Dans le cadre du projet « Filles et garçons, changeons de cap, pour une égalité dans les rôles, dans les métiers, dans la vie » une projection du film » La domination masculine » est organisée le mardi 26 février 2013 dans la salle Frantz Fanon de l’Atrium à 15 h.
SYPNOSIS
« LA DOMINATION MASCULINE »
Un film de Patric Jean
« Je veux que les spectateurs se disputent en sortant de la salle »,
c’est ce que disait Patric Jean en tournant « la domination masculine »
Peut-on croire qu’au XXIème siècle, des hommes exigent le retour aux valeurs ancestrales du patriarcat : les femmes à la cuisine et les hommes au pouvoir ? Peut-on imaginer que des jeunes femmes instruites recherchent un « compagnon dominant » ? Que penser d’hommes qui subissent une opération d’allongement du pénis, « comme on achète une grosse voiture » ?
Si ces tendances peuvent de prime abord sembler marginales, le film nous démontre que nos attitudes collent rarement à nos discours. L’illusion de l’égalité cache un abîme d’injustices quotidiennes que nous ne voulons plus voir. Et où chacun joue un rôle.
A travers des séquences drôles, ahurissantes et parfois dramatiques, le film nous oblige à nous positionner sur un terrain où chacun pense détenir une vérité.
« La Domination masculine » jette le trouble à travers le féminisme d’un homme qui se remet en question. Une provocation qui fera grincer des dents…
Consulter le site du film et sa richesse documentaire
Temps forts pour le lancement du projet 2013-2015
DATES |
MANIFESTATIONS |
PUBLIC |
OÚ ? |
Mardi 5 mars 18h30
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« l’égalité hommes-femmes à l’épreuve des stéréotypes »
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Club presse |
Salle de la mutualité Bld Général de Gaulle
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Mardi 26 février 15h
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Présentation des supports de communication : film, clip Film – débat « la domination masculine » de Patric JEAN |
Les personnes qui représentent les organismes impliqués et collaborateurs, collaboratrices Salarié-e-s
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Salle Frantz Fanon
Atrium
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Mercredi 6 mars 11h
A confirmer |
Présentation des supports à la presse |
Presse média |
Proposition Lycée Joseph Gaillard Présentation des outils par des lycéens et lycéennes
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Mercredi 6 mars 18h
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Conférence « L’éducation des Femmes dans l’histoire de l’école à la Martinique » Gilbert PAGO, historien |
Manifestation publique Ouverture avec Awa |
Tout public Salle Aimé Césaire Atrium |
Vendredi 8 mars |
Actions, manifestations au sein des organismes |
Tout public
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Tous les partenaires |
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1er bilan des manifestations |
Les partenaires |
Partout où se tiendront des activités 8 mars
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Projet porté par :
les Centre d’Information et d’Orientation de Fort-de-France, Lamentin, Marin, Trinité
la Délégation Régionale aux Droits des Femmes et à l’Egalité (Préfecture Martinique)
ENTRETIEN avec PATRIC JEAN
par Franck GARBAZ
Comment est né La Domination masculine ?
Si la question politique est le plus souvent à l’origine d’un projet de documentaire engagé, on se rend compte par la suite qu’il y a aussi quelque chose d’intime qui vous pousse dans cette voie. J’avais déjà abordé la question du déterminisme social et de la criminalisation de la pauvreté, et je m’étais donc intéressé aux rapports de domination – mais dans le champ des classes sociales. Du coup, il y avait une certaine logique à ce que je tourne un film sur la question de la domination homme femme. Pour moi, il s’agit d’une thématique politique au fondement de toutes les autres.
Sur le plan personnel, j’ai grandi dans une culture assez classique qui a fait de moi un phallocrate à vingt ans. Des femmes et des féministes en particulier, m’ont petit à petit ouvert les yeux et m’on fait prendre conscience de ma position de dominant (qu’il faut ensuite toute une vie pour déconstruire). Ce film est donc un travail sur moi-même doublé d’une réflexion politique.
Quel a été votre travail de recherche et de documentation ?
