— Par Yves-Léopold Monthieux —
En supprimant l’emblème aux 4 serpents, le président de la République n’a pas entendu invalider un drapeau et encore moins un drapeau national. L’objectif avéré de la Collectivité territoriale de Martinique (CTM) est de faire reconnaître la Martinique lors des rencontres sportives dans les Caraïbes, autrement que par le fanion retiré ou le drapeau français. La requête est réputée émaner des ligues sportives qui sont des organismes non politiques. Cependant, pour ceux qui voulaient la suppression de l’emblème il ne s’agit pas d’y substituer un autre, d’égale signification politique. Pour ces derniers, l’objectif est d’adopter une fois pour toutes le drapeau national martiniquais. Le drapeau de l’indépendance avant l’indépendance, en quelque sorte. Mais les porteurs dudit « drapeau de MALSA » ont été pris de court par la soudaineté de la décision présidentielle à laquelle ils n’étaient pas préparés.
Comme je l’avais pressenti dans ma tribune du 19 octobre dernier, le président Alfred MARIE-JEANNE, qui n’a jamais été un accro au drapeau de MALSA, a profité de cette surprise pour « faire un pied de nez à ses anciens amis indépendantistes ». Lesquels voient ainsi s’échapper à leur mouvement un symbole fort qui pourrait être utile à son essor. Avec le sens de l’opportunité qu’on lui connaît, l’« Homme vertical » n’hésite jamais à prendre des libertés avec ses idées pour faire un bon coup politique ou régler ses comptes. Et de fait, le président a aussitôt ouvert un concours pour doter la Martinique d’un « emblème qui pourrait renvoyer aux calendes grecques l’adoption du drapeau national martiniquais ». Un emblème qui, précise-t-il, ne doit pas reprendre les couleurs d’un drapeau existant (sous entendu les couleurs verte, rouge et noire). En même temps, Alfred MARIE-JEANNE enlève une épine du pied de l’Etat qui aurait pu voir le drapeau vert-rouge-noir entrer ouvertement en concurrence avec le drapeau français, y compris peut-être sur la poitrine et les épaules des militaires.
Ainsi donc, un emblème nouveau remplacera l’ancien, d’égales signification et limitation régionales. Cependant, s’ils estiment que la priorité du moment est ailleurs que dans le débat sur un drapeau et un hymne, les Martiniquais ne reprocheront certainement pas à Alfred MARIE-JEANNE de donner un coup d’arrêt au projet des indépendantistes et souverainistes qui est bien loin de recevoir leur agrément. Les manifestations organisées autour de l’hôtel de la collectivité ne sont pas susceptibles d’altérer la détermination d’Alfred MARIE-JEANNE ni de modifier l’opinion. Dès lors, il n’est pas étonnant que le président de la CTM reçoive le soutien appuyé de la droite, pro-française, alliée ou non, qui s’est toujours opposée à un drapeau représentant la nation martiniquaise.
En revanche, il n’est pas davantage étonnant d’observer le silence des autres alliés indépendantistes de la CTM qui, de ce fait, se démarquent implicitement de la décision d’Alfred MARIE-JEANNE. Cette réserve n’a d’égale que la motivation largement exprimée par le Parti progressiste martiniquais. En effet, au prétexte que ces couleurs sont les mêmes que les siennes, le PPM se révèle être le principal soutien de ce symbole de souveraineté dont il se défend. C’est ainsi que le président indépendantiste de la CTM se démarque de la démarche qui consiste à faire cohabiter, à l’ombre d’un drapeau à vocation nationale, deux idéologies politiques prétendument opposées : l’indépendantisme et l’autonomie.
Quoi qu’il en soit, le drapeau noir-vert-rouge n’est pour demain.
Fort-de-France, le 10 janvier 2019
Yves-Léopold MONTHIEUX