— Par Rodolf Etienne —
Charte européenne des langues régionales : une application concrète!
Adoptée en 1992 sous l’égide du Conseil de l’Europe, la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires prévoit la protection et la promotion des langues régionales et minoritaires historiques.
La Charte européenne des langues régionales et minoritaires a toujours été claire sur ces objectifs. D’emblée, elle s’est affirmée par son souci de maintenir et de développer les traditions et le patrimoine culturels européens et par son respect du droit imprescriptible, universellement reconnu de pratiquer une langue régionale ou minoritaire dans la vie privée et publique : enseignement, justice, autorités administratives et services publics, médias, activités et équipements culturels, vie économique et sociale, échanges transfrontaliers. Une Charte donc qui a une résonnance toute particulière pour nos cultures composites, régionales et minoritaires. Entrée en vigueur le 1er mars 1998, cette Charte fut ratifiée par 25 États, dont la France qui la signa en 1999. Seulement, depuis, rien, ou si peu. Tant et si bien, qu’en France, la dite Charte n’a toujours pas été ratifié. La France qui, pour le coup, se retrouve confuse derrière sa propre Constitution et amalgamée dans un vibrant dilemme d’interprétation.
Une promesse de François Hollande
Le président Hollande, lors de sa campagne de 2012 s’était engagé à ratifier la charte. Ainsi, en juin dernier, Jean-Jacques Urvoas, le député socialiste, annonçait que le président appelait à l’élaboration d’un projet de loi constitutionnelle visant à la ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires. Un vœu qui, quelques mois plus tard, s’avérerait pieu, la Commission des lois du Sénat rejetant le projet tel que soumis, renvoyant par là-même aux calendes grecques les espoirs d’une ratification immédiate. Mais en son temps déjà, Jacques Chirac, alors président, avait lui aussi soumis la question, cette fois, pour une première étape, à l’analyse du Conseil constitutionnel, afin de mesurer l’écart entre les prérogatives de la Charte et la Constitution française. Le Conseil avait alors jugé la Charte irrecevable en l’état de la Constitution. Le débat public avait ainsi été clos. Selon le Conseil, en reconnaissant des droits spécifiques à des groupes particuliers (les locuteurs de langues régionales ou minoritaires), l’Etat rompait de fait l’égalité devant la loi et remettait en cause le principe d’unicité. D’autant que la Constitution ne reconnaît, elle, en l’état, qu’une seule et même langue officielle au sein de toute la République : le français.
L’espoir, toujours l’espoir…
L’espoir pouvait tout de même planer sur une avancée conséquente, surtout lorsqu’on lit ces extraits du rapport des ministres du 31 juillet dernier : « Conformément aux articles 1 et 2 de la Constitution, la République est indivisible et sa langue est le français. Ces principes interdisent qu’il soit reconnu des droits propres à certaines communautés, distinctes du corps national. En revanche, ces principes n’interdisent pas de faire vivre le patrimoine culturel, et donc linguistique de la France, et consacre déjà l’appartenance au patrimoine national ». Un point pour la Charte. Mais, c’est sur le fond que le dilemme a une fois de plus porté. Il y avait encore faille et c’est ce qu’ont dû penser les membres de la Commission des lois au Sénat, en dépit du fait que le projet de loi prévoyait le rajout de l’article 53-3, autorisant la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Certainement pas assez. Il est donc maintenant clair qu’une révision de la Constitution sera nécessaire pour que ces arguments, pertinentes, certes, puissent convaincre. Pour l’heure, il faudra encore attendre. Une retenue qui portera certainement un coup franc à l’avancée du débat autour des langues régionales et minoritaires au niveau de l’Hexagone. Pour autant, il y a bon espoir, nonobstant, puisque, comme le précisait encore le rapport du conseil des ministres : « La ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires et la souscription de 39 engagements prévus par la Charte permettront de faire vivre, dans la République, la richesse linguistique et le patrimoine culturel de la France ». Gageons que la République s’ouvre, peut-être par un changement de sa constitution, à la diversité linguistique de son patrimoine national et gageons de même qu’elle y gagnera, en définitive.
Rodolf Etienne
Pour lire
La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Un commentaire analytique.
(Photo 2)
Le commentaire analytique de la charte, fait par Jean-Marie Woehrling, un des plus grands experts européens en matière de langues régionales ou minoritaires, répond à l’exigence d’une analyse détaillée et sérieuse de nature à éclairer la portée concrète des dispositions de la charte. Ce commentaire article par article, le premier de ce genre en ce qui concerne la charte s’adresse à de nombreux acteurs : spécialistes en langues régionales ou minoritaires, pouvoirs publics, organisations et associations, mais aussi grand public et médias.
La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Un commentaire analytique. Jean-Marie Woehrling. Conseil de l’Europe. 2005. Prix éditeur : 10 euros. Plus d’infos : www.coe.in.
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