— Par Max Pierre-Fanfan Journaliste/Réalisateur/Écrivain —
Un vent « d’afro-optimisme » a soufflé lors de la 3ème conférence internationale sur le financement du développement qui s’est tenue, du 13 juillet au 16 juillet 2015 à Addis-Abeba en Éthiopie.
Cette conférence s’est achevée par l’adoption d’un vaste plan d’action destiné à financer les 17 objectifs de développement durable (ODD) qui doivent être entérinés lors du sommet de New-York en septembre et qui s’achèvera à la conférence de Paris sur le climat en décembre 2015.Dans un document officiel, les 193 états membres de l’organisation des Nations Unies ont convenu d’établir un forum mondial pour les infrastructures afin d’identifier et de combler les lacunes dans ce domaine et de veiller à ce que les projets soient écologiquement, socialement, économiquement durables. Ils se sont réengagés à consacrer 0,7% de leur revenu national brut (RNB) pour leur aide publique au développement(APD). L’union européenne promet d’accroître son aide au pays les moins avancés à 0,2%du RNB d’ici à 2030.Un accord a également été trouvé concernant la mobilisation des ressources fiscales des pays en développement. Cet accord prévoit une série de mesures qui vise à élargir la base des recettes, à améliorer la collecte des impôts et à lutter contre la fraude fiscale et les flux financiers illicites. l’Afrique se positionne aujourd’hui dans une nouvelle dynamique…Les bailleurs de fonds ne s’y trompent pas. Selon le cabinet Mc Kinsey, 25 des 54 pays africains auraient une croissance supérieure à 5% jusqu’ en 2025 dont le Nigéria, l’Afrique du sud, l’Angola, le Maroc, le Soudan…Cette croissance n’est pas uniquement tirée par les matières premières mais aussi par la consommation. Il existe une classe moyenne forte de 300 millions d’individus qui a les moyens de consommer. D’après le cabinet d’études Ernst § Young les dépenses de consommation ont représenté l’équivalent de 680 milliards en 2008 et devraient atteindre 2200 milliards en 2030.
LA PAUVRETÉ RECULE
Aujourd’hui, 46% de la population de ce continent(1,2 milliards d’habitants) vit au-dessous du seuil de pauvreté contre 60% au début des années 2000. Le livre de l’agronome René Dumont(le premier candidat écologiste à l’élection présidentielle en 1974), « l’Afrique noire est mal partie » soutenait que les anciennes colonies qui venaient de prendre leur indépendance avaient pris la mauvaise route. Les faits lui avaient donné en grande partie raison. Guerres et famines ont déchiré le continent et condamnent encore des milliers de personnes à l’exil. Malgré tout, l’Afrique change… »La pauvreté tombe bien plus vite que vous ne le pensez » affirme Xavier-I-Martin, professeur à Columbia (N-Y)Cet économiste avait fait sensation il y a quelques années en démontrant un fort recul de la pauvreté en Afrique subsaharienne. Ce continent attire toujours les convoitises. D’aucuns pensent que c’est maintenant qu’il faut investir en Afrique, « dans quinze ans, il sera trop tard », estime Etienne Giros, président délégué du conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN).Les chinois quant à eux ont déjà entendu le message au point de devenir le premier partenaire commercial du continent. La part de marché de la Chine est passée de moins de 2% en 1990 à 16% en 2011. Pékin a investi dans les années 2000 à un moment où les autres pays se sont détournés de ce continent », constate Roland Marchal chargé de recherche au CNRS. « Ils ont regardé l’ Afrique travailleuse et non celle de la misère.
« Leur arrivée a redonné des espoirs de croissance à ce continent », ajoute-t-il. Selon un rapport rendu au ministère français de l’économie, en décembre 2013, la part de la France a chuté de 10% en 2000 à 4,7% en 2011. Cela dit, ces statistiques ne prennent pas en compte une spécificité des entreprises françaises, leur implantation. Le groupe Bolloré gère, par exemple, 14 ports en Afrique, contre un seul il y a 15 ans. La France continue d’investir dans les services, l’industrie agro-alimentaire, la gestion des villes. Sur les projets d’infrastructures la concurrence chinoise est notable. Les chinois proposent des projets moins coûteux. Afin d’éviter tout affrontement, Paris a changé de stratégie. Lors de la visite du premier ministre chinois en France, fin juin 2015,les deux capitales ont signé un accord de coopération destiné à unir leurs forces. Les premiers apporteront leur savoir-faire, les seconds leurs financements. D’autres acteurs sont entrés en concurrence avec les traditionnelles puissances déjà présentes; ce sont des pays émergents comme l’Inde et la Turquie. Autre secteur d’activité en plein développement, le numérique… L’internet mobile s’y développe à grande vitesse. Le Kenya est devenu le pays au monde où les paiements par téléphone mobile sont les plus développés.
