— Yves-Léopold Monthieux —
La présence récurrente d’éléments allogènes au cours des travaux de la CTM ne pouvait pas manquer de provoquer des dysfonctionnements. Avant 1983, la libre entrée dans l’hémicycle du conseil général n’était pas admise. Ce n’était pas une bonne pratique de la démocratie. L’opposition de l’époque estimait que la limitation des entrées au public relevait d’une décision autoritariste, contraire à la démocratie. Elle était dans son rôle.
Cependant, pour la majorité d’alors, il s’était agi d’une mesure de police interne prise pour tenir compte de l’exiguïté des locaux et la sécurité des personnes. La séparation incertaine dans la salle entre les élus et le public pouvait faire craindre des débordements. Par ailleurs, la mesure ne fut pas étrangère à la volonté d’éviter que la contestation politique, qui était parfois violente dans la rue, ne s’introduisît dans l’assemblée. A tort ou à raison, cette situation avait conduit le conseil à limiter le nombre des visiteurs à deux invités par élu, soit un peu moins de 100 citoyens.
A l’arrivée de la gauche, la nouvelle majorité et les manifestants étant du même bord politique, le calme s’installa aussi bien dans la rue que dans les hémicycles. La droite n’a pas pris le relai de la contestation. Les hémicycles furent ouverts sans restriction au public. Mais l’unanimité des gauches n’ayant pas duré, la volonté de donner plus de respiration à la démocratie allait conduire à des excès. En effet, le public qui est rarement neutre, ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Dans un second temps il donna de la voix pour manifester un désaccord avec une décision ou la position d’un élu. Celui-ci se fait parfois copieusement insulter. Ensuite le phénomène s’est étendu à des corporations et autres groupements constitués qui y voient un lieu propice pour faire passer leurs messages et ou revendications. Aujourd’hui, il s’agit pour ces mouvements qui ont plusieurs moyens démocratiques de s’exprimer, de faire carrément pression sur l’assemblée. Ce n’est pas la démocratie.
Depuis la retransmission en direct des assemblées plénières, la télévision amplifie cette pression qui est souvent accompagnée de scènes émotionnelles qui interpellent le public, mais nuisent à l’objectivité des débats. Outre que des dissensions entre les élus sont étalées au grand jour, l’assemblée se trouve en situation de soumission permanente aux yeux des téléspectateurs. Mais le renouvellement périodique de cette intrusion télévisée venant de tous les azimuts fait passer au second plan les points de l’ordre du jour de l’assemblée. Retenons que de tels spectacles sont impossibles lors des conseils municipaux, la discipline étant autrement appliquée.
Pour toutes ces raisons, et nonobstant les insuffisances des statuts de la CTM et les erreurs propres à ses dirigeants, l’autorité de la Collectivité territoriale ne peut que s’en trouver affaiblie. Quoi qu’il en soit, il règne une pratique de la démocratie martiniquaise qui n’a jamais été aussi violente et éloignée des règles démocratiques. Naguère, les élus pouvaient compter sur le respect de leurs personnes au sein de l’hémicycle. Ce n’est plus le cas. L’une des mesures a minima pour se rapprocher de la règle pourrait consister à interrompre les retransmissions télévisées pendant les auditions des personnes étrangères à l’assemblée.
Fort-de-France, le 24 septembre 2018
Yves-Léopold Monthieux