Organisées par l’Institut d’Histoire de la Révolution Française la première journée, tenue le 12 novembre 2012 à l’Université de La Réunion et les deuxièmes journées qui ont eu lieu en Guadeloupe (3-7 février 2014), ont permis à la réflexion d’avancer sur le thème des
résistances en situation esclavagiste. Nous avons montré que le terme de résistance avait jusqu’alors acquis un sens conceptuel et paradigmatique excessif dans l’historiographie de l’esclavage colonial, le terme finissant par désigner tout et le contraire de tout. Son
influence a écarté du champ des études de nombreux aspects de la vie des sociétés esclavagistes comme celle des libres non propriétaires d’esclaves ou les rapports entre esclaves et maîtres se situant en dehors de la sphère de la confrontation. Les deuxièmes journées ont permis de déterminer certaines limites à l’usage de l’expression « résistances politiques » qui en effet ne sont pas continues, alternant des phases de lutte et les phases de trêves ou d’accords. Ce sont d’ailleurs, les partisans de l’ordre établi qui définissent le mieux les « résistants » en désignant leurs adversaires comme « rebelles », « révoltés » ou « insurgés ». Ajoutons que certains parcours montrent que des individus participent à l’économie et à la société esclavagistes tout en s’y opposant. De plus, si les abolitionnistes, progressivement imaginent un monde sans esclavage, il semble que peu d’esclaves envisagent un tel monde, avant l’époque des révolutions atlantiques.
Le concept de résistance se définit aussi de manière juridique, par rapport à l’élaboration du droit à la résistance et à la mise en pratique de l’usage de ce droit. En 1789, le droit de résistance à l’oppression est défini et, en 1793, son corollaire, le droit à l’insurrection.
De 1793 à 1802, les esclaves, les libres de couleur, les républicains vont s’approprier ces droits. Précisément, l’objectif des troisièmes journées du Grand séminaire d’Histoire d’outre-mer sera de s’intéresser à la fois à la notion juridique de résistance à l’oppression (et à son éventuel corollaire, le droit à l’insurrection), mais aussi aux parcours des individus ou groupes humains envisageant consciemment des actes de résistance juridique ou judiciaire à l’autorité coloniale esclavagiste.
Il s’agira de mettre en perspective une conception beaucoup plus socio-historique de la notion de résistance et de la figure du résistant. Il faudra analyser les différents types de stratégies de résistance, d’échappement, de contournement et d’adaptation ou d’assimilation des normes juridiques par les différents acteurs des situations d’esclavage ou d’esclavagisme : principalement les esclaves bien sûr, mais
aussi, dans certaines proportions variant suivant les circonstances, des libres de couleur, certains colons, administrateurs et fonctionnaires locaux ou membres du pouvoir central… Seront également évoquées les différents types de luttes judiciaires des esclaves (et de leurs défenseurs), ainsi que les stratégies et argumentaires juridiques des abolitionnistes, spécialement au XIXe lorsque la Cour de cassation va commencer à contrôler la jurisprudence des tribunaux coloniaux et s’engager dans la lutte contre l’esclavage.