ENDIGUER LES FLUX MIGRATOIRES
Cette révolution numérique mobilise des entrepreneurs africains tels Vérone Mankou, surnommé le « Steve Jobs congolais ». Jeune pionnier de cette Afrique désormais en marche. Une sorte de génie dus ecteur des télécoms dans son pays. Président fondateur de la société congolaise VMK créée en 2009, il est aussi le père de la première tablette africaine, »Elikia » (espoir en Lingala, la langue nationale du Congo), mise sur le marché fin 2012 et de, »l’Elikia Mokè », un portable polyvalent, plus usuel sorti en septembre 2013 et déjà le plus achetédu Congo. Des produits qui soulignent son grand dessein :mettre à la disposition du plus grand nombre d’Africains des outils de communication de qualité capables de rivaliser avec les grandes marques, mais à un prix plus abordable. Autre signe d’avancée sur ce continent, l’industrialisation…Tous les grands constructeurs automobiles investissent…Au Nigéria, la première puissance économique du continent, anticipant un décollage du marché, Volkswagen s’apprête à y assembler ses « Passat ». Renault va y fabriquer des » Duster ». Une source d’emplois en perspective. « Nous devons en profiter, nous les Africains, pour accroître la formation de nos jeunes, les compétences professionnelles de notre population active.
Les Africains doivent imposer également leurs standards et exiger que des emplois soient créés dans leurs pays »,défend, haut et fort, Jacqueline Mugo, présidente de l’organisation « Business Africa ». Ce continent devrait profiter, après leur fuite, du « retour des cerveaux » dans leurs pays afin de faire partager le fruit de leurs compétences et de leurs expériences. Ainsi, cette croissance s’appuie sur plusieurs moteurs et non plus uniquement sur le soutien financier d’organismes internationaux…Face à ce constat, le président de la Fondation Energies pour l’Afrique, Jean-Louis Borloo reconnaît que l’avenir de l’Europe se joue en Afrique, « si le continent était électrifié cela permettrait de stabiliser cette croissance qui est déjà de plus de 5%, et d’endiguer les flux migratoires ».L ‘accès universel à l’électricité devrait se faire concomitamment avec le développement des énergies renouvelables. les pays africains éviteraient ainsi une croissance basée principalement sur les seules énergies fossiles et parviendraient à réduire notablement la pauvreté.
LA RELANCE SE FERA PAR LE VENT QUI D’AFRIQUEVIENT
Parmi les autres défis que l’Afrique doit relever; citons entre autres: la démographie, la population de ce continent doublera en 2050 soit 2,4milliardsd’habitants; la corruption qui gangrène tous lessecteurs de l’économie et de la société africaine: le commerce, l’administration, la justice, l’éducation, la santé. L’ONG, » Global Financial Integrity révèle qu’en 2011pas moins de 946 milliards de dollars ont été détournés en Afrique. « L’association Sherpa » et l’ONG « Transparency international » sont à l’origine de la plainte qui a abouti à une enquête sur les « biens-mal acquis », ces mouvements financiers suspects concernant l’entourage de certains chefs d’Etats africains (Ali Bongo du Gabon, Téodoro Obiang Guema de la Guinée équatoriale, Denis Sassou-Nguesso du Congo). Autre sujet sensible et préoccupant, la sécurité et la stabilité dans la bande sahélo-saharienne et dans certains pays du continent noir où des groupes terroristes sèment la terreur: les islamistes Shebabs au Kenya, les salafistes dans le nord du Mali, le Mouvement d’unité pour le jihad en Afrique de l’ouest (MUJAO), Boko Haram au Nigéria. La croissance sera durable et soutenue à condition que ce continent soit maître de son destin et sedépartisse de certaines pratiques récurrentes telles:le pillage de ses ressources naturelles, qui doivent être payées à leur juste valeur; les violations caractérisées des droits de l’homme et des principes démocratiques; les prurits de la « Françafrique »…Que l’Afrique s’affranchisse de toute forme de néocolonialisme; alors, oui, comme le prédisait Aimé Césaire, la relance se fera par le vent qui d’Afrique vient.
Max Pierre-Fanfan Journaliste/Réalisateur/Ecrivain