Comme pour tous mes films, je commence par une réflexion théorique. Je lis beaucoup d’ouvrages et je rencontre des spécialistes, comme des sociologues et des historiens, pour me constituer un point de vue. Je suis très attaché à l’idée de Jean Vigo du « point de vue documenté. » Car quand on réalise un documentaire sur une thématique politique, la première chose à faire est de construire un point de vue pour avoir une idée précise de ce qu’on veut dire. Et cela peut prendre des années. A partir de là, je cherche à savoir comment je vais m’y prendre : à travers quelles situations, quels personnages, quels lieux etc. C’est le travail cinématographique qui s’élabore.
Quelle a été votre logique dans l’enchaînement des séquences ?
J’ai d’abord construit le film comme une réflexion et une démonstration. Mon but était de partir d’événements assez ténus et légers pour aller vers des choses beaucoup plus graves, comme la violence conjugale, et de montrer qu’il y a une continuité entre tous ces faits. Gisèle Halimi parle de « continuum. » Par exemple, ce qu’on détecte dans les jeux ou les livres pour enfants est parfaitement cohérent – en termes sociétaux et culturels – avec l’idée que des hommes battent leurs femmes.
Les genres masculins et féminins sont des constructions sociales qui diffèrent selon les époques et les cultures mais aboutissent toujours à la domination masculine (on n’a jamais observé de matriarcat). On formate donc l’enfant à être un dominant ou une dominée (mais on pourrait aussi parler ainsi des classes sociales), à travers l’éducation et la reproduction des comportements. Il est donc logique que ce soient massivement les hommes qui battent les femmes et non l’inverse. Le film se construit donc à travers ce continuum : les symboles comme la taille de la verge, les livres et jouets d’enfants, les tâches ménagères, l’inégalité des salaires, la représentation politique, l’image du corps des femmes, la femme objet, la femme battue. Tout se tient. Chacun joue le rôle pour lequel il a été programmé. A nous de le remettre en question. C’est là la question politique.
A travers le film, on comprend que la société est encore prisonnière de beaucoup de stéréotypes.
Quelle que soit l’époque ou le lieu, on est toujours pris dans des injonctions, essentiellement culturelles. Aujourd’hui, il y a encore des injonctions faites aux hommes et aux femmes pour se conformer à un modèle. Dès l’enfance, on assigne les individus à leur sexe comme le disait merveilleusement Beauvoir à propos des femmes il y a soixante ans. C’est ainsi qu’on dit aux petits garçons, dès la naissance, « Tu dois te conformer à une image de ce qu’incarne l’homme. » Les parents véhiculent ce message pour le bien de leur enfant, sans se rendre compte qu’ils reproduisent un schéma qui mène nécessairement à la domination des femmes par les hommes.
C’est le même phénomène que l’on observe avec les jouets.
Absolument. A partir du moment où on offre à une petite fille un aspirateur ou un fer à repasser miniature, on lui donne l’injonction d’être une bonne ménagère plus tard. A l’inverse, on offre au petit garçon des jouets qui stimulent sa curiosité et son intelligence. Du coup, dès la naissance, on projette sur les enfants des idées préconçues sur la distribution des rôles hommes-femmes.
Ce qui amène le marchand de jouet à affirmer que « les petits garçons sont capables d’inventer leur univers, alors que les petites filles imaginent à partir de leur cuisine ».
Il y a tout de même des évolutions qui vont dans le sens d’une plus grande égalité entre les sexes…
Bien sûr ! Aujourd’hui, les femmes travaillent et font des études supérieures, dans une plus grande proportion que les hommes d’ailleurs. Grâce aux féministes et aux « gender studies », on dispose des moyens intellectuels pour remettre en question les injonctions de notre culture. Mais elles restent tenaces malgré tous les progrès qui ont été effectués car il est très difficile de faire changer les mentalités collectives. Cela prend généralement des générations car les freins sont nombreux, tant du côté du dominant que du dominé.
Dans la séquence du speed-dating, ce sont les femmes elles-mêmes qui se placent dans un rapport de soumission.
