Le choix du site d’implantation du cyclotron dans nos régions fait l’objet d’un énorme battage médiatique en Guadeloupe. En Martinique, nous n’avons pas voulu risquer d’éloigner le débat de l’essentiel : sécurité des populations, des patients, égalité des chances face au cancer, robustesse technique et financière du montage. Compte tenu d’une demande conjointe des autorités médicales des 3 régions pour que la ministre diligente des missions d’experts, nous avons préféré que ces missions se déroulent sereinement, afin que la décision soit prise sans interférences, sur des bases objectives, saines, factuelles.
Les rapports d’experts sont rendus. L’heure est venue de partager librement…
Le Tep-scanner, c’est le meilleur scanner pour le cancer. On injecte un isotope au patient qui repère les cellules cancéreuses en se fixant sur elles. C’est désormais un des pivots du choix de traitement. Après sa fabrication dans un cyclotron, ce fameux isotope, dont la durée d’action est courte, doit être acheminé en 4 heures vers le TEP scanner pour l’examen. Un cyclotron est donc nécessaire aux Antilles car le temps de vol depuis la métropole est trop long. Sans Cyclotron aux Antilles aujourd’hui, de nombreux patients partent en métropole. Leurs programmes de soins sont ainsi compliqués, retardés, c’est une perte de chance. Avec le cyclotron, nos 3 territoires auront chacun leur TEPscanner. Les autres pays de la Caraïbe pourront aussi avoir un TEP….
La Martinique étant au centre des DFA, c’est là que le projet initial a été conçu. Cependant, les grosses difficultés financières observées dès le démarrage à la Réunion (pourtant plus peuplée que la Martinique), ont montré que le modèle prévu d’un CHU portant tout seul le projet n’était pas viable. La perte de notre porteur de projet, le regretté Hervé Azaloux qui a tant donné pour la médecine nucléaire en Martinique et en Guadeloupe, a freiné l’élan…Un projet sûr et durable devait être très coopératif avec les présidences de Région, les organismes de sécurité sociale et les hôpitaux des 3 DFA. Aussi, à l’automne 2013, la Martinique réactive le projet, sollicite nos partenaires de Guadeloupe. Initialement, assentiment de tous…Une lettre aux ministres de la santé et de l’Outre-mer (Victorin Lurel) cosignée des chefs de service de Guadeloupe et de Martinique demandait qu’un cyclotron soit rapidement installé en Martinique! Le Directeur Général et la Présidente de CME du CHU de Pointe-à-Pitre donnaient le même quitus en avril 2014.
Plus forts ensemble que divisés
Il y eut ensuite un revirement de la Guadeloupe demandant l’implantation d’un baby-cyclotron sur chaque territoire. Sur ce désaccord, un arbitrage fut donc demandé unanimement à Madame Touraine.
Le baby cyclotron ? Qui assumera le risque pour la sécurité des populations et des patients de nous demander d’expérimenter la production d’éléments radioactifs dans nos zones isolées et sismiques, par un équipement qui n’existe nulle part ailleurs (2 en Europe dont un arrêté, 0 en France!)
Le cyclotron conventionnel ? C’est la sécurité de production d’isotope par des industriels (indépendants des hôpitaux) opérant depuis de très longues années dans le monde entier en toute sécurité avec des équipements éprouvés et autorisés (22 en France).
Pourquoi un seul cyclotron ? 2 voudraient dire des coûts cumulés d’investissement inutiles et une exploitation lourdement déficitaire : fuite des industriels rompus à ce métier de sécurité, gouffre financier supplémentaire pour des hôpitaux déjà fragiles ….
Y a-t-il perte de chance si le cyclotron n’est pas sur chaque territoire ? Absolument aucune : ce qui compte c’est d’avoir un TEP. L’acheminement entre iles soeurs de l’isotope vers les TEP scanners se fera selon les méthodes parfaitement paramétrées, régulées et déployées universellement, tant par voies routières qu’aériennes.
Pourquoi en Martinique ?
Pour des raisons de déserte aérienne, de temps de vol, la Guyane n’aurait pas accès aux isotopes produits en Guadeloupe et donc au TEP scanner…
La Barbade et Trinidad qui frappent à la porte du projet ne seraient pas non plus desservis! Envolé le projet de coopération le plus équitable en santé jamais proposé dans la Caraïbe.
Alors que faire ? La Martinique doit se mobiliser et avoir le soutien de tous. Se retourner d’abord vers nos amis guadeloupéens pour que sérénité revienne. Les dangers du monde actuel ne viennent pas de l’île soeur… Pour les défis de santé comme pour les autres défis, pour les menaces du 21eme siècle, nous serons plus forts ensemble que divisés. Nous devons aussi nous retourner vers l’état, vers la Ministre qui doit rendre rapidement sa décision, vers le président de la république qui vient à notre rencontre. Les rapports d’experts doivent être publiés! Pour que la décision soit acceptée de tous, elle doit être fondée sur la transparence, sur des données techniques et non politiques. Un seul objet, l’amélioration du traitement du cancer équitablement partagé dans nos régions, dans la Caraïbe.
Le Comité Médical du projet Cypag (un cyclotron pour les Antilles et la Guyane)
François Roques, Mehdi Mejdoubi, Patrick Escarmant, Régis Duvauferrier, Ciprian Draganescu, Karim Farid, Georges Baillet, Patrick René Corail, Vanessa Lopez, Clarisse Joachim, Lucien Lin
La Présidente de l’Union Régionale des Professionnels de Santé
Dr Eliane Richardson
Le Président du Conseil de l’Ordre des Médecins de la Martinique Dr Raymond Helenon