— Par Jean-Marie Nol —
Avec les assises de l’outre-mer envisagées par le gouvernement , s’achemine -t-on vers un nouveau type de modèle économique et social de développement ?
En 2017/2018, les assises des outre-mer seront à l’agenda du gouvernement. Ces assises des outre-mer, vont être lancées fin septembre 2017 et devraient durer un peu moins d’un an pour une restitution et une synthèse au deuxième trimestre 2018 et qui seront consignées dans un « livre bleu ». Les assises seront organisées dans chaque territoire ultramarin et mettront autour de la table l’Etat et ses administrations, les élus, les syndicats, les professionnels, les associations, les citoyens et les médias. Mais pourquoi des assises après des états généraux des outre-mer, comme ceux organisés en 2009 par Nicolas Sarkozy et qui avaient débouché sur… pas grand-chose. Tout simplement parce que les territoires d’outre – mer à l’instar des Français doutent !
Aujourd’hui, les Français d’outre- mer doutent.
Ils doutent de leur capacité à surmonter la crise actuelle, ils doutent du retour de la croissance après 7 ans de stagnation et ce depuis la crise sociale de 2009, voire même pour certains de son bien fondé.
Ils doutent de la bonne façon pour la France de s’inscrire dans les évolutions du monde, et notamment la globalisation des échanges économiques avec l’environnement géographique des territoires ultra-marin. Ils doutent des moyens d’inverser un décrochage économique qui a de fait commencé bien avant la crise de 2009 .
Ils doutent de leur capacité à faire évoluer et financer un modèle social auquel ils restent attachés : 82% des français d’outre-mer considèrent qu’une société juste doit couvrir les besoins de base de ceux qui ne peuvent les assumer seuls et nos résultats sociaux sont certes comparativement meilleurs que nos voisins de la caraïbe , mais au prix d’un niveau de dépenses et de déficits trop élevés.
Aujourd’hui les territoires ultra-marin ont un problème. Ils sont en moyenne à 90% dépendants sur le plan énergétique et alimentaire. Ainsi , ces assises , qui sont conçues pour définir une feuille de route d’urgence , et qui se veulent ambitieuse portent plusieurs objectifs :
L’attractivité des territoires sera notamment renforcée. L’accent sera mis sur la formation, le tourisme, la santé et la transition énergétique grâce au plan d’investissement . Le gouvernement souhaite consacrer 1 milliard d’euros sur 5 ans au financement des investissements collectifs des territoires ultra-marins, dans le cadre du plan d’investissement de 50 millions au niveau de la France.
Ses deux derniers objectifs portent sur le coût de la vie dans les Outre-mer et sur son souhait d’encourager et accélérer des projets de développement en Outre-mer pour enrayer la vie chère et permettre aux collectivités locales de « fixer elles-mêmes certaines règles de compétence ». »Il faut donner les habilitations qui confèrent plus de compétences à la collectivité territoriale car les règles qui s’appliquent sur le territoire national ne sont pas adaptées au contexte local et sont une contrainte intolérable », a souligné Emmanuel Macron.
A notre sens , ces assises mise en oeuvre par le gouvernement ne sont autre chose que la transposition au management public des méthodes des entreprises qui désirent se restructurer par le biais d’un projet d’entreprise . Le projet d’entreprise est une méthode de management qui consiste à définir le plus précisément possible un objectif commun à l’ensemble des personnels de l’entreprise, afin de les mobiliser et obtenir ainsi leur motivation via leur adhésion au projet et leur implication devant permettre sa réussite.L’élaboration d’un projet d’entreprise suppose un ancrage dans un sens qui appartient à la culture de l’entreprise, et qui vise à la transformer à terme afin de faire admettre au plus grand nombre le changement .
Face aux questions et aux dilemmes qui traversent la société dans les différents territoires d’outre-mer , le gouvernement entend avec ces assises « sortir d’une vision monolithique des outre-mer qui bloque leur spécificité » et voudrait apporter des réponses concrètes aux questions suivantes : Quel ciment pour notre vivre ensemble ? Avons-nous encore les moyens de notre modèle social ? Faut-il renoncer à la croissance ou repenser la croissance ? Viser une économie abritée ou une économie connectée ?
Pour ce qui concerne spécifiquement la Guadeloupe et la Martinique , il faudra imaginer lors de ces assises de mettre en place un plan de transformation de la société supporté par la génération actuelle .Une génération qui est surtout coupable de ne pas avoir de « proposition offensive » pour une grande sortie par le haut de la crise actuelle du modèle de développement . Il serait temps de voir le péril de la stagnation venir, de le crier et de retrouver une ambition qui combatte le scepticisme sur un changement de modèle avec des mesures concrètes C’est à la Guadeloupe et à la Martinique de bâtir un plan de reconstruction d’ensemble économique et politique, et à elles seules .
