— Par Jean-Marie Nol, économiste financier —
La Guadeloupe et la Martinique vont connaître fin 2017 une période charnière de leur histoire entre un monde qui se meurt et le nouveau qui se cherche. La capacité de nos pays à s’adapter à ce changement déterminera grandement leur avenir économique, démographique, social et sociétal.
Économiquement,nous réitérons que la Guadeloupe et encore plus la Martinique pèseront sensiblement moins dans dix ans qu’il y a dix ans. En effet, un hypothétique redressement de la croissance économique de la France conditionné à la mise en place de mesures aptes à stimuler l’activité économique permettrait certes de limiter la dégradation du PIB des deux îles, mais la diminution demeure inéluctable.
Aujourd’hui, beaucoup d’entre nous se méfient des institutions politiques.Ces dernières ont gagné en autonomie et revendiquent leur propre souveraineté, mais peinent à satisfaire les demandes des citoyens et à notre sens cela va s’accroître à partir de 2017 avec les intentions affichées de la droite républicaine de s’attaquer à la dépense publique. Lorsqu’il est question de réduire le train de vie de l’État, de nombreux économistes ont le réflexe keynésien traditionnel d’affirmer qu’une diminution des dépenses publiques aura nécessairement pour effet de ralentir la croissance économique.
À court terme, et ce dès la fin 2017, les réductions de dépenses publiques auront en Guadeloupe comme en Martinique un effet négatif non négligeable sur l’activité économique, puisqu’il y a un délai avant que la dépense privée ne prenne le relais de la dépense publique. Lorsque le gouvernement réduit ses dépenses, il fait moins concurrence au secteur privé pour attirer les travailleurs et le capital. En conséquence, le secteur privé dispose de plus de ressources, et à meilleur prix, pour accroître ses activités. Les études universitaires menées de façon indépendantes et publiées dans les revues universitaires les plus prestigieuses confirment qu’une réduction des dépenses publiques entraîne une augmentation de l’investissement privé.Celle-ci démontre qu’une baisse des dépenses publiques en proportion du PIB est moins susceptible de provoquer une récession qu’une augmentation des taxes et impôts et qu’elle a en réalité des effets positifs sur la croissance.
Mais cette analyse économique semble valable pour la France hexagonale mais en aucun cas pour la Guadeloupe et la Martinique qui disposent toute proportion gardée d’un secteur privé atrophié et qui dépend quasi pour l’essentiel de la rente des transferts publics qui alimente la consommation.Pour notre part, nous maintenons nos projections d’une forte récession économique en Guadeloupe et Martinique à compter de fin 2017 et qui sera doublée d’une sensible augmentation des impôts locaux dont la conséquence sera vraisemblablement l’avènement d’une nouvelle crise sociale .Ainsi, les augmentations de taxes et d’impôts auront pour effet de créer des distorsions dans l’économie privée, de diminuer le pouvoir d’achat et de décourager les activités productives. On parle alors de la perte sèche des taxes et impôts, c’est-à-dire qu’au-delà d’un certain niveau, une augmentation de ceux-ci entraîne une perte de bien-être économique plus importante que l’accroissement de bien-être financé par les revenus supplémentaires de l’État par le biais de la loi égalité réelle.
