Par les temps qui courent, donner son opinion au café, dans un lieu de culte, sur la toile et les réseaux sociaux suite à un acte terroriste est risqué. Ca peut être considéré comme apologie du terrorisme et non liberté d’expression. Explication. Retour sur la condamnation de l’auteur des tweets se réjouissant de la mort du gendarme Arnaud Beltrame à un an de prison avec sursis.
Pourquoi ? Parce que, outre l’indécence des propos injurieux, user de ce mode d’expression par Internet et sur les réseaux sociaux ça craint. Quand ça dérape dans le cas précis d’actes terroristes, ce n’est plus une simple opinion relevant de la liberté d’expression (comme l’a plaidée l’avocate du prévenu) mais de l’apologie du terrorisme qui est un délit comme l’a jugé le tribunal correctionnel de Lisieux
Nous ne débattrons pas dans cette rubrique « Vos droits » de la frontière entre liberté d’expression et apologie du terrorisme ni du transfert de ce délit de la loi sur la liberté de la presse dans le code pénal (*)
Nous attirons simplement votre attention sur les propos que vous pouvez tenir sur la toile, les réseaux sociaux, dans l’espace public… même pour rire ou sous l’emprise de l’alcool.
Car si la condamnation de l’auteur des tweets injurieux a été médiatisée et pour cause, ce genre de condamnation pour apologie du terrorisme est assez courant et se traduit par des sanctions allant de la prison avec sursis ou ferme au mieux l’obligation de faire un stage de citoyenneté
A titre d’exemple, dans le Calvados justement, l’an passé un lycéen, âgé de 18 ans, a été condamné par le tribunal correctionnel de Caen à 3 ans de prison dont 2 fermes pour apologie du terrorisme au moyen de messages (70 pages de tweets !) postés sur les réseaux sociaux. Les juges n’ont pas retenu sa défense à savoir : »c’est du délire, je ne le pensais pas du tout ».
Autres exemples :
– un homme de 22 ans a été condamné à un an de prison ferme pour avoir sur sa page Facebook une vidéo dans laquelle il se moque d’un policier abattu lors d’une fusillade,
– un habitant de Montpellier (Hérault), d’origine Marocaine avait donné raison à Daesh de « niquer la France et d’exploser des bombes », selon le Midi Libre et La Marseillaise. Il a été condamné à 6 mois de prison ferme avec obligation de suivre un stage de citoyenneté par le tribunal correctionnel. Les juges n’ont pas retenu sa défense, à savoir : « j’étais en état d’ébriété. »
Comment s’expliquent ces sanctions prononcées après un jugement expéditif ?
Notons d’abord que les condamnations sont à l’appréciation du tribunal correctionnel dans les limites prévues par l’article 421-2-5 du code pénal en cas d’apologie du terrorisme.
Il faut remonter aux attentas des 7 et 9 janvier 2015 contre Charlie Hebdo et l’hyper-casher de Vincennes. A leur suite, les procureurs de la République et les préfets ont reçu une circulaire du ministère de la justice visant à condamner, sans délai, l’apologie du terrorisme et la provocation au terrorisme.
Cette circulaire punit jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et jusqu’à 75 000 euros d’amende le fait de faire publiquement l’apologie des actes de terrorisme.
Cette peine est portée à 7 ans de prison et 100 000 euros d’amende lorsque ces faits ont été commis en utilisant un service de communication en ligne (Internet, tweets etc.).
Même tarif quant à la provocation au terrorisme.
Leurs auteurs peuvent être placés en garde à vue et jugés en comparution immédiate ce qui explique la rapidité de la condamnation.
A quel moment des propos deviennent apologie du terrorisme ?
La circulaire ci-dessus donne la définition suivante de l’apologie du terrorisme : « elle consiste à présenter ou commenter des actes de terrorisme en portant sur eux un jugement moral favorable ».
C’est le cas quand une personne approuve un attentat et le fait savoir sur Internet, par tweets, sur Facebook et même au café du coin ou encore dans les lieux de cultes qui peuvent de ce fait être fermés en application de l’article L227-1 du code de la sécurité intérieure
Egalement quand on loue les auteurs d’actes de terrorisme ou approuve le meurtre de victimes ou de force de l’ordre comme c’est le cas avec le gendarme Beltrame.
Pour être punie, l’apologie doit avoir été faite publiquement. Le caractère public des propos s’apprécie de la même manière que pour l’injure ou la diffamation. Ainsi, des propos tenus sur un réseau social ouvert au public peuvent être réprimés.
Quant à la provocation au terrorisme, il s’agit d’une « incitation directe à commettre des faits matériellement déterminés (vidéos, mode d’emploi d’engins explosif, préparatifs logistiques etc.) ».
Cet arsenal répressif est tempéré par le fait que, selon les cas jugés, « les procureurs pourront recourir aux stages de citoyenneté à titre soit d’alternative aux poursuites, soit de mesure de composition pénale, soit de peine principale ou complémentaire. »
Comment se passe la procédure ?
Le procureur peut saisir lui-même le tribunal en vue d’un procès.
L’auteur des faits peut également être poursuivi par une association d’aide aux victimes du terrorisme. Cette dernière peut se constituer partie civile et demander des dommages-intérêts. L’association peut saisir directement le tribunal avec une citation directe par exemple.
Il n’est pas possible de porter plainte en tant que simple citoyen.
Si les faits ont été commis via internet, les poursuites concernent d’abord les auteurs des propos et non les hébergeurs des sites ou les responsables du réseau social.
Le délai de prescription est de 6 ans à partir de la date de publication ou de prononciation des propos. Ca veut dire que vous pouvez être poursuivi(e) jusqu’à 6 ans après avoir fait l’apologie du terrorisme.
Attention, les juges ne retiennent pas l’excuse de l’ébriété ni le repentir ni le délire et ils sont seuls juges pour dire s’il s’agit d’une opinion relevant de la liberté d’expression ou d’un délit relevant de l’apologie du terrorisme ou de la provocation au terrorisme.
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