— Par Bernard Laurent , professeur d’économie à l’Emlyon Business School —
Si l’électorat catholique présent dimanche (05-03-17) au Trocadéro pour soutenir le candidat de Les Républicains est hanté par les questions relatives aux mœurs, il entretient un rapport décomplexé à la financiarisation de notre monde et l’argent roi pourtant dénoncé par le pape François.
C’est peu dire qu’une immense majorité de français a été choquée par les révélations du Canard enchaîné sur les emplois cachés, à défaut d’être fictifs, de l’épouse et des enfants de François Fillon. La réaction immédiate des catholiques a été de partager ce trouble. L’image que n’avait pas cessé de donner François Fillon de lui-même et de sa famille – jusqu’à le revendiquer dans son discours : «Je suis gaulliste et chrétien» – était celle d’un beau couple de catholiques, ayant fondé une famille nombreuse, avec une épouse restant au foyer pour veiller à la bonne éducation des enfants – «mère au foyer» avait-elle communiqué aux électeurs de Solesmes où elle a été élue aux dernières élections municipales – et entretenant un rapport distancié à l’argent – il se targuait de ne pas être imposable sur la fortune comme preuve de son désintéressement.
Le prix de la confiture familiale
Dès lors il apparaissait crédible, au-delà même de son propre camp, à porter une parole appelant à la rigueur et au sacrifice. L’alignement de ses recommandations de politique économique à ses valeurs forçait le respect à défaut d’obtenir l’adhésion de tous.
Et puis patatras ! Cette belle image s’est brisée sur l’autel de la duplicité. Nous découvrons que le prix de la confiture familiale est sacrément élevé !
Un mois plus tard, les positions des uns et des autres se sont affirmées. Au sein du catholicisme, les premiers émois passés, nous retrouvons une fracture classique entre les tenants d’une interprétation ouverte du concile Vatican II et ceux qui militent pour un retour à davantage d’orthodoxie.
Hérauts de la pensée libérale
Les premiers sont les héritiers de l’action catholique souvent traditionnels sur les mœurs mais néanmoins ouverts aux réalités nouvelles de la société contemporaine, très soucieux de justice sociale, marqués par le catholicisme social et défendant les vertus de la redistribution et de marchés concurrentiels encadrés. Ils sont aujourd’hui minoritaires, si l’on s’en tient aux seuls pratiquants réguliers, et ont définitivement tourné le dos à François Fillon trop choqué par une duplicité savamment mise en place sur la longue durée, pour des montants déraisonnables et élargie aux enfants qui plus est – qui propose un job d’étudiant à ses enfants pour 4 500 euros par mois ? Le renoncement de François Bayrou les laisse orphelins.
Les seconds étaient dimanche au Trocadéro emmenés par Sens commun pour soutenir le candidat Fillon. Hérauts de la pensée libérale comme remède au déclassement de notre économie, ils entretiennent un rapport décomplexé à l’argent. Ils sont en revanche névrotiquement hantés par les questions relatives aux mœurs au point de parler de rupture civilisationnelle non à propos de la financiarisation de notre monde et de l’argent roi pourtant dénoncé par le Pape François qu’ils exècrent mais du mariage pour tous.
Comme le dit amèrement l’un de mes amis prêtres, cette évolution du catholicisme marque la revanche du fric sur le cul.
Bernard Laurent professeur d’économie à l’Emlyon Business School
Publié dans Libération