Le rapport de domination ne peut pas exister sans l’accord du groupe soumis. La Boétie nous parlait déjà au XVIème siècle de la « servitude volontaire » qui a toujours cours dans toute domination sociale. Etant donné que l’on a reçu dès notre plus jeune âge une éducation qui nous a attribué un rôle, on peut ne pas se sentir concerné par ces rapports de domination. Cela vaut pour les rapports de classe et également pour les femmes: cela semble tellement naturel qu’une femme se comporte comme une femme, qu’elle s’occupe des tâches ménagères, qu’elle gagne moins d’argent que l’homme, qu’elle porte de hauts talons, qu’elle se maquille.
Dans cette séquence, il y a bien celles qui nous disent clairement « je cherche un homme qui me domine » mais il y a surtout celles qui ne sont pas dupes et affirment « pour moi ce n’est pas très important, mais il vaut mieux que ce soit l’homme qui gagne plus dans le couple sans quoi il pourrait se sentir mal. »
Du coup, les femmes elles-mêmes reproduisent ce système auprès de leurs enfants.
Personne ne nie évidemment la différenciation biologique des sexes mais alors que cette différence morphologique et fonctionnelle n’est porteuse ni d’inégalité ni de hiérarchie, tout se passe comme si elle signifiait la supériorité du côté masculin et l’infériorité du côté féminin. Du coup, tout ce qui est féminin est dévalorisé. Et beaucoup de femmes préfèrent ne pas lutter.
Historiquement, d’où vient cette domination ?
A un certain moment de son histoire, l’être humain a compris qu’il y avait une relation entre l’acte sexuel et le fait d’enfanter. Il a alors observé que les femmes accouchaient de petites filles – une femme accouche d’une femme –, ce qui lui semblait normal, mais qu’elles accouchaient aussi de petits garçons, ce qui lui a posé un problème conceptuel. Il s’est donc dit que les enfants n’étaient pas « dans » les femmes, mais « dans » les hommes qui possédaient le « pneuma », le souffle. Les femmes n’en devenaient donc que le réceptacle pendant neuf mois. D’une certaine manière, les femmes étaient considérées comme des pots en terre cuite avec du terreau, tandis que les hommes étaient censés déposer leurs graines dans ces réceptacles dont ils devenaient logiquement propriétaires. Et qu’ils pouvaient vendre, louer, collectionner, détruire. Maîtriser sa descendance pour ce jardinier, c’était contrôler les femmes…
Lorsque la science a montré que les choses ne se passaient pas comme cela, avec la découverte des gamètes (ovules et spermatozoïdes), on aurait dû repartir sur de tout autres bases et établir des rapports d’égalité.
Il faut absolument lire Françoise Héritier à ce sujet.
Le film aborde, avec beaucoup de finesse, la « domination silencieuse » qu’on décèle dans les livres pour enfants…
Comme le rapport de domination est accepté par la grande majorité, il peut se répéter de manière silencieuse. Il semble tellement naturel qu’il n’est même pas nécessaire de l’affirmer. C’est ce que l’on observe dans les livres pour enfants, y compris dans ceux qui se veulent critiques du rapport de domination : ils sont parfois clairs dans le texte, mais reproduisent par l’illustration l’image de la maman qui fait la vaisselle et du papa dans son rôle de chef de famille. Ou encore le petit garçon conquérant qui joue dehors alors que la petite fille sage contemple le monde à travers la fenêtre. Comme le dit Adela Turin (la voix sur la séquence) « la petite fille attend derrière la fenêtre, c’est la princesse, elle n’a pas d’ambition, elle a des rêves ». Cette image de la fillette à la fenêtre est redondante dans la littérature enfantine encore de nos jours. Et comme les enfants mémorisent bien plus l’image que le texte…
Le désir de contrôle semble être au cœur de la violence faite aux femmes par les hommes.
