Arthur H fête ses 25 ans de musique en sortant un coffret regroupant toutes ses créations musicales. Il se produira au Grand Rex, à Paris, le 4 novembre et sera en tournée jusqu’en avril 2016. L’occasion d’apprécier l’éclectisme du chanteur à la voix caverneuse.
HD. Comment vous sentez-vous à l’ère du numérique, vous qui concevez les disques comme une histoire ?
ARTHUR H. Je conçois toujours mes disques comme un film, avec un début, un milieu et une fin. J’ai toujours envie de produire quelque chose qui prend du temps. L’objet permettait de se concentrer sur un bout de quelque chose, de l’étudier avec attention. Avec le streaming, on a accès à tout ; du coup, on n’a accès à rien. Le but du système est de produire des êtres totalement décentrés pour leur faire faire n’importe quoi. Cela participe de ce système de dépersonnalisation. Notre travail a beaucoup perdu de sa valeur. On a beaucoup moins de moyens qu’avant au niveau du temps et de l’argent. Tout est compressé, les gens sont précarisés. Ce système qui fabrique de la peur ne peut pas amener de la qualité. Cette équation ne peut pas marcher. Ce constat n’est pas pessimiste. Il est juste réaliste.
HD. Comment votre vision de la musique a-t-elle évolué au cours de ces 25 ans ?
ARTHUR H. On part d’une forme d’ignorance et de spontanéité qui fait qu’on est complètement libre. Après, on se prend des portes dans la figure. On apprend durement par les erreurs. On devient un peu amer et blasé, puis on retrouve cette forme d’ignorance et de spontanéité on appelle cela l’expérience. Parfois, je retrouve cette spontanéité du départ. On est malgré nous dans une forme d’éternel recommencement. Comme le sexe ou l’amour, la musique échappe à toute définition. C’est une façon d’être inexplicable. On ne peut que le ressentir.
HD. Vous avez décloisonné les genres…
ARTHUR H. À tort ou à raison, je me ressens comme un inadapté à cette société. Je ne suis ni un artiste du passé ni complètement du présent. Je me vois comme un artiste du futur, c’est-à-dire d’une chanson française totalement ouverte, utilisant plein de musiques sans être en adéquation avec l’époque. Ce n’est pas l’idée d’être en avance mais en décalage temporel.
HD. Vos 25 ans de musique coïncident avec la mondialisation. Ne l’avez-vous pas intégrée en refusant l’idée d’une chanson franco-française ?
ARTHUR H. C’est toute la pensée d’Édouard Glissant. Cette mondialisation extrêmement riche, souterraine et parallèle ne concerne que les êtres, pas les systèmes. Le système est obsolète, coincé, corrompu. Les êtres sont en avance, inventent leur vie, la société, leur monde. On aura beau avoir un Front national très puissant en France, il ne peut pas empêcher de tisser des liens très novateurs pour la pensée. La société est tellement lente, rigide, conformiste qu’elle ne peut pas aller aussi vite que les rêveurs, les inventeurs. Je ne pense pas seulement aux grands poètes, aux grands philosophes, mais aux gens qui font des choses par eux-mêmes à un niveau extrêmement basique. C’est ma façon de faire de la politique à un niveau vraiment personnel, humain et pas systémique ou sociétal. La France franco-française a un jour existé. Elle était belle par certains aspects, mais aujourd’hui, elle est totalement dévitalisée. Les choses franco-françaises manquent terriblement d’énergie, de vision, d’intérêt. Elles sont tout de suite très ennuyeuses. Le futur de la France est clairement brésilien. La France s’est toujours régénérée par l’étranger avec tous les artistes venus habiter en France comme Stravinsky ou Picasso, pour ne parler que des plus célèbres. Mais aussi avec toutes les populations immigrées européennes, africaines ou asiatiques qui ont régénéré tout le tissu de la société. La France sera toujours une terre d’immigration, de brassages, d’échanges. Cela se traduit dans la musique, qui est aussi un miroir de la société. La valse musette, qu’on peut définir comme quelque chose de très français, vient d’un mélange entre les Auvergnats et les Italiens. C’est bâtard, alors que c’est francofrançais. À part avec quelques classiques comme « À la claire fontaine », dans la musique, l’identité française n’existe pas.
HD. 25 ans, cela signe aussi une oeuvre ?
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« Mouvement perpétuel », l’intégrale de l’oeuvre musicale d’arthur H, coffret de 18 disques incluant 3 disques inédits et un livret de 38 pages. polydor. (69,99 euros). « soleil DeDaNs », réédition, album remastérisé avec en bonus un disque live enregistré pendant la tournée. polydor. (15,99 euros).