Depuis plus d’un demi‐siècle, la départementalisation a été un facteur structurant du développement de la Guadeloupe et de la Martinique, et ce même si un tel modèle de développement bien trop axé sur la consommation apparaît aujourd’hui comme étant déstructuré . Néanmoins le modèle départemental a fourni un cadre au sein duquel les acteurs politiques nationaux et locaux pensaient et construisaient notre propre avenir. Quand bien même ce cadre n’était pas toujours exactement celui que nous aurions souhaité, il offrait alors l’immense avantage d’être stable et prévisible. Mais depuis plusieurs années, la société Antillaise a une vision brouillée de son avenir. En 2025, la Guadeloupe et la Martinique seront plus vieille, moins riche, plus urbaine, et beaucoup plus fracturée sur le plan de la cohésion sociale . C’est un handicap, car l’absence d’une perspective commune dans laquelle nos concitoyens se reconnaissent et puissent se projeter affaiblit le collectif et favorise les comportements de chacun‐pour‐soi comme c’est déja le cas aujourd’hui. C’est aussi une source d’interrogations pour les politiques locaux et les experts nationaux qui ne comprennent plus bien à quoi nos pays aspirent et ne discernent plus quels moyens ils se donnent pour atteindre leurs objectifs, d’autant que le modèle social Français qui nous a permis d’amortir les crises est en voie d’obsolescence. À chaque fois la France hexagonale a rassuré parce qu’elle apparaissait capable de gérer ces évolutions négatives sans mettre en cause le modèle social actuel. À horizon de dix ans, cependant, elle (la France )n’apparaît plus ni comme un môle de stabilité ni comme un bouclier. Économiquement, politiquement et socialement, elle est devenue un facteur d’incertitude notamment en raison des évolutions à venir de la politique nationale sur la réduction drastique de la dépense publique et de l’introduction de règles libérales sous la pression de l’ UE. Réfléchir à ce que nous voulons être dans dix ans, en débattre, fixer sur cette base des orientations, et engager les actions correspondantes peut aider à remobiliser les pays Guadeloupe et Martinique aujourd’hui désorientés. La Guadeloupe comme d’ailleurs la Martinique de 2016 n’est plus celle des années 1960 ou même des années 2009. Les urgences et les priorités ne sont plus les mêmes. L’État n’est plus en situation de décider pour la société dans son ensemble. Il n’a pas fait de progrès notable dans le domaine social pour réduire les inégalités. Depuis quinze ans le système économique basé sur la consommation patine. Il a échoué à produire un modèle de production viable capable de produire de la richesse pour les générations futures.Cette situation, qu’on peut en partie attribuer au renversement en cours du rôle de l’Etat providence et des rapports de puissance entre capital et travail, augure mal de la capacité collective des guadeloupéens et des martiniquais à gérer un futur développement économique endogène. Elle laisse place à une certaine fragmentation de l’espace social sous l’effet d’initiatives nationales comme la loi sur l’égalité réelle ou encore le revenu universel de base qui ne peuvent offrir que des substituts partiels à la paupérisation en cours des couches populaires ainsi qu’au déclassement de la classe moyenne. Vu sous cet angle, l’incertitude est d’abord économique. Collectivement, on paye le prix d’une croissance déséquilibrée au cours des dernières décennies, d’une gestion hésitante du choc social de 2009, et des atermoiements auxquels la crise de la zone euro a donné lieu et qui impacté l’économie et le pouvoir d’achat des guadeloupéens et martiniquais. Cette configuration est inconfortable pour la Guadeloupe, où la question statutaire et institutionnelle est source de clivage. Non sans raison d’ailleurs, toute une partie de l’opinion attribue la responsabilité de la situation économique et sociale à la classe politique locale incapable d’avoir su assumer ses responsabilités sur des questions élémentaires touchant au quotidien des guadeloupéens.
Les Guadeloupéens dans l’ensemble sont conscients de la gravité de cette situation, convaincus qu’y remédier nécessite des efforts, mais demeurent rétifs à l’aventure d’un changement statutaire qui selon certains serait la panacée. Mais ils sont aussi devenus méfiants à l’égard des initiatives nationales et de la logique de l’intégration cumulative. Cet état d’esprit actuel n’invite pas à l’audace. Les Martiniquais ont fini par sauter le pas de l’évolution institutionnelle mais “ wait and see “! L’état de la Guadeloupe ne permet cependant pas de programmer une pause dans les initiatives pour faire émerger un nouveau modèle économique et social. Le statu quo est tentant, mais refuser les réformes susceptibles de faire gagner la Guadeloupe en résilience nous semble absurde et contre productif pour l’avenir, car cela nous mettrait en risque. Les tensions sociales persistent et pourraient demain connaître une nouvelle flambée. Rejeter à moyen terme des avancées pragmatiques dans la gouvernance nous priverait parallèlement d’un moyen essentiel de peser sur les orientations globales prises en France hexagonale. Le reste du monde n’est d’ailleurs pas disposé à ralentir au motif que nous aurions du mal à suivre son rythme. En 2025, il faut se préparer à un possible durcissement des choix entre intégration poussée, y compris sur le plan politique, et désagrégation, avec le cortège de troubles que celle‐ci entraînerait nécessairement.