Ce qui est certain, c’est que dans la question de la violence conjugale – qu’elle soit psychologique ou physique –, c’est la volonté de contrôle qui s’exerce. « J’exige de faire de toi ce que je veux, » semble être le credo des hommes violents. Quand on a filmé la séquence au centre médico-légal, toutes les femmes racontaient la même histoire – et cela commence toujours par le contrôle : les hommes veulent d’abord contrôler les vêtements que portent leurs femmes, la manière dont elles se maquillent etc. Ensuite, ils veulent savoir ce qu’elles font, avec qui elles se trouvent, à qui elles parlent etc. car ils ont peur qu’elles leur échappent. Pour conserver le contrôle sur leur femme, ils la dévalorisent. Et souvent elles intègrent cette dévalorisation. L’une d’entre elles nous dit « j’étais une merde. Tellement moins bien que lui que je ne pouvais vivre sans lui. » L’homme qui bat sa femme conçoit nécessairement son rapport de couple dans un rapport hiérarchique. Malheureusement, certaines femmes victimes aussi…
Peut-on dialoguer avec des hommes violents ?
C’est très compliqué parce qu’il faut les convaincre que leur vision du monde, fondée sur un rapport d’infériorité entre les sexes, où la femme doit obéir à l’homme, est totalement absurde. C’est d’autant plus difficile que ces hommes sont convaincus que ce sont leurs femmes qui n’obtempèrent pas au modèle de hiérarchie qui leur semble légitime. Ils se considèrent un peu comme les garants d’un droit. Denis, l’homme violent repenti du film nous dit « Quand Adan a mangé la pomme, la première chose qu’il a dite à dieu c’est : c’est elle la coupable ! Eh bien moi aussi je pensais que c’était elle qui avait un problème. Je voulais que le psy me dise : toi t’es un bon gars mais amène-la moi, je vais l’arranger elle. Cela prend un long travail pour comprendre que le problème c’est moi. D’ailleurs le problème pourrait revenir si je ne fais pas le travail pour accepter que le problème de violence, c’est moi. »
Il faut bien rappeler que cette hiérarchie construite entre hommes et femmes se retrouve dans toutes les sociétés, de même que la répartition des tâches selon le sexe.
Pourquoi vous êtes-vous intéressé au Québec ?
Je voulais parler de ce pays parce qu’il a vingt ans d’avance vis-à-vis de la place des femmes dans la société. Ce qui m’intéressait, c’était de montrer comment, dans une telle société, une force de réaction contre-émancipatoire se fait jour – comme chaque fois qu’il y a des progrès politiques et sociaux.
Ce que les Américaines appellent le « backlash » et les Québecoises le ressac.
Pour le reste, le fondement des choses est comparable. Francine Descarries le dit bien dans le film : « on entretient l’illusion de l’égalité chez les femmes blanches d’une certaine classes sociale des pays du nord »
Le massacre de l’Ecole Polytechnique de Montréal semble avoir marqué une rupture historique dans l’histoire du féminisme et de la lutte antiféministe.
Cet événement a traumatisé la société québécoise parce qu’il s’agit d’un crime délibérément perpétré contre les femmes. C’est aussi un événement fondateur parce qu’il a – paradoxalement – libéré la parole des hommes violemment antiféministes qui appellent de leurs vœux un radical retour en arrière. Depuis, deux autres déséquilibrés ont promis qu’ils « finiraient le travail », mais ont été heureusement arrêtés. Et au sein de l’armée canadienne, une garnison a rendu durant plusieurs années hommage au « tueur de l’Ecole Polytechnique » chaque 6 décembre.
Très récemment, un Américain a tué des femmes dans un centre sportif en laissant des justifications misogynes sur son blog. J’ai le sentiment que ces idées extrêmes font leur chemin car beaucoup d’hommes sont convaincus qu’ils sont du côté de la justice : ils se comparent aux résistants de la Seconde guerre mondiale. Mais le plus grave est de voir d’autres hommes justifier « intellectuellement » ces actes barbares, dans la presse, sur des blogs. C’est ce qui m’inquiète le plus.
C’est comme un immense retour en arrière qui ne serait plus le fait d’illuminés ou d’individus isolés, mais qui incarnerait une sorte de « revanche des hommes » contre les acquis des féministes.
