— Par Janine Bailly —
Il me revient que mon article : Cyclones, de bruit et de fureur, a déplu. Aussi vais-je m’arroger ici un droit de réponse. Tout d’abord, et puisque cela a choqué l’auteure, regretter d’avoir, par l’emploi de malencontreux groupes nominaux, défloré le « secret » de Cyclones.
Mais prétendre, comme il est dit dans la présentation du spectacle, que nous sommes là face à une sorte de thriller, qui « palpite au rythme d’une double enquête », me semble être un non-sens réducteur, oserais-je dire un choix démagogique propre à attirer le badaud ? De cette histoire, tout est très vite deviné, sinon dévoilé. Et c’est avoir une bien piètre idée de ses propres spectateurs que de les croire incapables d’apprécier une représentation dont ils connaîtraient par avance l’objet, ou encore de les juger incapables de comprendre très (trop ?) vite les liens qui unissent ces deux femmes sur scène, dont l’une est entrée chez l’autre parce qu’elle a lu le nom de X sur la boîte aux lettres.
La nature même du drame est un secret de polichinelle, très vite éventé. Et si la vérité est lente à se faire jour chez Aline — ou plus simplement à être par elle acceptée —, l’on imagine bien que Lena n’a pas été plus longue que nous à comprendre à qui elle avait affaire ! La beauté, la puissance et la force de la pièce, que je pensais naïvement avoir défendue en écrivant, résident pour moi dans le travail des comédiennes et du metteur en scène, dans l’émotion qui peut en naître et nous tenir sous sa férule, dans l’originalité du traitement choisi, dans un aspect cinéma muet ou bande dessinée en noir et blanc, aspect privilégié et apparemment assumé. Fort heureusement, il s’agit en l’occurence de bien autre chose qu’un simple thriller !
ll ne faudrait donc jamais évoquer l’intrigue ? Alors n’allons plus jamais applaudir Molière, dont nous connaissons tout des pièces. Et ne lisons plus jamais un seul texte de théâtre avant d’en aller voir une représentation ! Vais-je aussi me priver de découvrir le beau roman d’Anique Sylvestre, au prétexte de savoir d’ores et déjà que le thème central en est l’inceste et l’omerta familiale, et que l’héroïne Tieta va briser cette omerta ? N’irais-je pas frémir au beau spectacle Les Enfants de la mer, pour la mauvaise raison que je suis informée du drame des boat people autant que de la tragédie haïtienne ?
Foin des querelles stériles, les spectateurs affluent en nombre, ce qui apaise les tourments de ma conscience et m’aide à endosser ma « culpabilité » en cette matière. Et la pièce semble bien faire son chemin vers la célébrité : à qui conseillait vivement, lors de Rencontres pour demain à la médiathèque du Saint-Esprit, d’aller voir Cyclones, Jocelyne Béroard, reine de la soirée, n’a-t-elle pas répondu que cela était déjà fait ? Alors, longue vie au spectacle, que j’ai personnellement reçu, et défendu auprès de mes proches avec un enthousiasme non feint que je croyais perceptible dans l’article incriminé !
J.B. Fort-de-France, le 15 mars 2016