La Guadeloupe et la Martinique dans dix ans….
La Guadeloupe tout comme la Martinique dans dix ans verra sa population diminuer et comptera moins de 400 000 habitants . La Martinique sera à coup sûr plus vieille, plus petite et moins riche – en termes absolus dans le premier cas, et relatifs dans les deux autres. Ce n’est pas nécessairement une aussi mauvaise nouvelle qu’il y paraît, car elle sera aussi mieux formée, mieux équipée et potentiellement attractive. Quant aux guadeloupéens, ils seront plus divers avec l’intégration des nouveaux immigrés et plus autonomes, ce qui veut dire également plus désocialisés. La Guadeloupe sera d’abord plus vieille, car en plus du phénomène irrémédiable de l’exil actuel des jeunes, elle va connaître au cours de la prochaine décennie un vieillissement d’autant plus rapide que les générations du baby‐boom fortement tertiarisées finiront de sortir de la vie active. Cette évolution aura notamment pour conséquence une vive remontée de la proportion d’inactifs dans la population totale et les aînés se seront substitués aux enfants. Le vieillissement de la population aura, évidemment, des conséquences sur les revenus. À comportements d’activité inchangés et taux de remplacement des retraites constant, il impliquerait une hausse très sensible des prélèvements (sur les actifs, les retraités ou les entreprises). Le vieillissement représentera aussi un défi pour notre système sanitaire. Les besoins en personnel d’accompagnement seront importants et nécessiteront un développement qualitatif et quantitatif de l’offre de services médico-sociaux, de services à la personne, et en géron-technologies, offrant ainsi une nouvelle opportunité de croissance que l’on qualifie de “ silver économie “.
Une Guadeloupe plus urbaine et moins riche. La Martinique sera ensuite relativement plus « petite » et plus violente. Démographiquement, mais surtout économiquement, elle pèsera sensiblement moins dans dix ans qu’il y a dix ans. Principalement du fait de la crise sociale de 2009 et de celle financière de la zone euro, la croissance a été exceptionnellement faible au cours de la dernière décennie : le PIB par tête n’aura progressé que de quelque 1 % entre 2009 et 2016. C’est largement la conséquence du choc sur la demande qui a frappé en 2009, mais c’est aussi l’effet d’un ralentissement des gains de productivité, lui‐même conséquence d’un moindre investissement privé et d’un freinage des processus de réorganisation productive à l’intérieur des entreprises et dans la concurrence entre elles. Il est permis d’être moins optimiste pour l’avenir. Car, beaucoup du terrain perdu dans la crise ne sera pas rattrapé, et la Guadeloupe voire également la Martinique n’auront pas les moyens de faire face, temporairement au moins, à un ralentissement des gains d’efficience procurés par les technologies de l’information et de la communication, voire du numérique. Il suffit de regarder autour de nous pour voir à quel point la combinaison d’une stagnation de la demande et d’une persistance des obstacles au développement de l’offre peut aboutir à un étouffement complet de la croissance. Une Guadeloupe plus urbaine qui rejoindrait en cela la Martinique. L’urbanisation du territoire devrait se poursuivre. Les grandes communes et agglomérations de villes sont des sources importantes de richesses, d’emploi, et de gains de productivité grâce aux effets d’agglomération et à la concentration des facteurs de production et d’innovation comme à Jarry sur la ville de Baie -Mahault. Elles sont attractives tant pour les activités économiques que pour la population. Les villes comme Baie-Mahault et Abymes,Fort de France et Le Lamentin, permettront par exemple les économies d’agglomération en concentrant les ressources humaines, les entreprises (industrie, commerce, etc.), et les pôles de financement, d’information et de savoir. Elles attireront les jeunes et la main‐d’œuvre hautement qualifiée grâce à leur offre culturelle et à leurs réseaux d’université et CHU. Elles disposeront également d’infrastructures et de réseaux de transports et télécommunications sophistiqués et attractifs.Le pendant de la cette situation sera le déclin des autres communes de la Guadeloupe notamment du sud Basse-Terre et du Nord Grande-Terre, et du Nord pour la Martinique qui subiront une désertification sur les plans démographique et économique et une forte pression fiscale.
