— Par Pascal Saffache , Véronique Privat —
Le changement climatique, l’augmentation de la puissance et de la récurrence des catastrophes naturelles, ou encore les prédictions d’apocalypse, ont conduit les scientifiques à élaborer des complexes de survie, appelés couramment « Arches de Noé ».
Ces derniers servent de véritables réserves, au sein desquelles tous les pays peuvent stocker des éléments, comme des graines, par exemple, dans le but de préserver (et perpétuer) la biodiversité mondiale. Aujourd’hui, il existe plus de 1400 réserves de semences de ce type à travers le monde.
L’exemple Norvégien
L’édification de la première chambre froide de stockage (Svalbard Global Seed Vault) a débuté en 1983 sur l’île norvégienne de Spitzberg, à mille kilomètres du Pôle Nord. Ce site a été retenu en raison de son isolement géographique, mais aussi et surtout, car son climat et sa géologie se prêtaient à un tel projet de conservation.
Cette arche de Noé, construite à 130 mètres au-dessus du niveau de la mer, restera donc au sec même en cas d’élévation exceptionnelle du niveau des océans. La présence du pergélisol (ou permafrost) – sol gelé en permanence – maintient la température ambiante en dessous de zéro degré Celsius, même en cas de défaillance du système de réfrigération. De plus, en l’absence de personnels permanents, une surveillance est assurée par des caméras.
Aujourd’hui, avec plus de 500 000 variétés de graines provenant de très nombreux pays, cette « arche de Noé verte » est la collection de graines la plus importante de la planète, car elle contient un tiers des espèces végétales connues. Ces espèces sont stockées entre -20 et -30°C, dans un milieu appauvri en oxygène, dans le but de limiter leur activité métabolique, et d’augmenter ainsi leur durée de conservation (de quelques décennies à quelques siècles).
L’appellation « Arche de Noé » est justifiée, car ce projet – lancé conjointement par les autorités norvégiennes et le Fonds Fiduciaire Mondial pour la Diversité des Cultures (FFMDC) – à pour but de garantir « la survie sur le long terme des cultures vivrières fondamentales » et des ressources génétiques végétales mondiales.
Cette réserve fonctionne de la façon suivante : le gouvernement norvégien possède les murs, tandis que les pays donateurs conservent la propriété de leurs échantillons.
Grâce à cette arche de Noé végétale, la Norvège et le FFMDC offrent aux générations futures la possibilité d’accéder à des espèces disparues. Ce projet intéresse les états, mais il intéresse aussi des donateurs fortunés, puisque le milliardaire américain Bill Gates, par exemple, y a investi plusieurs millions de dollars.
Cette solution est-elle viable ?
Selon certains experts, ce type de projet suscite des réactions mitigées, car si le fait de préserver la biodiversité végétale (pour les générations futures) est une entreprise louable, l’une des premières vocations de l’agriculture est de nourrir les populations (on estime qu’à l’horizon 2060, ce sont 9 milliards de personnes qu’il faudra nourrir) ; ces semences réintroduites plusieurs décennies après, pourront-elles se développer dans un milieu devenu différent, voire hostile ?
Certains commentateurs n’hésitent pas à qualifier ces arches de Noé de « bunker de l’apocalypse ». Bien heureusement, il est inutile d’envisager l’Armageddon pour procéder au référencement et à la conservation du patrimoine vert de la planète…
Pascal SAFFACHE, Véronique PRIVAT
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