— Par Emilien Urbach —
Sur l’île, des groupes violents se sont constitués et mènent une véritable chasse aux étrangers sous le regard complice des autorités françaises. Les associations tirent la sonnette d’alarme.
Un ouragan de xénophobie est en train de frapper Mayotte, l’île comorienne devenue département français, depuis 2009. Depuis le début de l’année, plusieurs centaines de comoriens originaires d’autres îles de l’archipel subissent harcèlements et expulsions de la part de groupes mahorais violents. «Du côté de la préfecture, silence radio. Indique la Cimade. Elle laisse perdurer une situation d’impunité totale et ne remplit pas ses missions de préservation de l’ordre public. Cette absence de réaction de l’État est honteuse et dangereuse pour les habitants de Mayotte.»
Femmes, enfants, vieillard jetés à la rue
En décembre, dans un village du sud de l’île, un premier groupe s’est constitué en «collectif des habitants de Tsimkoura». Il adresse alors un courrier aux autorités et fixe un ultimatum aux propriétaires afin qu’ils expulsent les étrangers à qui ils louent leur habitation. Les 10 et 17 janvier entre 200 et 300 personnes sont violemment expulsées de leurs bangas par ces groupes xénophobes. Des femmes, des enfants, des vieillards en situation régulière ou non sont jetés à la rue en pleine période de pluie. Le 22 février, la violence monte encore d’un cran, avec l’incendie de plusieurs habitations. Au mois de mars, le vent de la haine souffle sur d’autres villages. Le 17 mars, Solutions éducatives, une association comorienne du village de Poroani, adresse un courrier au préfet, à la mairie, à la gendarmerie et au procureur en sollicitant leur intervention. «La seule réaction publique a été de renforcer la présence de gendarmes sur place, déplore l’association. Mais ces derniers étaient uniquement chargés de veiller à ce qu’il n’y ait pas de violences sur les personnes. Ils ne sont donc pas intervenus pendant les expulsions.» Plusieurs dizaines d’habitants ont été chassées de chez eux. Dans cette autre partie de l’île, une deuxième vague d’expulsions a eu lieu le dimanche 27 mars. «Les gendarmes filmaient les destructions des habitations mais n’intervenaient pas», explique encore Solutions éducatives.
Les autorités complices
A l’inaction des pouvoirs publics s’ajoutent les déclarations du premier adjoint du chef-lieu de l’île, parlant de «guerre de libération», ainsi que l’appel du directeur de publication d’un hebdomadaire mahorais à «envoyer l’armée pour nettoyer les bidonvilles des clandestins». La Cimade lance un cri d’alarme et «appelle le gouvernement à repenser sa politique mahoraise, à en finir avec le régime dérogatoire du droit des étrangers outre-mer». Renforcement du contrôle de la frontière avec les Comores, maintien du «Visa-Balladur», augmentation des expulsions, négation du droit du sol… La logique sécuritaire qui sévit depuis trop longtemps dans cette enclave coloniale française, rend les autorités doublement complices de cette tempête xénophobe.
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