Contes de la Martinique
Christine Colombo, après avoir étudié doctement le conte créole, entreprend de démentir l’adage qui voudrait que « ce que l’on ne sait pas faire on l’enseigne! » En effet elle publie ces jours-ci un recueil de contes créoles « Ti Jean et Monsieur le roi (Ti Jan é Misié li wa) », travail de mémoire , travail de la nostaglie d’un temps qui n’est plus et qui pourtant demeure.
Elle a bien voulu répondre à quelques questions.
Roland Sabra : Comment êtes-vous venue à l’écriture?
Christine Colombo : J’ai commencé à écrire quand j’ai entrepris des études d’ethnologie à l’Université Marc Bloch, à Strasbourg. En effet, la préparation de la maîtrise exige la préparation de mémoires dans certaines UV, et un mémoire général. J’ai fait plusieurs études : un travail collectif sur une population de jeunes à Karspach, au Sud de l’Alsace, un petit mémoire sur le bananier. Le mémoire général avait pour sujet « le conte créole dans la culture martiniquaise ». Je me suis un peu éloignée du conte pour mon mémoire de DEA Traditions et changements, où j’ai étudié « Les immigrés antillais à Strasbourg », et je suis revenue au conte quand j’ai entrepris une thèse de doctorat « Ti Jean dans le conte créole martiniquais ». Les contes de ce recueil représentent la partie enquête de cette entreprise.
R.S. : Pourquoi cette forme littéraire, plutôt qu’une autre ?
C.C. : C’est un peu par hasard. En fait, au moment où je me suis inscrite en ethnologie, à l’Université Marc Bloch Sciences sociales), ce que j’espérais avant tout, c’était de mieux comprendre ma culture, son histoire ; ce désir m’était venu à la suite d’un séjour au Burkina Faso où j’ai découvert l’importance de la culture dans l’épanouissement de l’individu et certains points communs avec la Martinique. Il se trouve que le professeur encore disponible à l’UFR pour le suivi de mon mémoire enseignait la linguistique et la littérature orale, nous avons donc trouvé un compromis dans le conte créole. Il faut dire que, par rapport au conte, j’avais gardé une certaine nostalgie de mon enfance et j’espérais revivre un peu cette période à travers le conte. J’avais été surprise qu’il n’y ait plus de conteurs dans les veillées mortuaires et dans les fêtes de quartier comme par le passé, et il me plaisait de rechercher des éclaircissements.
R.S. : Comment s’est effectué le choix premier de la langue?
C.C. : J’ai recueilli ces contes en créole, car c’était pour moi l’occasion de mettre à l’écrit le créole et j’ai trouvé l’expérience de traduction amusante, tout en étant utile puisque le premier public auquel s’adressait ce travail ne pratiquait pas le créole.
Les contes de ce livre ont été recueillis directement auprès de conteurs traditionnels puis transcrits et traduits en français. L’objectif de ce travail était l’étude de Ti Jean dans le conte créole martiniquais. L’avantage de la transcription en créole, c’est que le conte ne perd rien de sa croustillance pour le créolophone, car il est évident que certaines expressions sont intraduisibles en français.
R.S. : Qu’en est-il de la place dévolue, ici et maintenant, au conte créole ?
C.C. : Le conte créole, en Martinique, était beaucoup plus pratiqué au début du siècle ; vers les années 60, il a peu à peu décliné pour resurgir à la fin du siècle dernier sous des formes plus variées. Il avait à la fois un rôle ludique et éducatif. Ludique, dans les veillées mortuaires ou vivantes, dans les fêtes, éducatif par son dénouement, parfois le conteur formule clairement la morale de l’histoire.
Aujourd’hui, en plus de ces deux fonctions, le conte peut être également utilisé dans le domaine thérapeutique, surtout auprès d’enfants ou de personnes âgées souffrant de troubles psychiques plus ou moins graves, c’est dire à quel point il peut jouer un rôle important, et on peut imaginer l’utilisation des contes créoles dans ce domaine.
Propos recueillis par R.S.
Références du livre :
Ti Jean et Monsieur le roi (Ti Jan é Misié li wa)
Contes de la Martinique
Bilingue créole français
Editons l’Harmattan, collection La légende des mondes,
ISBN : 2-296-00985-9 • juin 2006 • 176 pages
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Prix éditeur : 16 € / 105 FF