— Par Denis Peiron —
Alors que fait rage le débat autour de l’écriture « inclusive », plus de 300 professeurs de tous niveaux s’engagent, dans une tribune publiée hier, à ne plus appliquer cette règle d’accord orthographique jugée sexiste.
Comment ces enseignants justifient-ils leur démarche ?
Dans une tribune publiée hier par le site Slate.fr, 314 professeurs du primaire, du secondaire et du supérieur affirment qu’ils n’enseigneront ni n’appliqueront plus la règle selon laquelle « le masculin l’emporte sur le féminin ». Pour justifier leur décision, ils rappellent notamment que cette règle remonte au XVIIe siècle et qu’elle a « dû attendre la généralisation de l’école primaire obligatoire », autrement dit la fin du XIXe siècle, pour être « appliquée massivement ». Elle a aussi et surtout été promue pour une raison « politique » et non linguistique, affirment les signataires, en citant un ouvrage du conseiller d’État et grammairien Dupleix, La Liberté de la langue française dans sa pureté (1651) : « Parce que le genre masculin est le plus noble, il prévaut seul contre deux ou plusieurs féminins, quoiqu’ils soient plus proches de leur adjectif. » Enfin, ces enseignants estiment que répéter aux enfants la fameuse formule, et ce, dans des lieux synonymes d’émancipation par le savoir, « induit des représentations mentales qui conduisent femmes et hommes à accepter la domination d’un sexe sur l’autre ».
Quelle règle proposent-ils en remplacement ?
Les signataires se laissent le choix entre trois solutions. La première consiste à appliquer la règle de proximité, qui vient du latin et qui a été utilisée en français avant que le masculin ne « l’emporte ». Elle consiste à accorder le ou les mots se rapportant à plusieurs substantifs avec celui qui leur est le plus proche. On écrira par exemple « les villages et les villes françaises » et non « les villages et les villes français ». « C’est la solution la plus rationnelle, la plus facile à mettre en œuvre, celle aussi qui sonne le plus naturel à nosoreilles », estime Béatrice Pothier, professeur en linguistique et en sciences de l’éducation.
La deuxième option est celle de l’accord de majorité : « Deux hommes et trois femmes sont venues. » La dernière solution, elle, est appelée « accord au choix » et revient à donner toute latitude au rédacteur d’effectuer l’accord avec le masculin ou avec le féminin. Les 314 enseignants appellent leurs collègues à « ne pas sanctionner les énoncés (de leurs élèves) s’éloignant de la règle enseignée jusqu’à présent ». Ils invitent aussi les médias à s’engager. Ce que Slate.fr a fait hier, en annonçant qu’il utiliserait désormais la règle de proximité…
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