Les mutations de l’emploi et du travail en 2027. Faute d’avoir vigoureusement progressé vers le plein emploi au cours de la période de croissance qu’à connu la France pendant les 30 glorieuses, la Guadeloupe tout comme la Martinique a vu le chômage à un niveau qui, pour demeurer inférieur à celui du milieu des années 1960, n’en est pas moins alarmant. Sa réduction dans les dix années qui viennent dépendra uniquement de notre capacité à engager une dynamique de croissance avec un nouveau modèle économique et social et à améliorer le fonctionnement de notre marché du travail. Dans dix ans, cadres et professions intermédiaires représenteront plus de 30 % des actifs, contre 20 % en 2000 et 15 % en 1980. C’est, en à peine plus d’une génération, une mutation sociologique de première ampleur. Mais la montée en gamme des emplois ne sera pas uniforme : A l’instar de la France hexagonale et comme dans les autres économies avancées, la proportion des postes d’ouvriers et d’employés qualifiés sera très probablement en baisse, tandis que la part des emplois les moins qualifiés devrait se maintenir, soutenue par la demande de services à la personne ou le secteur du tourisme et de l’agriculture. Cette évolution tendra à induire une certaine polarisation des emplois en haut et en bas de l’échelle des qualifications et risque donc de conduire à une société « en sablier ». Il existe un fort risque que le dualisme de la demande de travail induise un dualisme social permanent et l’enfermement d’une partie de la population au travail dans des emplois instables et sans qualités. Ce sera tout l’enjeu des politiques de revalorisation des emplois, de formation, d’accompagnement des transitions et de fluidification du marché du travail. Une autre évolution sensible de la main-d‘œuvre sera sa moindre féminisation dans les emplois intermédiaires du fait d’un accès moins important à la tertiarisation des emplois (dont une partie est actuellement très féminisée, à l’instar des services à la personne), et ce en dépit d’une meilleure réussite scolaire des filles. Néanmoins ces dernières devraient voir s’accentuer leur présence parmi les professions les plus qualifiées comme c’est déja le cas en médecine et métiers du droit. Au total, les femmes pourraient occuper près de la moitié des emplois, une proportion supérieure à leur part dans la population active. Cette évolution pourrait conduire à une inversion de la hiérarchie traditionnelle des taux de chômage entre hommes et femmes. Des Guadeloupéens et Martiniquais plus autonomes. Les changements affecteront aussi les structures familiales : en ce domaine, tous les indicateurs amènent à anticiper que la spectaculaire transformation à l’œuvre depuis trente ans se poursuivra dans la décennie à venir, avec l’augmentation du nombre des divorces, des unions libres et des familles monoparentales. L’Insee projette une poursuite de la baisse de la taille des ménages (de 3,5 personnes par ménage en 1990 à 2,8 en 2025, ce qui se traduira par une hausse de la demande de logements, et posera aussi la question du soutien aux populations fragilisées et paupérisées par ces évolutions, au premier rang desquelles les femmes et les enfants. En 2015, 39 % des enfants vivaient dans une famille monoparentale, quand ils n’étaient que 35 % dix ans plus tôt. Sur longue période, la baisse de la cohabitation au sein des couples sera en Guadeloupe et Martinique une tendance lourde : en 1980, près de 69 % des femmes de 40 ans vivaient en couple, elles ne seront que 54 % en 2027.Cette société transformée réclamera inévitablement une évolution de ses relations à l’État et aux institutions sociales : elle s’éloignera sans doute du paternalisme pour mettre de plus en plus l’accent sur l’accès aux services publics qui sera vu comme un support de l’autonomie individuelle.
Les mutations sociales vont conduire à l’avènement d’une société plurielle, plus dynamique, mais en proie aux doutes quant à sa capacité d’adaptation dans le contexte actuel de mondialisation. Malgré la montée du chômage, le confort des foyers et l’équipement des ménages n’ont cessé de s’accroître, et pourtant le doute persiste sur notre capacité à faire peuple. Notre actualité profondément bousculée par les effets accélérés de notre propre évolution, elle même compliquée par les ratés de nos maladresses et de nos avidités rend cette démarche de cohésion aussi nécessaire qu’aléatoire.Faute de régulation les peurs sociales lézarderont la cohésion actuelle de la société Antillaise avec sans conteste une nouvelle étape dans la déstructuration de la famille avec pour corollaire la violence accrue des jeunes et les ruptures conjugales.
