— Par Michel Herland —
Face aux désordres du monde, le citoyen se sent impuissant. Les guerres avec leur cortège d’atrocités, le dérèglement climatique, la pollution des milieux naturels et l’épuisement des ressources, les injustices criantes dans la répartition des richesses, tout cela nous accable d’autant plus que nous ne voyons pas comment faire advenir un monde meilleur. Notre arme est le bulletin de vote, mais l’expérience nous a appris que les politiciens qui se succèdent aux pouvoir, d’un côté ou de l’autre, ne changent jamais les choses en profondeur, soit qu’ils aient peur de heurter les corporatismes de tous bords dont les intérêts seraient atteints nécessairement par une réforme un tant soit peu radicale, soit qu’ils ne sachent tout simplement pas quoi entreprendre pour remplir effectivement les promesses qui les ont fait élire. La politique a eu ses moments glorieux, malheureusement exceptionnels, lors desquels les gouvernants poussés par le peuple firent faire à la société plus de progrès en quelques semaines ou quelques mois que pendant des décennies. Ce n’est hélas pas d’actualité. Les partis sont à court d’idées et le peuple – quand il veut passer au-dessus des partis – ne fait pas mieux. Il suffit de voir à quoi ont conduit les divers mouvements dits populaires qui sont apparus depuis 2008 en Espagne, en Grèce, en France et, bien sûr, en Martinique. En Grèce, Syriza est contraint d’appliquer une politique de rigueur à l’exact opposé de sa ligne affichée ; en Espagne, Podemos ne parvient pas à gouverner ; en France, Nuit Debout ne fut qu’un pétard mouillé ; aux Antilles enfin, de longues semaines de grève générale n’ont apporté rien de plus qu’à l’ordinaire, c’est-à-dire quelques avantages catégoriels qui ne risquent en aucun cas de « changer le monde ».
Cela étant, nombreux sont ceux qui, à tous les échelons de la société, se satisfont parfaitement de leur situation et de l’état du monde. Les autres, qu’ils soient objectivement malheureux ou idéalistes, sont réduits à l’impuissance, comme on vient de le rappeler. Il y a néanmoins un niveau de la décision politique où le processus démocratique fonctionne à peu près, c’est l’échelon local, le plus proche des citoyens.
Beaucoup de Foyalais et d’habitants des communes voisines de tous âges et de toutes conditions fréquentent le « parcours de santé » de Didier, or celui-ci se trouve dans un état d’abandon digne du Tiers Monde. Nous sommes pourtant en Martinique qui est pourvue d’une Direction de l’Équipement et dont les communes ont toutes des services techniques pléthoriques. Que les maires ne veuillent pas résister à la tentation d’embaucher du personnel est une chose (que la science politique explique sans peine). Par contre, que ce personnel soit laissé en grande partie oisif (avec toutes les formes que prend cette oisiveté, jusqu’aux congés maladie de complaisance qui battent tous les records dans la fonction publique « territoriale ») en est une autre. Nous nous sommes « indignés » naguère à propos de Case-Pilote et de sa plage du Grand Fourneau dont l’accès aménagé à grand frais grâce à des fonds européens est désormais totalement ruiné. Encore cette plage dépourvue de sable n’attirerait-elle guère de baigneurs. Il n’en va pas de même du parcours de Didier, largement fréquenté, comme on peut facilement le vérifier aux heures les plus propres à l’exercice physique en début et en fin de journée, a fortiori le week-end.
Nous ignorons qui a financé le parcours de santé de Didier. Le fait est que faute d’entretien (voir la photo du panneau et celle de la barrière en bois), personne n’utilise ses équipements. Le seul terrain d’exercice est donc la route entre le tunnel et l’entreprise des eaux de Didier. Or ce trajet mi-champêtre mi-sylvestre est défiguré par plusieurs épaves de voitures et des déchets dits « encombrants » (voir les photos) qui stagnent depuis en général plusieurs années. Evidemment, il s’agit de bien peu de choses au regard des désastres comme la guerre au Moyen-Orient, le terrorisme, la grande et la moins grande pauvreté, les espèces en voie de disparition, etc. Il s’agit certes de choses minuscules mais, justement parce qu’elles sont minuscules, de choses sur lesquelles il est très facile d’agir, si bien que ceux qui en sont responsables sont particulièrement coupables. D’autant plus que le personnel existe qui pourrait entretenir, nettoyer, remplacer un morceau de bois pourri, etc. Et nous, simples citoyens, si nous ne nous montrons même pas capables de nous réveiller pour dénoncer des dysfonctionnements aussi faciles à résoudre, nous sommes également coupables. Commençons donc par nous indigner au sujet des petites choses proches de nous. Cela nous apprendra peut-être à nous montrer efficaces dans des combats plus ambitieux.