— Par Roland Tell —
Le surréalisme politique, à la tête de la Collectivité Territoriale de la Martinique, a rompu avec toute raison idéologique, à travers l’alliance nationale-droitiste. En même temps, la politique est devenue, pour le Président de la Collectivité, un pur instrument de culte de la personnalité, et de prospection électorale. Elle est de plus en plus mise au service de toutes les ambitions personnelles de celui qui se croit, dans les puissances sauvages de l’inconscient, le « Président des Martiniquais », ou le « Président de la Martinique ».
En effet, son élection à la tête de la Collectivité a créé une névrose institutionnelle, une mise en liberté totale, à l’abri de tout contrôle démocratique, de toute activité directrice de l’intelligence politique, où l’on se croit autorisé à licencier par automatisme psychique de patron d’habitation esclavagiste, à se calfeutrer dans la Caverne de Plateau Roy, lors des assemblées dites plénières, sous la garde de gros bras, armés de molosses aux crocs puissants. C’est là le rejet de toute raison politique, c’est une totale rupture avec la démocratie, c’est enfin le lâchage des puissances infinies de l’irrationnel, au sein même du Conseil Exécutif, et sur les bancs des élus majoritaires, où des servants et des suivants s’activent aux chantiers de la démagogie.
Ce rejet de la raison politique, cette totale rupture avec la nécessaire retenue de toute gouvernance, marquent la limite essentielle, qui sépare les politiciens d’abîme et de néant, de la vivante et fertile espérance populaire. Quand le sens démocratique est perdu, il ne reste que l’anarchie des égo. Le moi devient souverain, par exemple au Parc Naturel Régional, où il a fait un saut impressionnant hors de la réalité ! De la sorte, l’embonpoint, conféré par charge élective, grossit soudainement, se concentrant sur les profondeurs internes de celui, qui s’est pris pour un géreur d’habitation ! Alors, l’espace du parc devient ainsi un milieu d’expansion du moi, rempli d’intentions personnelles, de tensions, de pressions, de … licenciements ! Cet espace public, devenu singulier, absolument singulier, particulier à un moi exécutif, qui se pique d’ailleurs d’écologisme, nourrit alors, chez celui-ci, le pouvoir d’en jouir pleinement, donc de licencier le responsable, particulièrement compétent, aux qualités humaines et professionnelles solides, fondées, sérieuses, dans le but d’acquérir ainsi un empire écologique, tel un substitut de ce que les stoïciens appelaient « l’ataraxie », c’est-à-dire le pouvoir de guérison des orientations vicieuses, et de l’amour de soi. Les prétextes évoqués d’insubordination, et autres actes d’insoumission, sont à cet égard terriblement symptomatiques. Qu’on se rappelle ce qui s’ensuivit par la suite, les gestes frauduleux de comptage des grévistes, de circonvenir tel syndicat ou tel autre, de se présenter, face aux piquets de grève, avec huissiers, gorilles, et chiens hurleurs, pour se montrer, tel un homme politique en ses oeuvres, certes plus soucieux de construire de lui l’image d’un incompris, aux rêves de grandeur refoulés. Ce glissement vers l’égo, centré sur lui-même, est la cause principale du désordre politique, que connaît actuellement la Martinique.
Sans les interventions de l’admirable Philippe PIERRE-CHARLES, et de son seul syndicat, quelle serait notre pénétration de ce désordre, de cette violence politique, génératrice de troubles ? Celui-ci a imprimé la marque de son intelligence tactique, de sa forte personnalité, devant le silence rampant des autres syndicats. C’est, hélas, le supplice de la vie martiniquaise : il n’y a pas d’unité syndicale, capable de sentir, en même temps, l’abus d’autorité ! Certains, à la moralité particulière, par intérêt, ou par parti-pris, préfèrent rester dans les conditions subalternes de courroies de transmission du parti au pouvoir, dont l’issue n’est que compromissions, voire soumission à l’Exécutif, par des syndicalistes, plus attentifs que jamais à la nature politique du Pouvoir, souvent aussi à leur nécessité de croissance, dans une quête désespérée de reconnaissance et de partage, poursuivant ensemble des fins politiques, délibérément voulues.
Oui, la douleur de la Martinique est présente là aussi, sous ses signes d’allégeance syndicale, entièrement déviée, pour ne pas dire dévouée, à la libération de la toute-puissance d’un Chef de l’Exécutif, prétendument indépendantiste, et donc à la conquête de l’émancipation, telle que rêvée par les puissances de la déraison syndicale et politique. Et pourtant, et pourtant, s’agissant toujours du combat syndical, l’équipe au pouvoir devrait mériter leur attention toute particulière, en raison de la signification exceptionnelle de l’alliance nationale droitiste, qui, par toutes les situations signalées de surréalité à la Caverne, au TCSP, au Parc Naturel Régional, semble vouée à la ruine, presque aux frontières de la mort politique. La folie a rendu possible l’alliance entre les séparatistes et les conservateurs, dans l’ivresse d’un soir d’élection, en décembre 2015 ! A travers toutes les misères, qu’elle vit maintenant, la Martinique voit de plus en plus venir la zone crépusculaire de son déclin. Pour quand sa délivrance totale ? Avec quelles équipes nouvelles, pour des perspectives changeantes de développement intérieur, et d’évolution des évènements politiques ?
ROLAND TELL