— Par Sonya Faure et Michel Becquembois —
C’est un iceberg que personne ne voit venir. Qui met à l’épreuve, parfois violemment, dans les familles de gauche, des valeurs qui semblaient ancrées pour la vie. Une déchirure intime, un rite de passage citoyen et politique, la première occasion majeure, souvent, de confronter ses actes à son discours politique. L’aîné entre en sixième.
Ceux qui y sont confrontés étaient partis gentrifier les quartiers populaires, ils s’étaient éloignés du centre-ville parce que l’immobilier n’y était plus accessible, ils aimaient croiser leurs voisins d’origine et de classe sociale diverses le dimanche matin au marché. Ils comprennent désormais que vivre dans le quartier, dans cette banlieue, c’est aussi faire grandir les enfants ensemble. Mais le collège public du secteur a mauvaise réputation. Dans les palmarès des meilleurs collèges, il est moins bon que celui du pâté de maisons d’à côté. D’année en année, les collégiens n’y reflètent plus vraiment la diversité du quartier. Parfois même, il est devenu un «collège ghetto», tant de nombreux parents ont déjà préféré l’éviter à leurs enfants. Dans les dîners entre copains, dans les familles et au sein du couple, les discussions se tendent. Puis il y a cette phrase qui résume tout : «La mixité sociale ne se fera pas sur le dos de ma fille !» Un cri de désespoir que le philosophe Patrick Savidan comprend bien : «Parce qu’il n’a pas pris au sérieux le problème de la mixité à l’école, l’Etat met les parents en demeure de choisir entre leur enfant et la solidarité.» En septembre, une tribune publiée dans Libération, «A mes amis qui trichent avec la carte scolaire», avait suscité de nombreuses réactions, tant de la part des «tricheurs» que de parents excédés par les petits arrangements de leurs voisins…
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