Quel est le profil psychologique des « masculinistes »?
Ce sont souvent des hommes qui ont l’impression d’avoir raté leur vie et qui sont dans une revendication haineuse : il leur faut alors un bouc émissaire. Puisqu’ils ne peuvent pas s’en prendre à leur propre médiocrité, ils s’en prennent à celles qui leur ont « volé » la place qui – dans leur vision du monde – leur revenait naturellement : les femmes. Ils nous disent « on n’a plus le droit d’être un homme. Elles ont pris la place traditionnelle des hommes. Du coup, il y a une génération perdue d’hommes : les hommes moumounes, les pisse-assis »
Ils sont extrêmement paranoïaques et enfermés dans une théorie du complot : ils s’imaginent que les féministes sont complices de la presse, la magistrature, les francs-maçons, les homosexuels etc. Ils me font penser à ceux qui prétendent que les attentats du 11-septembre n’ont pas eu lieu.
Faut-il les considérer comme dangereux ?
Ce sont ceux qui semblent les plus modérés qui m’inquiètent : ils font en sorte qu’une poignée d’entre eux aient un discours radical et caricatural (« le féminisme est un crime contre l’humanité ») pour que la majorité, qui partage les mêmes idées, puisse passer pour des intellectuels « soft » quand ils expriment des horreurs.
Je pense notamment au psychologue Yvon Dallaire qui pratique des thérapies de couple et qui est invité partout dans les médias, y compris sur le service public français ! Il écrit qu’un rapport sexuel entre un adulte et un enfant est sans conséquence affective et psychologique pour l’enfant. (Certains masculinistes vont en effet jusqu’à considérer que la pédophilie relève des pulsions masculines qu’il ne faut pas contraindre).
Autre exemple : le concept « d’aliénation parentale » selon lequel quand un couple se sépare, la mère va tout faire pour monter les enfants contre leur père et garder le seul contrôle sur ces derniers. Pour évincer le père de la famille. Du coup, lorsque les enfants déclarent avoir été victimes d’attouchements de la part de leur père, ces « théoriciens » prétendent que c’est toujours faux : ce serait, selon eux, une conséquence de la manipulation des enfants par leur mère. Cette notion d' »aliénation parentale » se retrouve aujourd’hui dans des publications qui ne sont pas nécessairement extrémistes, à destination des magistrats, des travailleurs sociaux… C’est purement et simplement une apologie de la pédophilie.
Comment avez-vous approché ces hommes ?
Sous un nom d’emprunt, je me suis fais passer pour l’un d’entre eux.
Je me suis infiltré dans leurs réseaux pour récolter leurs confidences. Vous imaginez les horreurs que j’ai eu à entendre (notamment à propos de la pédophilie). Je les ai ensuite filmés et ils pensaient s’adresser à l’un des leurs. A l’heure où je vous parle, ils pensent toujours que je suis un masculiniste. Sans cette feinte, ils sont inapprochables. Quand ils verront mon film, cela ne fera qu’alimenter leur théorie du complot.
On est stupéfait par l’entraînement de la police de Montréal aux interventions d’urgence auprès des femmes battues.
Le Québec n’a pas suivi la même évolution que l’Europe. C’est une société qui est longtemps restée figée et c’est en dix-quinze ans qu’elle a accompli l’évolution qui nous a pris un demi-siècle. On a appelé cela la « Révolution tranquille ». Du coup, nombre d’hommes se sont réveillés avec la gueule de bois en se demandant ce qui se passait tout autour d’eux. Aujourd’hui, beaucoup de gens ont compris l’importance du phénomène de la violence conjugale, surtout dans une société où les armes circulent facilement. C’est pour cela que l’institution policière est consciente que sa mission est essentielle : dans une ville comme Montréal, 30% des appels sont liés à des violences conjugales. La police va jusqu’à interdire aux hommes de retourner chez eux et d’approcher leur femme. Il y a donc une chape qui s’est imposée à la société pour dire : « la violence conjugale, ça suffit ! » Et c’est précisément cette volonté-là que les masculinistes contestent. Selon eux, la violence conjugale est d’ordre privé…
L’intrusion de la force publique dans la sphère privée leur fait dire : « le féminisme est une sorte de nazisme ou de stalinisme » et parlent de « fémifascisme, féminazisme, vaginocratie… ».
