— Par Roland Sabra —
Les travaux de José Exélis, irrésistiblement donnent envie de paraphraser le Verlaine de Mon rêve familier :
« Il fait souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’’un théâtre inconnu, et qu’il aime, et qui l’aime,
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait le même
Ni tout à fait un autre, et l’aime et le comprend. »
On ne va pas s’appesantir sur l’insondable demande d’amour maternel que recèle ce désir d’un retour aux sources, toujours recommencé, ni sur cette fascination persistante, qui d’Amel Aïdoudi en Ina Boulanger et aujourd’hui Jann Beaudry se focalise sur la chevelure et les pieds nus de ses comédiennes. Actrice, chaussée, au cheveu ras passe ton chemin, le prochain casting de José Exélis n’est pas pour toi.
Dans la présentation de sa compagnie il annonce un théâtre qui pose comme postulat de s’interroger de façon singulière et universelle sur le « d’ où je viens » de « tout corps en jeu ». C’est donc un « théâtre du partir et revenir » qu’il arpente en long, en large et… en travers. De quel corps, de quel ventre s’agit-il? Pour le dire plus crûment José Exélis entre deux créations ( rares?), ressert les mêmes plats avec une constance remarquable, de « Ronde de sécurité » en « Enfants de la mer » en passant par « Africa solo » sans oublier « Wopso » et bien d’autres.
Ce mardi d’octobre 2017, on était invité à une lecture-mise-en-espace de « Folies », une adaptation de José Pliya du magnifique roman de Marie Vieux-Chauvet qui avait été l’objet d’une création en novembre 2011 avec Ina Boulanger. C’est toujours ce même jeu de l’entre-deux, entre lecture distanciée et appropriation, entre mise en espace et mise en scène, entre aller et retour, que le metteur en scène propose comme un vin nouveau. Ne s’agit-il pas plutôt d’un vin éventé? On retrouve le même plateau nu, le même cercle de copeaux rouges, une scénographie presque à l’identique et un jeu de comédienne suggéré comme la persistance d’une nostalgie ineffable. Et Jann Beaudry de balancer entre prise de possession et effacement devant le texte. Pré-éminence des mots du corps, passion pour l’entre-deux comme refus d’une assignation résidentielle, on retrouve là quelques traits nosographiques de ce qui fût l’objet de la découverte freudienne.
Si l’art de la reprise au théâtre est inhérent à son histoire puisqu’il consiste à amener au sein d’un texte un ou plusieurs éléments lui préexistant, ces incorporations dans un autre contexte doivent produire un changement de sens plus ou moins profond mais toujours sensible. Alors est-ce le cas avec l’apport musical de l’ auteur-compositeur-interprète Kali ( Jean-Marc Monnerville à la ville) présent dans un prologue et un épilogue chanté par Jann Beaudry ? On peut répondre sans hésitation par l’affirmative et ce sont sans doute les deux plus beaux moments de cette reprise dont on rappellera sans malice aucune que le terme renvoie à « reprendre » tout aussi bien qu’à « repriser ».
La lecture-mise-en-espace de Folies s’inscrit dans le cadre d’une résidence de créateurs d’une durée de trois ans, durée du nouveau contrat d’Hassane Kassi Kouyaté comme directeur de la scène nationale. A coté de « reprises » donc, José Exélis, accompagné de Kali et Jann Beaudry, pour cette année au moins devrait présenter au minimum une création. Elle est attendue.
Fort-de-France, le 18/10/2017
R.S.