— Par George Huyghues des Etages, psychologue —
Tout en compatissant à la souffrance de la famille de ces victimes, en déplorant et en condamnant ces actes abominables (expliquer ne signifiant pas excuser mais tenter de comprendre afin de prévenir), à mon avis, tant que la situation familiale, socio-économique et politique restera telle qu’elle est, ces drames subsisteront.
Je m’explique :
Dans ce pays « dominé » politiquement avec un Etat-père et une Mère-patrie éloignées géographiquement, dont nous savons, même confusément, que leurs intérêts passent avant les nôtres et qui ont mis en place entre autres un système d’aides sociales obligeant les femmes pour en bénéficier à ruser en écartant officiellement les hommes du foyer, dans une société construite sur la violence et imprégnée de sexisme et de machisme, où sévit un chômage infériorisant et humiliant face à une incitation à la surconsommation et au paraître pour être par le biais de la publicité et de certains media, avec .une élite, une intelligentsia, une classe politique dont beaucoup de ses membres semblent se positionner égoïstement et de façon arrogante à l’écart et au-dessus du peuple, avec ces pères géniteurs qui nient objectivement leurs enfants en ne les reconnaissant pas et ne s’occupant pas de leur devenir, avec ces mères plus souvent soucieuses de bien-être matériel mais avares ou maladroites en démonstrations d’affection et utilisant coups et cris comme moyens éducatifs, comment ceux, en particulier certains hommes qui ont vécu et subissent encore cette situation mais qui en même temps (et paradoxalement) ont été élevés dans l’absence de limites à leurs désirs et l’intolérance aux frustrations, ne se sentiraient-ils pas »laissés pour compte », ne ressentiraient-ils pas l’amertume de leur réalité et un fort sentiment d’injustice et d’abandon générateurs d’un malaise prêt à s’exacerber au moindre refus d’accéder à leurs exigences? sans compter ceux, nombreux, qui sont sous l’emprise ou en manque de stupéfiants ou d’alcool et ceux qui souffrent de troubles mentaux (paranoïa, troubles graves de la personnalité) se déclarant et s’extériorisant à l’occasion d’une rupture ressentie comme insupportable…. et la compagne (ou la copine) étant la moins « taboue » (à la différence en général de la mère) et la plus accessible sera la cible privilégiée…
Il est ici question d’éducation et de « mentalité »– de prise de conscience par les parents de leurs responsabilités et de certaines de leurs attitudes toxiques, de compréhension et d’acceptation par les pères de leur rôle auprès de leurs enfants légitimes comme illégitimes (avec l’assentiment et l’aide des femmes—et éventuellement une prise en charge par des thérapeutes familiaux), d’amour raisonné et démontré des mères, de regard attentif, de générosité ainsi que d’humilité vis à vis du peuple et de changements de comportements de l’élite, de la nécessité d’éradiquer l’illettrisme et le sous-développement cognitif et donc de réfléchir à une école et des enseignements plus adaptés permettant à une majorité de la population d’accéder aux diplômes et à la culture, de recherche de solutions visant à réduire le chômage, du rôle plus pédagogique des media, et enfin de l’émancipation d’un peuple.
Voici ce que j’écrivais dans mon ouvrage ‘A l’écoute de la Martinique » au chapitre « Femme et famille », paru en 2011 aux éditions Mwen :
« Lui, l’homme, dès que la femme lui aura montré sa dépendance affective et réclamera de lui soutien et constance, pris de panique, il fuira lâchement, retournera « la kay manman » dans le giron maternel plus libéral (avec une mère « soutireuse » toute heureuse de récupérer son garçon) et/ou recherchera la compagnie d’autres femmes plus compréhensives.
Mais si, lassée de ses frasques et désabusée, la femme demande la séparation, le divorce (comme c’est fréquemment le cas, parfois même à ses torts pour plus de tranquillité et de rapidité), l’homme se retrouvera dans un tel état d’incrédulité et d’affolement que – le ciel lui tombant sur la tête et le doute l’assaillant – il perdra tout repère et toute lucidité : il se convaincra que c’est lui la victime dans son bon droit et projettera sur cette femme ses propres sentiments : c’est elle qui veut le tromper, c’est elle qui ourdit un complot avec la complicité de sa famille et de ses amis, il y a un rival sans lequel elle n’oserait pas le quitter. Une véritable paranoïa s’empare de cet ancien abandonnique dont la souffrance se réactive et devient intolérable (…)
Quand sa compagne, sur laquelle il considère avoir des droits, veut le « quitter », il ne comprend plus.
La désertion de cette femme sur laquelle il comptait blesse profondément son narcissisme et le déstabilise. Lui qui s’assurait, par ses infidélités, de l’indéfectible attachement de sa compagne, preuve tant qu’elle acceptait qu’elle jouait le jeu et qu’il maîtrisait la situation (qu’il était tout simplement le maître), lui qui trouvait sa jouissance dans ce jeu dangereux, dans cette situation inconfortable, frisant à chaque instant le drame certes mais éminemment ludique en définitive, ce « zwell » qui le faisait louvoyer entre deux ou plusieurs femmes, « feinter » pour éviter d’être découvert, mentir avec aplomb sans perdre la face, il poursuivra sa femme de ses assiduités, la menacera même pour qu’elle revienne au foyer ou le laisse revenir, prenant à témoins et même en otages ses enfants sans souci de leur équilibre.
Il se battra avec l’énergie d’un véritable désespoir et par tous les moyens, même les plus méprisables, allant parfois jusqu’au meurtre, pour éviter la séparation, le divorce, cette blessure d’amour-propre, cette déchéance sociale qui le prive de son faire-valoir, de sa victime et du rempart qu’elle représentait contre les maîtresses qui, elles, rêvent souvent d’officialiser mais dont il sait bien qu’en général elles ne lui seront pas aussi dévouées. »
HUYGHUES DES ETAGES George
Psychologue auteure d’ouvrages éducatifs
Illustration : Framinet