Au Québec, selon eux, « on n’a plus le droit d’être un homme », c’est à dire concrètement, on n’a plus le droit de battre sa femme tranquillement…
On est aussi frappé de voir qu’il existe énormément de centres d’hébergement au Québec.
Ces centres manquent cruellement en France ou en Belgique. On s’est rendu compte que chez nous, les femmes victimes de violences ne savent souvent pas où se réfugier car il existe trop peu de structures d’accueil. Du coup, on a vu des femmes retourner chez elles auprès de leur agresseur. Il arrive même que la police leur conseille de rentrer chez elles… Il y a donc une différence énorme avec le Québec où les femmes sont prises en charge en cas de violence conjugale. Et où la mentalité a beaucoup évolué grâce à ces ressources.
Ce qui est rassurant – si l’on peut dire –, c’est que les centres québécois sont remplis de jeunes femmes. Cela signifie que les femmes n’attendent plus vingt ou trente ans de calvaire pour agir. C’est un grand progrès.
Mais chez nous on entend encore des femmes dire : « mon mari a voulu me frapper avec une hache, j’ai appelé la police et ils l’ont laissé repartir avec les clefs de la maison. » La violence conjugale reste dans les esprits quelque chose de privé.
Comment s’est passé le montage ?
On est parti de plus d’une centaine d’heures de rushes, ce qui m’arrive souvent puisque je n’utilise pas de personnage récurrent dans mes documentaires. J’ai eu la chance de travailler avec le monteur Fabrice Rouaud qui collabore essentiellement à des films de fiction et qui, du coup, a un autre regard de cinéma sur les rushes. On a travaillé par écrémages successifs : je n’ai pas de mal à éliminer de la matière. Paradoxalement, c’est même plutôt moi qui avais tendance à supprimer des éléments et Fabrice Rouaud qui essayait de m’en dissuader.
Le montage final ressemble-t-il à votre projet initial ?
Au départ, on souhaitait démarrer sur le massacre de l’Ecole Polytechnique : pourquoi un homme décide-t-il d’aller dans une université pour n’y tuer que des femmes ? Mais on s’est dit que si on commençait par une séquence aussi violente, on aurait ensuite du mal à évoquer les jouets ou les livres pour enfants, et encore plus à monter une scène drôle. Du coup, on a opté pour un montage inverse, en partant de sujets légers pour nous rapprocher progressivement d’événements plus sombres à travers tout le contiuum de la domination masculine.
Comment avez-vous eu l’idée du « mur de phallus » ?
Je me suis rendu compte que dans nos sociétés, nous étions environnés de ces symboles du pouvoir masculin. Par exemples, les plots anti-stationnement qu’on installe sur les trottoirs pour empêcher les voitures de se garer sont très phalliques. Cela signifie que l’homme a toujours besoin d’afficher partout le symbole de son pouvoir.
Pour le plan final avec toutes les images, je dois avouer que ce n’est pas mon idée, mais celle de Pierrette Ominetti (qui dirige l’unité Documentaires chez Arte) et qui a amicalement regardé le film en montage.
Qu’est ce que vous espérez avec ce film ?
Je pense qu’un film est le produit d’une époque et non l’inverse. On ne bouleverse pas la structure sociale avec un livre ou un film. Sans quoi Beauvoir ou Foucauld l’auraient fait avant moi et bien mieux.
J’espère donc provoquer le débat, le questionnement évidemment. Je m’adresse à des spectateurs qui n’ont sans doute pas conscience qu’ils jouent au quotidien des rapports de domination masculine. Je rêve de les faire douter. Hommes comme femmes.
Mais un film est surtout un besoin personnel de dire quelque chose.
Chacun en fera ensuite ce qu’il voudra…