Angus Deaton, le «Nobel» d’économie a démontré en 2010 que l’argent fait le bonheur… jusqu’à 75.000 dollars par foyer et par an.
Pour le nouveau «Nobel» d’économie, l’argent fait le bonheur…mais pas au-delà de 75.000 dollars bruts (environ 66.000 euros) par foyer et par an. «Peut-être que 75.000 dollars est un seuil au-delà duquel des hausses de revenus n’améliorent plus la capacité des individus à faire ce qui compte le plus pour leur bien-être émotionnel, comme de passer du temps avec ceux qui leur sont chers, éviter la douleur et la maladie, et profiter de leurs loisirs», rapportaient Angus Deaton et le prix Nobel d’Économie 2002, l’Américano-israëlien Daniel Kahneman. Pour obtenir cette conclusion, les deux experts se sont appuyés sur un sondage de l’institut américain Gallup-Healtways qui a interrogé, en 2008 et en 2009, 450.000 Américains.
Cette phrase prononcée, en 2010, avait beaucoup fait parler à l’époque. Non pas en raison de la notoriété d’Angus Deaton mais parce qu’elle intervenait en pleine crise économique grecque. Il est intéressant de constater qu’aujourd’hui que cette somme de 75.000 dollars par an (soit 6250 dollars par mois) équivaut aujourd’hui à près de 5500 euros mensuels contre près de 4900 euros en 2010. Soit une hausse de plus de 12%, dûe à la forte appréciation du dollar face à l’euro depuis cinq ans.
Cinq ans après cette déclaration, le nouveau prix Nobel d’économie tiendrait-il les mêmes propos? Sans doute au regard du niveau de croissance retrouvé par les États-Unis. Néanmoins, il n’est pas sûr que les Français partagent son avis. Si l’on se réfère à une étude publiée en mars dernier par la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), les personnes interrogées estimaient que le revenu mensuel qu’un individu doit disposer au minimum est de 1693 euros. Soit près de 3400 euros au minimum par couple. Par ailleurs, toujours selon la même étude, une personne est considérée comme riche lorsqu’elle perçoit au moins 5000 euros par mois.
«À court terme, seule une stabilisation de l’instabilité politique dans les zones de conflits peut résoudre cette conjoncture (inégalité des revenus, ndlr) Angus Deaton, nouveau prix Nobel d’Économie |
L’Américano-britannique dénonce, en parallèle, les inégalités de revenus dans le monde. «À court terme, seule une stabilisation de l’instabilité politique dans les zones de conflits peut résoudre cette conjoncture (inégalité des revenus, ndlr)», a-t-il déclaré dans une interview donnée à la Fondation Nobel ce lundi. Autrement dit, tant que les dirigeants politiques n’auront pas réglé les conflits géopolitiques, la crise des réfugiés en tête, les inégalités de revenus ne seront pas résolus. Comme souvent lorsqu’un économiste reçoit un prix Nobel, on peut se demander s’il sera entendu et si ses idées seront appliquées. Les questions restent en suspens mais il est intéressant de noter que cette récompense intervient à un moment où la thématique des inégalités de revenus représente de plus en plus une menace pour le monde.
Dans son ouvrage Capital aux XXIe siècle, l’économiste Thomas Piketty , dénonce l’enrichissement des 1% les plus riches depuis les Trente Glorieuses au détriment des plus pauvres. En 2016, ils détiendront même plus de la moitié du patrimoine mondial, selon un rapport de l’ONG Oxfam. Même la directrice générale du Fonds monétaire internationale, Christine Lagarde, dans l’émission de France 2 «Lenglet éco» de février dernier, a reconnu que «la hausse des inégalités est nuisible à la croissance».
En attendant des avancées réelles sur la question de l’inégalité des revenus, le Forum économique de Davos, qui réunit chaque année des milliers d’experts économiques, a placé en tête des risques pour l’économie mondiale…l’inégalité des revenus en 2012, 2013 et 2014.