Par Rober SAE
–Quoi ? La protection sociale, les services publics d’éducation et de santé sont sabordés, les usines licencient en masse et les populations ne peuvent plus vivre de leurs revenus décroissants ! Quoi ? Le mécontentement gronde. Calmez-vous braves gens, grâce à la loi sur le « MARIAGE POUR TOUS », la société va conquérir d’autres droits et libertés, la République sera plus soucieuse du sort de tous ses enfants, et l’amour conquerra de nouveaux espaces !
Nous avons ici une nouvelle illustration de la machiavélique aptitude des propagandistes du système à manipuler l’opinion et à diviser pour mieux régner ! En vérité, ce hochet qui est aujourd’hui agité est un facteur manifeste de « DESUNION POUR TOUS »
Les millions d’êtres humains (hétéro ou homos), victimes de la sauvagerie du libéralisme qui par de puissantes mobilisations populaires, pourraient mettre fin à « l’horreur économique » et aux injustices sociales, devront attendre que les manifestants pro ou anti « mariage pour tous » aient fini de s’invectiver et de s’affronter !
Rayi chyien, di dan-y blan ! Les idéologues de la bourgeoisie française comptent parmi les plus efficaces que l’histoire ait produits ! Ils sont parvenus à faire en sorte que, sur toute la planète, des abstractions mirifiques puissent dévoyer les luttes qui permettraient de rendre concrets les progrès de l’humanité. Et, aux pieds des belles inscriptions – « République » « Liberté-Egalité-Fraternité ! » – qui ornent le fronton des établissements publics dans tous les recoins du territoire, les ouvriers au statut précaire, les chômeurs et cadres licenciés voient saisir leurs biens, les SDF fouillent les poubelles, pendant que les pays dominants poursuivent leur pillage et que les multinationales accumulent des superprofits.
Quoi qu’il en soit, les questions et débats qui se rattachent à la loi actuellement discutée au Parlement Français sont nombreux et légitimes ; mais les amalgames auxquels procèdent certains défenseurs des camps adverses ont pour résultat (et peut-être même pour objectif) de maintenir la confusion.
Quels sont, selon nous, les différents éléments à prendre en compte ?
En France, le Mariage Civil, institué par la République, en même temps qu’avatar du mariage religieux, est une institution pensée par la bourgeoisie pour assoir la forme de société correspondant à ses intérêts. (Sanctification de la dictature machiste, organisation du contrôle de la propriété et des biens, etc.) C’est sous l’effet des transformations sociales et surtout des luttes populaires, particulièrement celles des féministes, que les classes dominantes ont été CONTRAINTES d’accepter des évolutions notables.
L’imagerie qui est accolée au mariage, notamment du fait de la conjonction des cérémonies civiles et religieuses, (la mariée reine d’un jour –avant de retourner aux fourneaux- la consécration d’un amour entre deux êtres) ne saurait gommer cette désolante réalité que, s’il existe des unions basées sur des amours sincères, le mariage peut aussi être motivé par la pression sociale, par des grossesses non désirées ou par des intérêts bassement matériels. Autrement comment interpréter les taux importants de séparations et de divorces ?
Ainsi, pour la lucidité du débat, on devrait se garder d’idéaliser cette institution là.
Aujourd’hui, les partisans du « Mariage pour tous » estiment que l’institution du mariage doit s’adapter à une nouvelle réalité sociale en avalisant l’existence de couples homosexuels. Cette proposition ne peut que susciter passion et réactions subjectives, puisqu’elle touche aux ressorts les plus profonds de chaque individu : convictions religieuses, attachement à des institutions millénaires, parentalité, vie sexuelle.
La conception selon laquelle le mariage consacre l’union de personnes de sexe opposé est multimillénaire et cela ne saurait être remis en cause sans provoquer de profonds remous.
Il paraît évident qu’une évolution imposée par des lois de circonstance, soutenues ou combattues par des groupes de pression particuliers, ne pourra, en aucun cas, favoriser la cohésion sociale ou la conquête de droits nouveaux réels. Les progrès de l’humanité ne seront possibles que s’ils sont fruit de choix pensés dans le cadre d’une démocratie directe, conciliant l’épanouissement individuel et l’intérêt collectif. Ce n’est certainement pas en caricaturant les positions des uns et des autres qu’on atteindra de tels objectifs.
S’il est impérieux de combattre toute discrimination où toute violence physique ou morale dont pourrait être victime un homosexuel et d’en punir les auteurs, il ne saurait être question de criminaliser ceux qui par conviction religieuse, ou du fait de leur éducation, considèrent que ces pratiques ne correspondent pas à leurs normes.
Vilipender, par exemple, une église parce qu’elle ne se rangerait pas au diktat d’une nouvelle pensée unique est une atteinte à la liberté de croyance et d’opinion ! Et dire ceci n’est pas en contradiction avec la volonté des chrétiens qui souhaiteraient que leur église évolue, mais cela, c’est leur affaire à eux !
Une chose est sure, les anathèmes, les fatwas ou les oukases, de quelque bords qu’ils viennent ne feront pas l’humanité avancer. C’est seulement dans le cadre d’une réflexion citoyenne apaisée que des réponses devraient être portées aux questions qui persistent :
– La « préférence sexuelle » est-elle un critère suffisamment clair pour fonder le droit au mariage ? Celle-ci a-t-elle des limites ? La législation doit-elle intervenir en ce domaine ?
– Dispose-t-on de tous les éléments nécessaires pour évaluer l’impact psychologique pour un enfant éduqué par un couple d’homosexuels ? (La défaillance des parents hétérosexuels ne constituant pas une réponse suffisante)
– L’encadrement de la procréation pour éviter la marchandisation de la personne humaine se justifie-t-il ? (Question non liée spécifiquement aux couples homo.)
En fait, le monde a connu des mutations spectaculaires et nous sommes confrontés à la nécessité de repenser toutes les institutions : celle qui préside au mariage, certes, mais aussi et surtout, celles qui président à l’organisation de la démocratie représentative, et au contrôle du pouvoir économique. En la matière, l’instrumentalisation de problématiques sociales à des fins de diversion est absolument nocive et les avancées ne seront possibles que dans le cadre d’échanges basés sur la tolérance et le respect mutuel entre citoyens éclairés, acteurs de leur devenir.