— Par Térèz Léotin —
Pour maintenir et donner à survivre la Pensée de Solange Fitte-Duval, par delà le temps, Anique Sylvestre vient de faire paraître « Chère Solange ». C’est un ouvrage dense par son contenu et par sa qualité.
Écrire la biographie de Solange, c’est donner aux générations futures à connaitre cette Grande Dame, mais surtout laisser aussi à ces générations futures, des marques qui pourront les aider à mieux baliser leur route. Écrire cette biographie c’est rappeler à ses contemporains le grand bonheur qu’ils ont eu de la côtoyer.
Écrire c’est surtout donner à retenir vive une pensée, et puisqu’écrire une biographie c’est tout cela à la fois, nous disons merci à l’auteure qui nous permet, par delà la grande absence de renouveler nos remerciements intarissables à Solange Fitte-Duval.
J’ai en effet été pétrie, moulue, façonnée, modelée par le savoir et les connaissances de cette Dame qui nous enseigna à la fois, le Français, la musique avec son guide-chant et son diapason, l’instruction civique, la couture et la morale. Il n’était surtout pas question, une fois que la sonnerie a retenti, de dévaler l’escalier, comme un troupeau sans maître, (une des grandes pratiques actuelles). Nous connaissions le respect. Les gendarmes ne fouillaient pas nos cartables.
Solange Fitte-Duval, était cette Dame qui nous apprit à être fiers de nous, à nous accepter et à nous trouver beaux, tel que nous étions. Solange savait nous montrer qu’autour de nous, nous avions des cocotiers, des manguiers, pas des pins ni des chênes ou des sapins et que par rapport à notre environnement, puisque nous étions sous les tropiques, nous n’étions pas des exotiques pour autant. Sa classe reflétait l’extérieur, avec des tableaux au mur nous donnant à nous reconnaître.
Dans sa classe, c’était déjà Zobel, « Diab-la ». C’était déjà Césaire « Cahier d’un retour au pays natal », déjà Gratiant et son texte » Si kouri vini » en français. Le créole tout comme Zobel, comme Césaire, était prohibé, mais la réfractaire imposait ce qu’il fallait. C’était « La Caldeira » de Raphaël Tardon, Glissant et sa « Lézarde », c’était « La rose et le réséda » d’Aragon. C’était « Le chant du Partisan ». Sans pour cela rejeter les classiques: « Les Plaideurs » de Racine, « Phèdre », La Fontaine. Et sans être une ogresse, on ne « faisait pas la fête avec elle, on ne pouvait pas faire la fête, elle ne faisait pas la fête. » Dans sa classe il n’y avait pas le jeton de la censure, hostile au créole, que ses collègues soucieux de préserver la langue de Molière, infligeaient même aux récréations, en principe lieu de plus grande liberté.
Solange c’était tout cela, mais aussi une militante de la première heure qui, dans l’ombre de son frère, maire communiste du Saint-Esprit, a subi et affronté avec lui, les avanies et méprisailles des opposants aux communistes, allant du prêtre, menaçant presque d’excommunier ses ouailles pour péché de communisme, au pauvre hère à qui l’on avait appris savamment à se tromper d’ennemi et à injurier copieusement tous ces « sales » communistes qui voulaient « prendre sa maison » qu’il n’avait même pas.
Solange de Tivoli à Fort-de-France, Solange de l’Union des femmes, Solange la femme engagée, Solange la battante : cette « Chère Solange » revit dans la biographie que lui consacre Anique Sylvestre, un ouvrage paru aux Editions Jets d’encre, décembre 2018.
À lire pour connaitre ces gens qui ont forgé l’esprit de notre peuple.
Térèz Léotin
Format : 14,8 x 21 cm
Pages : 118 pages
Parution : décembre 2018
ISBN : 978-2-35523-059-2