Santé et folie en Martinique d’Antan

Jeudi 12 Mai 2016, de 18 h 00 à 20 h 00

sante_&_folie_antillesA l’invitation ci-jointe de
Monsieur le Maire de la Ville de Fort-de-France et de son Conseil Municipal, concernant la conférence du Jeudi 12 Mai 2016, de 18 h 00 à 20 h 00, salle de délibérations – 6ème étage de la mairie de Fort-de-France.

Avec la participation de :

– M. Aimé CHARLES –NICOLAS, Professeur Emérite de Psychiatrie et d’Addictologie :

« Folie et Psychiatrie dans la Martinique d’Antan – Des questions pour le temps présent »
– Mme Geneviève LETI, Historienne :

« Santé et Société Esclavagiste à la Martinique – (1802-1848) »
N’hésitez pas à en faire part.

.En vous souhaitant Bonne Réception,

Recevez, Mesdames, Messieurs, nos salutations les meilleures.
Equipe Mission Mémoire Patrimoine
Ville de Fort-de-France

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M. Jean Benoist, “La recherche épidémiologique en santé mentale aux Antilles: vers une mise en perspective anthropologique”.

Introduction

« Chaque culture a des zones de lumière et des zones d’ombre. Le transculturel use des lumières des unes pour éclairer les zones d’ombre des autres ».

Carlo Sterlin,
psychiatre, Montréal

Les données qu’apporte une recherche épidémiologique ont le mérite d’être très lisibles. Leur appui sur un échantillonnage bien fait les rend crédibles aux yeux des responsables médicaux et administratifs. Les médecins n’y trouvent certes pas toutes les nuances de la clinique, mais ils se reconnaissent dans une méthode et des modes d’analyse auxquels les a familiarisés leur formation scientifique.

Toutefois ceux qui approchent par une autre voie les questions que l’enquête épidémiologique a pu traiter, et cela est vrai en particulier des anthropologues, demeurent souvent dubitatifs sur des points cependant centraux. Car nombre de questions portent sur des domaines où la vérité ne se dévoile en général que lentement (le recours à diverses formes de traitement, la part des diagnostics non médicaux dans l’itinéraire des malades et dans leurs décisions de soin, l’observance des prescriptions, le rôle de l’entourage, etc.). L’enquête par questionnaire, crédible par son échantillonnage et par le traitement de ce qu’elle a recueilli, l’est-elle autant dans les réponses obtenues ? Il ne s’agit pas tellement de la construction du questionnaire et de son analyse, mais d’un obstacle plus fondamental : l’expérience de son travail de terrain pousse l’anthropologue à s’interroger sur la possibilité de pénétrer par cette voie dans des logiques étrangères à celle de l’enquêteur, logiques qu’il a mis un temps considérable à déceler et quelquefois à décrypter. Si bien préparé qu’il puisse être, le questionnaire appartient à la logique de l’enquêteur. Il occulte celle de l’enquêté, en l’incorporant sans le vouloir à son cadre mental. Par exemple, les coupures entre mental et physique, entre normal et pathologique ont-elles un sens et, si oui, quel sens, dans la société à laquelle appartiennent les personnes interrogées ?

S’il est une leçon que nous enseigne l’anthropologie, c’est que les cheminements sont complexes, entre le dit et le non-dit, en matière de décisions et de comportements dans les domaines qui touchent à la santé et à la maladie, les choix apparemment les plus incompatibles entre eux sont faits simultanément par le même individu, à la fois rationnel et croyant, à la fois pragmatique et mystique. L’essor des pratiques parallèles de soin et de prévention en témoigne mieux qu’aucun discours. Aussi l’anthropologue est-il souvent frappé par la distance entre les réponses obtenues par les enquêteurs et les représentations que lui ont révélé des contacts prolongés. Et cependant, une critique seulement négative serait présomptueuse et regrettable. Des régularités se dégagent des enquêtes quantitatives, qui recoupent ce que l’approche qualitative avait perçu et lui donnent une caution. De même, les questions ouvertes et l’analyse fine des réponses, même si elles ne permettent pas de franchir le fossé qui sépare les logiques ni le redoutable biais méthodologique que représente une enquête par questionnaire, parviennent à nuancer les données.

Chacun ne souhaitant pas remplacer l’autre, mais aucun ne devant ignorer ce que l’autre peut apporter, l’anthropologue et l’épidémiologiste qui se préoccupent des représentations des troubles mentaux dans une société doivent tenter d’ajuster leurs travaux. Leur confrontation, difficile et incertaine, parfois vaine, parfois heureuse, mérite d’être tentée à propos des travaux qui sont actuellement conduits à la Guadeloupe. Il importe de tenir compte d’une part de l’ajustement délicat d’approches disciplinaires différentes, à la complémentarité nécessaire mais difficile à mettre en oeuvre, d’autre part de la société où se déroule l’enquête, société porteuse de valeurs, de normes, créatrice de traumatismes mais aussi de solutions, société où chacun est au carrefour d’une histoire pesante et d’un présent incertain. Et c’est en vue d’y parvenir que sont proposées les réflexions qui suivent.
http://classiques.uqac.ca/contemporains/benoist_jean/recherche_sante_mentale_antilles/recherche_antilles_intro.html

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Histoire des représentations de la santé mentale aux Antilles. La migration des thérapeutes
parMichel Eynaud
Les Antilles sont des terres de migrations, plus ou moins choisies, plus ou moins subies. Au fil des arrivées des peuples et des cultures, y ont aussi débarqué thérapeutes et théories. Leurs représentations se sont ainsi succédé, empilées. Depuis les Taïnos dialoguant avec les zémis grâce aux effets de la Cohoba, aux statistiques de la maison coloniale de santé de Saint-Pierre ou la drapétomanie du docteur Cartwright, avant les années 1960 et les bouffées délirantes guadeloupéennes, les modèles furent nombreux. Rappeler cette histoire est l’occasion de s’interroger sur le poids des représentations y compris chez les scientifiques, dont les « connaissances » sont aussi culturelles, voire idéologiques. À toutes les époques, le social conditionne le sanitaire.

http://www.cairn.info/revue-l-information-psychiatrique-2015-1-page-66.htm