— Par Michel Branchi —
Notre édito de Justice n° 5 du 4 février dernier (et reproduit sur quelques sites) répliquant à Jean-Claude Duverger et à quelques autres qui accusent la nouvelle majorité de la Collectivité Territoriale de Martinique d’ « incompétence » et d’ « immobilisme » et accumulent également critiques, obstacles et accusations mensongères sur ses pas un mois et demi à peine après son installation nous vaut une rageuse algarade du GRS sous le titre « Michel Branchi, nouveau croisé de l’Alliance ». Parmi les critiques du Gran Sanblé et du PCM figurait un premier missile du GRS publié -notons le- conjointement dans France-Antilles du 27/01/2016 et dans « Le Progressiste » du 27/01/2016 sous le titre « CTM : Une nouvelle période politique ? ».
Contrat de gestion ou Alliance ?
Les signataires de la nouvelle philippique, Philippe Pierre-Charles et Max Rustal, publiée sous forme communiqué du 9 février 2016 repris sur les réseaux sociaux et dans France-Antilles du 16/02/2016 nous accusent, comme il se doit pour tous bons trotskystes, d’utiliser « l’amalgame de la pire période stalinienne ». Réflexe pavlovien qui conduit à dégainer un vieux cliché anticommuniste et à prendre régulièrement le train de l’Est et la cyclotron à remonter le temps.
Pour expliquer le contrat de gestion de la CTM entre le Gran Sanblé et Ba Péyi-a an Chans et qualifié d’ « Alliance » nous avons eu le malheur de dire que la Martinique a changé depuis 1920. Et nous voilà taxé de nier qu’il y ait encore aujourd’hui des « fraudeurs et des profiteurs et autres assassins ». Libre à nos éminents censeurs de feindre de ne pas comprendre que nous avons voulu mettre en exergue que les conditions de la lutte des classes et la société martiniquaise sont singulièrement différentes en 2016 ! Ce point mériterait d’ailleurs à lui seul un développement plus important.
André Aliker renié ?
Rien n’y fait. Pour nos deux procureurs Justice est aujourd’hui doté d’un rédacteur en chef qui renie André Aliker en défendant, s’il vous plait, un PDG fraudeur de la Sécurité sociale et du fisc. Ben voyons. N’est-ce pas un curieux « amalgame » en l’espèce ? Etrange que le même reproche nous ait été signifié par « Le Progressiste ».
L’acte d’accusation s’enrichit singulièrement en y ajoutant notre supposée volonté de dramatiser exagérément la situation du pays en affirmant qu’il est « en danger », en se camouflant « derrière un soudain état d’urgence patrouillotique » (sic) pour justifier « un lamentable combat de places ». Et le GRS en participant aux élections n’a-t-il pas participé au « combat des places » ? Autre cliché populiste de ceux qui n’ont pas reçu les faveurs des urnes.
La crise systémique martiniquaise niée
De plus, les deux compères ironisent d’abondance sur « le mortel danger menaçant le pays » et « la patrie en péril » qui seraient des prétextes avancés par « les apprentis sorciers du Gran Sanblé » pour pratiquer « un nouveau moratoire encore plus affligeant que l’original ». Et ils nous reprochent de n’avoir pas recherché « une alliance des travailleurs et des anticolonialistes ». Est-ce que leur mémoire est si défaillante pour qu’ils oublient que le rassemblement « Nou Pép’ la » de Marcellin Nadeau, dont ils faisaient partie, a refusé la fusion avec le Gran Sanblé au 2ème tour de l’élection de la CTM ?
Nous ne croyons pas que les éminents chevaliers du GRS ignorent non plus que tous les indicateurs économiques, sociaux et démographiques martiniquais sont au rouge vif : chômage et sous-emploi aggravés, économie au ralenti sinon en recul, baisse et vieillissement accéléré de la population, regain dramatique de l’exode de la jeune génération, extension de la pauvreté et creusement inexorable des inégalités sociales de toutes natures, précarité grandissante particulièrement pour les séniors, génocide par substitution, délinquance galopante et consommation exponentielle des drogues, etc. Non le pays ne serait pas en danger dans son existence même, osent-ils brocarder cyniquement ! Oui, la société néocoloniale martiniquaise est en crise, systémique.
N’est pas moratoiriste qui l’on pense
Moratoire ? Nos Fouquier-Tinville savent fort bien que l’élection du 13 décembre visait à mettre en place pour six ans la Collectivité territoriale de Martinique dans le cadre de l’article 73. Rien de plus, rien de moins dans l’accord de mandature de Gran Sanblé Pou Ba Péyi-a An Chans. Et rien n’empêche le PCM, pour sa modeste part et comme l’a redit son Secrétaire général Georges Erichot lors de la remise de cartes solennelle 2016 du 31 janvier dernier, de répéter et d’expliquer que ce cadre est limité et que, quand le peuple le voudra, il faudra aller plus loin vers un véritable pouvoir martiniquais autonome et démocratique pour vraiment changer les choses en Martinique. Cette incrimination de pratiquer un moratoire sur la question statutaire est d’autant plus piquante qu’elle vient d’une formation politique qui, lors de la consultation populaire du 10 janvier 2010 sur le passage à la petite autonomie de l’article 74 de la constitution française, a adopté durant la campagne l’attitude de Ponce-Pilate en faisant comme toujours de la surenchère pour finalement appeler in extrémis à voter le 74 « par défaut » à huit jours du scrutin. Aujourd’hui quelle avancée anticolonialiste proposent nos deux professeurs en marxisme ?
Dernière avanie frisant la falsification : Pierre-Charles et Rustal nous font dire à un journaliste (sans citer le média ni la date) que le pouvoir (pour notre personne bien sûr) nous importe plus que l’idéologie alors qu’il est évident que nous avons expliqué que, pour avancer dans des solutions prenant en compte l’urgence sociale, ce qui importe aujourd’hui c’est plus le pouvoir d’agir et… des actes concrets que des débats idéologiques sans fin. On est dans le sophisme et la casuistique à ne pas confondre avec le marxisme vivant et créateur.
Il ne restait plus à ce stade qu’à tenter de nous porter l’estocade en nous collant l’étiquette infâmante du « reniement ». Le pas est franchi sans hésitation.
René Ménil, le philosophe marxiste martiniquais, co-créateur de la revue « Tropiques », un de nos maîtres à penser à nous communistes martiniquais, disaient fort justement : « Les trotskystes se trompent toujours d’adversaire et de moment historique ». Cela se vérifie une fois de plus.
Pour l’heure il s’agit d’utiliser au mieux la CTM pour sauvegarder la Martinique par le redressement économique et social au bénéfice des intérêts populaires. Et pour cela rassembler les Martiniquais qui aiment le pays.
Michel Branchi, Economiste et Rédacteur en chef de Justice (17/02/2016)