–Par Roland Sabra–
Bérard Bourdon nous a quitté. Il était le créateur d’une des plus anciennes structures théâtrales de la Martinique le POUTY I PA TÉYAT dont les activités, outre la production de spectacles concernent aussi bien la formation d’acteurs que celle des intervenants en milieu scolaire ou en animations de quartier. Jeune adolescent il découvre le théâtre à la radio, se rend dans un atelier théâtre de la rue Mouffetard par très loin de chez lui et il découvre un immense bonheur qui ne le quittera plus : celui d’être en scène. Après des études d’art du théâtre, Cours Charles Dullin au Théâtre National populaire ( 1964-1967), il complète sa formation à l’Institut d’Études Théâtrales, à la Faculté de Lettres de Censier(1968-1970) et comme comédien professionnel il travaille avec différentes troupes. De retour en Martinique en 1972, Michel Philippe chargé de mission pour la création du CMAC l’engage comme assistant. Dès 1974, l’animation théâtrale du CMAC ( Centre Martiniquais d’Animation Culturelle à l’époque, le terme d’Action ne fera son apparition que plus tard) se confond avec ses activités multiformes dont celles de metteur en scène. Le gros problème de l’époque, mais est-il résolu, était celui de la formation des acteurs. Bérard Bourdon participe activement à la création d’Ateliers tant au SERMAC qu’au CMAC. Parallèlement à ces activités fondamentales de formation il poursuit son propre chemin et monte en en 1980 « Les fusils de la mère Carrar » de Berthold Bretch. Si à partir de 1986, son travail de metteur en scène tend à privilégier davantage le théâtre caribéen il refuse tout repli identitaire « Je n’ai aucune envie d’un ghetto culturel » déclare-t-il à Michel Dural qui l’interrogeait. Très à l’écoute de la société martiniquaise il avait un regard lucide sur les difficultés qu’y rencontrait la pratique théâtrale.
Il déplorait tout à la fois le peu d’occasion données aux troupes de présenter leurs travaux et en conséquence le peu d’aptitude des spectateurs à recevoir les spectacles. « Le public que nous voulons pourtant conquérir et fidéliser ne répond pas à notre attente. J’ai même le sentiment qu’il est moins présent. Il continue à faire la confusion entre le théâtre et ces spectacles faits d’un montage de sketchs […] dont l’objectif est de rire à n’importe quel prix, et non la qualité du specacle proposé. C’est vrai que le théâtre est une pratique culturelle relativement récente en Martinique. […] Des efforts sont faits ( mais) je ne trouve pas les résultats très probants. »
Sa passion, sa culture, sa lucidité, son intelligence théâtrales vont manquer à la Martinique
QUELQUES-UNES DE SES MISES EN SCÈNE
1980 Les fusils de la mère Carrar de Bertold BRECHT
1981 Adaptation en 1981 de L’étoile de mer, un conte brésilien interprété par des élèves d’écoles primaires de Fort-de-France
1984 Mort à deux, montage inspiré de deux pièces de Guy Foissy et de Jean-Paul Grumberg (rencontre caribéenne de théâtre, au CMAC)
1986 Mambo de Vincent PLACOLY
1988 Spectacle Son et Lumière pour le Centenaire de la ville de Saint-Joseph
1989 Man Chomil de Georges MAUVOIS
1990 Le discours du père de Guy Foissy
1992 Le médecin malgré lui de Molière
1994 L’ababa, adaptation du roman de Tony Delsham
1995 Papa Bon dieu de Louis Sapin
1996 Lecture spectacle dans le cadre de la Journée contre le sida
1998 Reprise de Mambo (150eme anniversaire de l’Abolition de l’esclavage)
1999 Assistant metteur en scène de Sud rebelle de Henri Corbin
2001 Tout jé sé jé… mé de Jeff Florentiny
2003 Fort de Joux de Daniel Seguin-Cadiche
2005 Jeunes femmes toutes couleurs cherchent arc-en-ciel désespérément de Ntozake Shange
2006 Agoulouland de Daniel Boukman
2012 Dwèt an no de Gérard Bourdon