— Par Yves-Léopold Monthieux —
Les 9 et 10 janvier, en deux tribunes successives parues, ici et là, notamment sur mon mur, j’avais posé la question suivante : « Macron aura-t-il un destin national ? ». Au vu de l’évolution des évènements, j’avais, fin février, soumis ces articles à la presse pour une parution commune. La question n’était pas totalement idiote puisque 3 mois plus tard, c’est Macron lui-même qui répond à mon interrogation en se faisant porter au sommet de l’Etat par le peuple français. Non seulement il a eu un destin national, celui-ci a été plus précoce que prévu.
Ma question pouvait paraître prétentieuse à un moment où tous les observateurs regardaient de haut celui qui voulait devenir le plus jeune président de la république française. Au point qu’au lendemain de ma tribune du 9 janvier 2017, pour répondre à certaines critiques, je dus ajouter une suite. Il est vrai que la mise en perspective des faits politiques n’a guère droit de citer en Martinique, le délayage du connu et les ressucées de l’archiconnu étant plus confortables. J’ai pris la voie de l’analyse en essayant de prévoir l’avenir avec des risques d’erreur assumés. J’indiquais qu’un élu issu de la banque, non banquier lui-même, et même un bourgeois pouvaient réussir sa mission au bénéfice du plus grand nombre. J’ajoutais que cet élu ne pouvait pas venir de nulle part, c’est-à-dire en dehors des écoles ou des formations dispensées par son pays et que des expériences de toute nature à un haut niveau de responsabilité ne pouvait être qu’un atout. Je trouvais absurde l’idée annoncée par des politologues qu’Emmanuel Macron rencontrerait les mêmes difficultés que Marine Le Pen pour trouver une majorité à l’assemblée nationale.
Mais je comparais par extrapolation l’arrivée de ce jeune homme à celle du général de Gaulle, l’âge et la notoriété en moins. Il arrive par temps de difficultés importantes, en France, se veut hors des partis, c’est-à-dire au-dessus deux, s’inscrit dans une volonté d’utiliser tous les moyens que lui offre la constitution gaullienne pour, le cas échéant, passer outre les obstructions paralysantes des partis. J’ai été séduit par cette promesse d’« homme d’Etat » qui caractérisent les chefs qui vont en avant du peuple, au besoin contre les corporations rétrogrades. J’ai été séduit par sa capacité d’écarter les obstacles parfois sèchement, y compris dans le camp de ses amis présumés. Un président qui, par ces temps de reculade, annonce en pleine campagne qu’il utilisera les ordonnances et le 49-3 dont l’évocation, relayée par les distillateurs de la peur, fait trembler les conservateurs de tous les partis politiques, cela me paraît salutaire en ces temps de démissions.
J’avais été impressionné par le discours de François Fillon qui, en visite à la Martinique en 2007, avait dit pour la première fois qu’il était à la tête d’un pays en faillite, ce qui – il avait dit la vérité – lui avait attiré la désapprobation de ses amis dont le président Sarkozy lui-même. Comme l’ancien candidat de la droite, Emmanuel Macron a su annoncer des choses dures et refuser les oukases de la France insoumise. Voilà les mots qu’on peut retenir du nouveau président de la république : « Esprit de conquête », à opposer à l’esprit de défaite qui frappe la France. « Défendre notre vitalité démocratique », sous-entendu le referendum et le parlement. S’il fait voter tôt la diminution du nombre d’élus parlementaires et décide d’une dose significative de scrutin proportionnel, l’arme de la dissolution pourrait être terrible, donc très dissuasive. Des dizaines d’élus perdraient leurs mandats avant les 5 ans si sa politique était désavouée par l’assemblée nationale. « La tâche sera dure, je vous dirai à chaque fois la vérité », dit-il, une version édulcorée du sang et des larmes, comme pour éviter de prononcer le seul mot qui n’ait pas été entendu au cours de cette campagne électorale : l’appel à l’effort des Français.
Cependant je ne le croyais pas déjà en mesure de gagner, imaginant simplement qu’avec tous ses atouts, il ferait un excellent score et se tiendrait prêt à intervenir en cas de crash du futur président, en particulier Marine Le Pen, que je croyais inévitable. En réalité, le danger immédiat en France, ce n’est pas la dictature mais la chienlit qui pourrait y conduire.
Fort-de-France, le 8 mai 2017
Yves-Léopold Monthieux