Tropiques-Atrium le 9 avril à 20 h
Nous écrivions ceci après avoir assisté à une représentation du Domaine des murmures l’été dernier en Avignon :
Carole Martinez a obtenu le « Goncourt des lycéens » en 2011 pour ce roman qui se passe dans un Moyen-Âge de légende, de mystère et de foi. La foi est d’abord celle de l’héroïne, Esclarmonde, fille du seigneur des Murmures, qui décide de se consacrer à Dieu et de se faire emmurer vivante dans un cachot plutôt que d’épouser l’homme choisi pour elle par son père. Un bébé naît, qui porte les stigmates. Il n’en faut pas plus pour faire d’Esclarmonde une sainte. Telle est l’anecdote mais le roman vaut surtout par sa langue et par l’atmosphère pressante qu’il parvient à créer. On comprend que José Pliya, qui avoue une prédilection pour le Moyen-Âge, ait désiré l’adapter pour le théâtre. Créé en 2015 au Théâtre de Poche, à Paris, avec la comédienne Valentine Krasnochok dans une mise en scène du même J. Pliya assisté par Danielle Vendé, il est repris en Avignon avec désormais Léopoldine Hummel.
On ne saurait imaginer un écrin plus adapté à cette pièce que la minuscule chapelle du Théâtre des Halles. Installée sous la croisée d’ogives, la comédienne, malgré les spectateurs qui lui font face, doit se sentir dans une situation très proche de celle de l’héroïne qu’elle a la charge d’incarner. C’est en tout cas, pour nous, les spectateurs, une raison de plus d’adhérer à ce conte fantastique. L. Hummel passe de l’exaltation au désespoir, de la tendresse maternelle au commandement impérieux (car sa « sainteté » lui a donné un pouvoir sur les gens du dehors). Quand elle penche la tête en avant, sa longue chevelure blonde dénouée fait comme une prison de plus dans laquelle elle s’est recluse. Elle chante et ces moments-là sont les plus bouleversants.
La scénographie est réduite au minimum : un rectangle de gravier de moins d’un mètre carré dont la comédienne ne s’éloignera que tout-à-fait à la fin, un minuscule tabouret, l’éclairage parcimonieux, sauf par de rares éclairs. Tout est fait pour évoquer l’enfermement, le confinement.
Un bémol qui ne surprendra pas les lecteurs habitués de nos chroniques et qui nous savent viscéralement opposés à l’usage de l’amplification au théâtre – sauf les cas qui la rendent indispensable (plein air, dimension excessive de la salle de spectacle). Comment pourrions-nous, dans ces conditions, adhérer au parti de faire parler la comédienne dans un micro pendant presque toute la durée de la pièce ? On a entendu les explications qui nous étaient données : la micro avec sa longue tige, c’est une manière de représenter la « bouche de pierre », le trou à travers le mur du cachot par l’intermédiaire duquel Esclarmonde communique avec l’extérieur. Comme c’est le seul objet manipulé par la comédienne, il est encore pour elle le moyen d’exprimer une certaine sensualité, en particulier quand elle se met à chanter. Le micro c’est enfin l’élément de modernité qui doit nous inciter à faire le lien entre le Moyen-Âge et aujourd’hui. Ces intentions sont recevables. Discutables aussi : était-il vraiment nécessaire de nous ramener au présent au risque de casser la magie qui opère si facilement dans cette histoire et dans ce lieu ? À la sortie de ce spectacle émouvant, saisissant par moments, on reste avec cette interrogation.
A voir à l’Atrium de Fort-de-France le 9 avril à 20h
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