— Par Alexis Campion —
Alors qu’il fête ses 50 ans, ce « hors-festival » est devenu un marché international du spectacle vivant.
« Notre ténacité a payé! Le Off est enfin reconnu pour ce qu’il est, non pas une foire livrée aux appétits de producteurs sans foi ni loi, mais un marché international du spectacle vivant, le seul de notre pays. » Pour le comédien Greg Germain, président du Off d’Avignon depuis six ans, ça y est, « la révolution copernicienne » du plus grand festival dédié au théâtre s’opère. Plus question d’opposer, tels deux frères ennemis, l’honorable In soutenu par l’État et le tonitruant Off qui croît inexorablement sans subvention et bombarde chaque été la Cité des papes de ses milliards d’affiches bariolées. L’utilité publique de la manifestation, qui cette année mobilise 127 lieux en majorité intra-muros (théâtres, chapelles, garages…), programme 1.336 spectacles dont 126 venus de l’étranger, se voit enfin admise par les responsables politiques.
L’ignorance de l’État
Cet été 2015, celui de sa 50e édition, le Off n’aura jamais vu autant d’entre eux défiler dans son « village » : Ségolène Royal, Karine Berger, NKM, Bruno Le Maire, Claude Bartolone, Najat Vallaud-Belkacem… Sans oublier la ministre de la Culture, Fleur Pellerin, « une personnalité atypique et peut-être mieux à même de comprendre ce que nous sommes », note Greg Germain. « On s’est promis de se revoir. » Une grande nouvelle sachant que, depuis des décennies, l’État ignore souverainement le Off. Voire en méprise les usages comme le salissant tractage. « Tant pis pour ceux qui n’y voient que de l’enthousiasme puéril, dit Greg Germain, mais passer un tract, c’est faire de la médiation culturelle! » Bref, l’État semble enfin comprendre ce que les artistes et le public ont intégré depuis des lustres : le In et le Off sont complémentaires.
Le Off abrite parfois le pire
Il n’empêche – et Greg Germain l’admet –, juste à côté de ses théâtres de référence quidénichent des splendeurs (GiraSole, les Halles, le Roi René, la Luna…), le Off abrite parfois « du mauvais, voire du très mauvais… Sauf que c’est le reflet du monde….
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Les envahisseurs
Né en 1966 sous l’impulsion d’André Benedetto qui, en plein festival officiel, créa sa pièce Statues sans en référer à Jean Vilar, le Off d’Avignon fête cette année sa 50e édition. Vilar, décédé en 1971, ne voyait pas d’un bon œil ce « hors-festival », qui, dès l’année suivante, attira d’autres compagnies. « Il les appelait « les envahisseurs », il leur reprochait de perturber un climat de concentration et de sélection appréciables », se souvient son ami Jorge Lavelli, qui, entre 1967 et 1993, a présenté une dizaine de spectacles dans le In. Cet été, à 83 ans, le metteur en scène d’origine argentine s’est invité dans le Off… De même Daniel Mesguich. Mieux structuré à partir de 1982, par Alain Léonard qui créa la « carte Avignon Public Off », le Off explose et passe d’une petite cinquantaine de spectacles à plusieurs centaines au fil des années 1980 et 1990. Greg Germain prend la suite de Benedetto en 2009 et lui donne un lieu : le « Village », créé en 2010. « Cela nous a donné un visage ; maintenant, il faut que nous précisions notre histoire. » Depuis deux ans, il développe donc les éditions du Off qui donnent leur chance à cinq pièces inédites, ainsi qu’une « Web TV officielle ». Productrice d’une multitude de reportages, interviews et blogs critiques accessibles en ligne, cette véritable « chaîne du Off » a pour ambition de couvrir près de 300 des 1.336 spectacles programmés. Al.C.