Belle soirée de lecture théâtrale et littéraire le 29/10/2015 à Tropiques-Atrium.
Les intempéries et les travaux en cours sur la terrasse du bâtiment avaient déplacé la lecture dans la « Case à vent » pleine à craquer d’un public de tout âge, plutôt féminin, attentif et passioné, « professionnels » et amateurs confondus.
Énigme du théâtre ? Magie de la mise en scène ? Miracle de l’interprétation ? le texte de Laura Clerc déjà mis en scène avec réussite dans « Embouteillages » au lycée Schoelcher et présenté cette fois dans une lecture en demi-teinte ouvrait la soirée.
« Je me souviens des chèvres »de Marie-Thérèse Picard, un superbe texte qui « parle des guerres, comme des situations de crise où héros et bourreaux se confondent, partageant la bravoure et la violence. » nous a fait toucher du doigt ce que pourrait être le théâtre radiophonique en Martinique. Texte poignant, bouleversant, poétique refusant tout manichéisme l’auteure l’a construit à partir d’un événement familial : sa grand-mère à la veille de sa mort lui raconte que pendant la Seconde Guerre mondiale, elle avait été dénoncée par son propre mari, bien plus âgé qu’elle pour avoir nourri des résistants. Elle s’était retrouvée sous la garde d’un soldat le nez face à un mur. La vie du village défile avec ses petitesses, ses arrangements avec les circonstances, mais aussi ses actes de bravoures et la figure d’une mère incontournable, aimante faute d’être aimable et qui déverse ses sentences définitives sur la gente masculine pas très reluisante au demeurant.
Et ce n’est pas « Port d’âmes » d’Ariel Bloesch, « Une version antillaise de Macbeth où les trois fils du roi, rebaptisés Ti Mac, Mic Mac et Grand Mac se battent pour se partager le pouvoir à la mort du père. » qui rehaussera l’image de ces messieurs. La bouffonnerie le dispute au pathétique dans cette tropicalisation shakespearienne. C’est le talent de l’auteure de nous faire rire, volontairement, avec son regard distancié, amusé et critique dans une transposition de ce qui était à l’origine une tragédie.
C’est en effet le fil d’Ariane de cette soirée « Autour d’Écritures Féminines » que de laisser entrevoir une sensibilité autre, un rapport au pouvoir différent, loin de la logique de « monstration » masculine.
Bernard Lagier, président d’ETC Caraïbes et maître de cérémonie, après un échange avec le public modéré par Faubert Bolivar (Le Fambeau) a clos la soirée en remettant le Prix du meilleur texte francophone ETC Caraïbe et Beaumarchais concours 2015 à Alfred ALEXANDRE (Martinique) pour son texte “Le patron”. Hassane Kouyaté a promis une prochaine lecture publique du texte et peut-être une mise en scène. A suivre…
Fort-de-France le 30/10/2015,
M’A
Mise en lecture de José Exélis avec les comédiens: Patrice Le Namouric, Daniely Francisque, Yna Boulangé, Fabienne Pécome, Rudy Silaire et Maurice Mayen.