Par Nathalie Blu-Perou
Chroniqueuse société
— Entrer dans Notre-Dame de Paris seins nus, était-ce le happening de trop pour les Femen ? C’est ce que semble dire les nombreuses réactions offusquées qui ont suivi l’événement. Autrefois symbole de liberté, le groupe d’action d’origine ukrainienne n’est plus en odeur de sainteté. Une mise au pilori qui choque notre contributrice.
Vade retro, Satanas. Les Femen ne sont décidément plus en odeur de sainteté. Ce groupuscule féministe d’origine ukrainienne, connu pour ses actions basées sur la provocation et le plus souvent illégales aurait, semble-t-il, inventé à lui seul, le 8e péché capital.
Quel fait est à l’origine de ce drame ? Un happening « topless », organisé en la cathédrale Notre-Dame de Paris, et qui a provoqué cette avalanche de réactions outrées, au sein de la bien-pensance de droite comme de gauche.
Des causes trop diverses
De façon générale, j’éprouve une certaine méfiance vis à vis des groupes de féministes radicales et agressives qui, tirant trop la couverture médiatique à elles, prennent la parole des autres femmes en otage, et imposent ipso facto (et parfois manu militari) leur propre conception du féminisme. Je l’avais d’ailleurs formulé dans ce billet. Un déferlement de commentaires rageux m’avait alors enseigné que, même à notre époque, on ne balance pas une volée de bois vert dans le bûcher des féministes sans se prendre un juste retour de flammes.
Pour ce qui est des Femen en particulier, je ne partage pas la totalité des revendications de ce groupe qui ouvre, à mon goût, un éventail de « compétences » trop large pour être efficace (le champ d’action des Femen porte non-exhaustivement sur la promotion de la démocratie, de la liberté de la presse, des droits des femmes, de la protection de l’environnement, et milite contre la corruption, la prostitution, le tourisme sexuel, le sexisme, la violence conjugale, le racisme, la pauvreté, les religions). Il me semble qu’à trop vouloir diversifier ses causes, on finit par se disperser et au final moins bien les servir.
Montrer ses seins, un non-sens
Je ne suis pas non plus particulièrement adepte de leur principale méthode de sensibilisation : le sein nu. Je persiste à croire que montrer ses seins en guise d’action militante est un non-sens. Ces femmes ne veulent pas être « chosifiées » et luttent pour que leur corps ne soit pas « objetisé », mais instrumentalisent pourtant ce dernier, en se servant de leur nudité comme d’une arme revendicative.
Mais il faut bien reconnaître que les médias obéissent à des codes et que les Femen en ont parfaitement compris les rouages : pour se faire entendre, il faut provoquer, faire un coup d’éclat. Et il semblerait qu’une formule paradoxale toute bête fasse particulièrement mouche auprès des journalistes : « découvrir ses nichons = couverture médiatique assurée ».
Alors à qui faut-il jeter la pierre en premier ? À celles qui profitent d’un système ou à ceux qui créent le système ?
Mais pourquoi ce déchaînement ?
Je ne comprends pas bien ce véritable séïsme de protestations et même d’injures dont les Femen font aujourd’hui l’objet. Comme le souligne Caroline Fourest dans son billet intitulé « les Femen et les vierges effarouchée », en investissant une église (lieu sensé être ouvert à tous, faut-il le rappeler) seins nus, les féministes n’ont pas commis un attentat.
Il n’y a eu ni mort d’homme, ni dégradation matérielle d’un patrimoine religieux et historique. Les Femen avaient d’ailleurs pris soin d’entourer le bout de leurs marteaux de mousses protectrices, pour ne pas abîmer les cloches sacrées qu’elles ont eu l’impénitence de faire retentir.
Certains s’offusquent et crient au blasphème. Mais qu’ils nous disent où se situe, selon eux, exactement, le caractère blasphématoire de l’action menée par les Femen. Dans l’ostentation de leur poitrine ? Dans le contenu jugé agressif de leurs slogans ? « Pope no more », « bye bye Benoit », « no homophobe », « crise de la foi » (soit dit en passant, les pancartes brandies à l’occasion d’autres récentes manifestations en contenaient de bien pires…).
Par ailleurs, lorsque, dernièrement, Charlie Hebdo a caricaturé Mahomet, de nombreuses personnalités politiques et figures du monde des médias n’ont-elles pas soutenu le journal – au nom de la liberté d’expression – réfutant en bloc un quelconque caractère offensant ou blasphématoire à l’endroit des islamistes ? La même attitude de soutien total n’a-t-elle pas été adoptée envers les Pussy Riots, lorsqu’en août 2012, les trois jeunes femmes étaient montées sur l’autel de la cathédrale orthodoxe du Christ-Sauveur à Moscou, pour une « prière punk » invitant la Vierge Marie à chasser du pouvoir le président Vladimir Poutine ?
L’inteligencia française ne tolèrerait-elle que les blasphèmes perpétrés à l’encontre d’autres religions que la sienne et/ou en dehors de ses frontières ?
Lire la suite sur le NouvelObs