L’ avenir sera-t-il confisqué dans 10 ans pour la société guadeloupéenne et martiniquaise ? Quels seront les contours de la société de demain ? Sur quelles valeurs et quelles énergies pourrons-nous compter pour construire un nouvel avenir ? Autant de questions que se posent certains et qui pensent que la Guadeloupe et la Martinique doutent de leur avenir. En cause : une schizophrénie croissante entre des valeurs centrées sur l’égalité réelle et la réalité d’une société qui sera de plus en plus élitiste et inégalitaire, et dont la stratification sociale sera de plus en plus figée. Nos enfants occuperont une meilleure position que nous, croyait-on au temps des Trente Glorieuses. Aujourd’hui, c’est la crainte du déclassement qui domine.Rarement une crise sociétale telle que celle que connaît les Antilles depuis 2009 aura eu un impact aussi important sur le moral, les perceptions et les attitudes de l’opinion. On savait le moral des ménages en berne et les inquiétudes relatives au chômage et au pouvoir d’achat très fortes. Les faits divers qui se sont multipliés en Guadeloupe ces derniers temps révèlent une autre conséquence de la crise dans l’opinion : elle s’attaque désormais à la cohésion sociale.
Depuis 1970, la Guadeloupe et la Martinique se sont donc profondément transformées, et à un rythme qui s’accélère. Le meilleur exemple de cette accélération est sans doute la révolution informatique, qui touche le grand public depuis les années 1980 environ : c’est un domaine où bien souvent les parents doivent se mettre à l’école de leurs enfants… Rien d’étonnant à ce que certains se sentent dépassés, d’autant que ces mutations très rapides ont lésé des catégories de la population, comme par exemple les jeunes touchés par le chômage. L’hostilité et la défiance des Antillais, ainsi que leur demande d’intervention de l’Etat dans tous les domaines économiques et sociaux, sont responsables de notre modèle économique et social archaïque et autodestructeur. Nous vivons au-dessus de nos moyens.C’est toute la différence entre une société de rente et une société du risque. La mondialisation et la crise historique de mutation que nous vivons à l’échelle planétaire bouleversent l’action publique tant dans son contenu que dans son mode d’intervention. Dans une Guadeloupe de plus en plus urbaine et violente, dans une Martinique dont l’économie est totalement ouverte sur le monde, dans une Guadeloupe où les clivages sociaux et territoriaux tendent à s’exacerber, dans une Martinique dorénavant « numérisée », il faut repenser les objectifs de l’action publique et ses moyens d’intervention pour répondre à ces nouveaux défis : réaffirmer les grandes missions d’intérêt général, adapter le modèle de consommation, re-clarifier le rôle de l’État et des acteurs publics locaux dans leurs différentes fonctions de soutien à l’investissement – régaliennes, régulatrices et fournisseurs de services –, optimiser l’efficacité économique des acteurs publics et privés, autant d’objectifs qui doivent constituer les piliers du renouveau. Avec l’essor des nouvelles technologies et du développement personnel, avec l’avènement de la conscience écologique et les remises en cause d’un certain modèle économique basé sur l’hyper-consommation, vont apparaître de nouvelles valeurs, de nouvelles manières de communiquer, de nouveaux projets d’avenir. Le mouvement sociologique vers une société d’individus valorisant l’autonomie est appelé à se poursuivre. Dans ce cadre, la société guadeloupéenne transformée attendra inévitablement une évolution de ses relations avec l’État et les institutions sociales : le paternalisme étatique devrait évoluer et laisser place à un accès vers une voie d’autonomie politique mais qui devra néanmoins être subordonné au préalable au changement de modèle économique et social. La société martiniquaise devrait procéder à l’évaluation des résultats de la CTM, quitte à opérer de nécessaires ajustements quand à la gouvernance de l’institution.
Le paysage qui vient d’être brossé à grands traits indique l’ampleur des défis que nous allons devoir affronter dans les dix ans à venir. Il met en lumière une série de risques. Et il suggère que la période qui s’ouvre pourrait à certains égards présenter moins d’opportunités que celle dont nous sortons.
Jean -Marie NOL
Économiste financier