le blanc est méconnaissance d’elle-même. L’univers décrit est glacé, aseptique, on le devine sans odeur, ici règne « la science sans conscience ».  Si Patrice le Namouric joue avec brio avec les références picturales du vingtième siècle  il n’oublie pas de faire un clin d’oeil à un peintre plus ancien, Courbet dont il nous montre  transformée masquée comme par pudeur (?), sa célèbre « Origine du monde ». « Noire ode » a très justement remporté la palme par la maîtrise technique et le professionnalisme dont il fait preuve. Une belle réussite.

 

Au palmarès on retiendra le Prix du meilleur scénario décerné par Air Caraïbes pour… « Trou d’air« , ça ne s’invente pas! Un travail intéressant là encore par le jeu sur les couleurs et sur les lumières, la justesse des cadrages et bien sûr l’originalité du scénario. Une ancienne hôtesse de l’air, on ne sait pas si elle est retraitée ou en arrêt pour  dépression ou autre longue maladie, simule dans sa maison les gestes professionnels qui caractérisent ce métier, survient un cambrioleur qui la menace. Et tout à coup la situation se renverse c’est le cambrioleur qui se sentant menacé implore sa clémence, avant un ultime retournement à l’issue fatale. Un film de peu de moyens qui toutefois a su réunir une équipe de qualité pour un résultat tout à fait prometteur. A propos de peu de moyens « Le pense-bête » de la martiniquaise Nadia Charlery réalisé avec un téléphone portable est un petit bijou, un vrai clip publicitaire pour  les « Post-it ».  Le prix du public (1200 appels sur le serveur internet) a été décerné à une pochade, conçue comme un sketch illustratif de la notion d’habitus chère à Pierre Bourdieu ou encore du discours des objets et ses « lapsus » de Jean Baudrillard. On s’y moque d’une Antillaise qui voulant imiter les us et les coutumes de la classe dominante retrouve lors d’un conflit avec un vendeur des « archaïsmes (?) », des façons de faire et de parler qui signent une origine tout autre. Cà s’appelle « Un achat compulsif » et c’est signé Maharaki.

 

On ne dira rien du long métrage qui clôturait la séance de remise des prix. On peut d’ailleurs se demander pourquoi un long métrage dans un festival de court? On n’en dira rien parce que d’un sujet bien intéressant, la paternité aux Antilles, la réalisatrice a fait une série de cartes postales sans doute en remerciements au Conseil Régional de Guadeloupe qui la finançait et une enfilade de poncifs gluants de pathos. On n’en dira rien. Promis.

 

Fort-de-France, le 16/04/11

 

Roland Sabra

 

 

PALMARES DU FESTIVAL PRIX DE COURT :


 


 

 

  • LE PRIX DE COURT : NOIRE ODE de Patrice Le Namouric

 


* LE PRIX AIR CARAIBES DU MEILLEUR SCENARIO : TROU D’AIR de Karine Gama

 

  • LE PRIX DU PUBLIC : UN ACHAT COMPULSIF de Maharaki

 

  • LE PRIX MOBILE FILMS : LE PENSE BÊTE de Nadia Charlery
  • PRIX SPÉCIAL DU JURY : FICHUES RACINES de Marie-Claude pernelle
  • COUP DE COEUR : LES SECRETS DE L’ANSE VATA de Teddy Albert

 



MENTIONS SPECIALES DU JURY

 

 

 

  • Meilleure actrice Lucile Kancel de FICHUES RACINES

 

  • Meilleur acteur : Ruben Daphné de Schiz “oeuf” Phrénie de Antoine Munch
  • Encouragements : Esaie Carpentier – Patrick Bideaut – William Marcin de “Jacques à dit”

 

  • Humour :  UN ACHAT COMPULSIF de Maharaki