— Par Bernard-Henri Lévy —
« La pyramide des martyrs obsède la terre. » Ce vers de René Char me revient comme une gifle, ce matin, face aux nouvelles d’Alep. Et j’ai honte. Je n’ai pas vraiment honte de Vladimir Poutine, ce petit tsar vulgaire, ce chef d’Etat voyou, qui, entre deux shooting photos et étalages de testostérone, envoie ses avions bombarder les ruines de la ville : Alep n’est rien, pour lui, qu’un théâtre parmi d’autres de son narcissisme furieux et il est, au fond, dans son rôle.
Je n’ai pas vraiment honte d’Assad, avec sa grande silhouette terne où se vautre l’âme la plus vile, la plus noire, la plus lâche, des salauds de notre temps : ce type de personnage s’est, depuis longtemps, retranché du rang des humains ordinaires et c’est de crimes contre l’humanité qu’il aura à répondre, le moment venu, devant la justice des hommes.
« J’ai plaidé, hurlé dans le désert »
Mais j’ai honte de moi parce que j’ai plaidé, hurlé dans le désert, écrit des textes en grand nombre – et que je me trouve, cette fois, renvoyé à mon impuissance, à ma rage froide et ravalée, à mes alertes lancées en vain.
Mais j’ai honte de vous, de nous tous, parce qu’il y a, aujourd’hui, dans ce monde de 2016, des hommes qui sont des gibiers, des êtres qui doivent payer parce qu’ils ont encore deux jambes, et deux bras, et une tête, au lieu des tas de chair, des lambeaux de corps et des cordelettes de tripes auxquels on veut les réduire – et nous n’avons, face à cela, rien trouvé à faire, ni à dire, ni, parfois, à redire.
« Nous sommes des défaitistes qui nous prenons pour...
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