Transformer la Guadeloupe et la Martinique ,ce devrait être le combat d’une génération faisant preuve de courage , car la Guadeloupe recule, la Martinique régresse ! la Guadeloupe ainsi que la Martinique sont devenues des pays d’assistés, parce que leurs élites sont incapables d’imaginer comment réformer un système qui depuis trente ans a fait la preuve de son inefficacité – chômage record, impôts records, déficits des collectivités locales qui s’accumulent, dette qui ne cesse de croître, etc. Une incapacité d’une irresponsabilité coupable. Ce modèle social « à la française », a pour résultat des pays dont le déclassement est de plus en plus difficile à cacher, comme en attestent les problèmes précédemment évoqués. Il est temps de regarder la vérité en face et d’appeler les choses par leur nom. Assez de dénis, de renoncements, d’immobilisme : la Guadeloupe et la Martinique se meurent du manque de courage des élites économiques et politiques .Pourtant, le déclassement et le déclin ne sont pas inéluctables même si les deux îles ont de rares atouts pour ne pas subir les transformations qui découlent de la révolution technologique actuelle . Le risque actuel est grand en ce qui concerne la révolution numérique , alors il faut dès à présent se l’approprier, l’adapter à nos spécificités , et en tirer les moyens pour à nouveau offrir à notre jeunesse un avenir à la hauteur de ses espérances. La Guadeloupe et la Martinique peuvent remonter la pente, mais encore faut-il avoir le courage de dire la vérité aux Guadeloupéens et Martiniquais , et surtout d’enfin mener les réformes dont nos pays ont besoin – et que de plus en plus de guadeloupéens et martiniquais attendent. Car ils sont conscients du déclassement qui touche nos pays, du manque de perspectives qui affecte notre jeunesse, du manque de vitalité de notre économie, des limites que posent à l’action de l’État nos déficits. La Guadeloupe et la Martinique ont besoin d’un nouveau modèle et de réformes d’ampleur pour retrouver le chemin de la croissance et de l’emploi, pour libérer les énergies, redonner de la compétitivité aux entreprises, redonner des marges de manœuvre aux collectivités endettées et refocaliser leur système éducatif sur sa vocation à former des citoyens confiant dans leur avenir, car ils auront aussi été formés pour répondre aux besoins d’un monde du travail en profonde mutation.
La transformation numérique impose de repenser nos pays autrement. Le retard pris à tous les niveaux – médias, économie, politique – est considérable. Il faudra de grands efforts pour le combler.
Le projet de transformation apparaît d’autant plus vaste qu’il y a toute une culture à changer pour que le thème de la transformation numérique soit pris au sérieux en Guadeloupe et Martinique . Nous sommes en retard. Les médias ont pris trop tardivement ce dossier en main, les entreprises ne s’y sont sensibilisées que très récemment, les milieux politiques commencent tout juste à intégrer le vocabulaire adéquat dans leur communication et l’e gouvernance n’en est qu’à ses balbutiements. Soyons lucides, c’est de notre faute, car le système actuel s’est fondé sur notre propre indifférence à la chose économique, trop occupés que nous étions à batifoler dans le champ hallucinogène de la société de consommation devenue celle du confort à tout prix . Il convient d’abord qu’une nouvelle génération se lève, une génération active et actrice de son pays, en pleine possession de ses moyens, en pleine connaissance du fonctionnement de notre société, de nos petites et grandes entreprises, de nos exploitations agricoles, de nos écoles, de nos hôpitaux, de nos transports, une génération en prise avec la réalité, celle qu’elle vit au quotidien, loin des mandats et fonctions politiques renouvelés dix fois, au mépris justement de la connaissance réelle d’un pays qui s’effondre sur lui-même.Les torts sont partagés. Les Guadeloupéens et Martiniquais sont les premiers coupables pour avoir choisi, il y a plus de cinquante ans, un mode de croissance payé par les transferts publics et pour rester réticents à remettre cette facilité politique et sociale en cause.Jamais l’économiste Keynes n’aurait recommandé de faire de la relance par la consommation pendant cinquante ans !
Est-ce pour cette raison que les guadeloupéens et martiniquais , pourtant réputés intempestifs sur le plan social , demeurent si étrangement passifs sur le plan économique, et comme expropriés de leur propre échec sur le plan sociétal ?
Allons, Mesdames et Messieurs les politiques, avec ces assises , enfin un peu de courage pour redonner un avenir tant à la Guadeloupe qu’à la Martinique et à leur jeunesse respective .
Jean-Marie Nol