Dans un discours qui sent bon la calotte et le goupillon Nestor-Azérot fait une découverte fondamentale : « Un homme et une femme, ce n’est pas pareil!« . On reste coi devant le contenu informationnel inouï d’une telle déclaration. On demeure sidéré. Et pourtant!
Le texte dont on prendra connaissance ci-après est une anthologie de truismes, de fausses évidences, et d’incohérences intellectuelles. Ces dernières n’étant que l’expression d’un déplacement de la pensée du registre de la raison à celui de la croyance. Nestor-Azérot verse dans un naturalisme social grand teint. On voudrait lui rappeler avec Maurice Godelier que « L’humanité n’a cessé d’inventer de nouvelles formes de mariages et de descendance« , on voudrait lui dire que « les paradigmes sociologiques les plus opposés s’accordent pour traiter le social et le culturel comme le résultat d’un patient travail de dénaturalisation qui creuse un fossé incompressible entre l’ordre réducteur des causes naturelles et l’ordre respectable, de facture mentale ou sociale, des raisons, entre les instincts de base de l’organisme et la logique de haut-niveau des significations partagées et des normes culturelles » ( Kaufmann-Cordonnier). On voudrait mais on sent bien que le combat est perdu d’avance. Nestor Azérot ne veut pas savoir, il veut croire!
Exemples :
1°) Il définit le mariage comme un mariage -procréation, qui a fourni « un cadre juridique à une donnée naturelle ». Puis il est obligé de reconnaitre que cela ne va plus, qu’il existe un mariage qui ne repose que sur les sentiments… pour mieux le refuser aux homosexuel(le)s. Ceux-là et celles -ci sont interdits de s’aimer dans le cadre juridique qui leur convient! Paradoxe : réduisant la question de l’identité à celle du sexe, homme ou femme, évacuant celle du genre, il participe, sans le savoir, de la construction d’un refoulé qui fait retour, par exemple, sous la forme d’un syndrome pédophilique dont ont été suspectés bon nombre de prêtres.
2°) Il interroge « la famille... délicat édifice sur lequel se sont construites nos sociétés antillaises… pivot de notre société, va-t-elle exploser » Mais de quelle famille parle-t-il? Où le Député Nestor-Azérot vit-il? A-t-il eu connaissance des analyses antillaises de la famille . Que n’a-t-il relu, entres autres, Édouard Glissant qui souligne le caractère hétéroclite de la famille antillaise résultant d’un amalgame, d’un syncrétisme de formes africaines, de pratique issues du système esclavagiste et d’une acculturation occidentalo-coloniale? Voilà ce qu’il faut défendre?
3°) Il reste parfois dans une ambiguïté douteuse : ‘ Il écrit que le mariage pour tous « C’est déjà revenir sur l’oppression de la femme et de ses droits émancipés. » La formule est pour le moins maladroite, les deux termes de l’expression étant antagonistes. S’il y a une Madame Nestor-Azérot peut-elle nous parler de la répartition des tâches domestiques entre elle et son mari?
4°) Il pratique l’amalgame. N’ayant visiblement pas lu le projet de Loi, il évoque la PMA qui n’y figure pas. Il convoque l’esclavage, le chômage, la délinquance, le seuil de pauvreté et tutti quanti pour nous dire, in fine, que sa foi de chrétien est plus importante que sa pensée. Pourtant si Christ il y eut, l’histoire racontée nous dit qu’il aurait été conçu par un Esprit Saint, avec une mère porteuse, Marie, et un Père de substitution, Joseph. Ah la belle famille!
Madinin’Art,
le 31-01-2013 à Fort-de-France, modifié le 01/02/13
N.B.1 On lira aussi en fin de page la réponse David Auerbach Chiffrin, porte-parole de Tjenbered et le communiqué de Total Respect à propos de la réplique cinglante de Christiane Taubira ( extraits des minutes parlementaires)
N.B.2 Le Cardinal André Vingt-Trois : «J’ai écouté hier sur internet l’intervention d’un député de la Martinique, Bruno Azérot. Il a une position tout à fait forte. (…) Il a dit qu’il soutenait tous les projets de gauche, sauf celui-là, et il a expliqué très bien pourquoi!» Nestor-Azérot communiste, calotin et prince du zenzolage!
« Madame la Garde des Sceaux,
Mesdames, Messieurs les Ministres,
Monsieur le Président,
Chers Collègues,
J’ai soutenu jusqu’à maintenant tous les projets et engagements de la Gauche, mais il y a aujourd’hui une profonde confusion qui m’interpelle. La liberté de conscience et de vote qui existe au sein de mon groupe parlementaire, le GDR, me permet d’exprimer une voix qui est celle d’un homme d’Outre-mer libre et j’en remercie mes collègues du groupe dont les avis sont divers et très partagés sur ce texte.
Outre-mer, en revanche, la quasi-totalité de notre population est opposée à ce projet qui bouscule toutes les coutumes, toutes les valeurs sur lesquelles reposent nos sociétés ultramarines. Cette voix doit être entendue et comprise. Et nous devons exprimer cette opinion de notre population qui ne comprend pas ce qui se passe ici et maintenant.
Le risque est en effet grand d’un profond désenchantement vis-à-vis de la politique du Gouvernement, voire d’une « cassure morale» irrémédiable…Car ce texte ne donne pas une liberté supplémentaire, il fragilise le délicat édifice sur lequel se sont construites nos sociétés antillaises et guyanaise après l’abolition de l’esclavage. Il y a même à mon sens risque de rupture du Pacte républicain qui nous lie depuis deux siècles à la France…
Cette question du mariage homosexuel appelle en effet de ma part des réflexions de fond.
Il est nécessaire de distinguer la question de l’homosexualité de celle du mariage gay. Et la confondre comme l’ont fait certains orateurs n’est pas honnête.
L’homosexualité est une pratique qui relève de la sphère privée, c’est une réalité qu’il faut prendre en compte et appelle des droits et une protection de vie privée pour ceux qui pratiquent.
Le mariage gay et l’adoption pour les couples homosexuels relèvent eux de la sphère publique en ce qu’ils bouleversent la norme en vigueur en établissant une nouvelle norme en matière de famille, de filiation, et de transmission patrimoniale.
Sur ce chemin-là, précisément nous ne pouvons suivre.
Peut-on parler en effet de progrès et de nouvelle liberté ?
A l’origine, en établissant le mariage comme institution, la société a donné un cadre juridique à une donnée naturelle : l’union d’un homme et d’une femme en vue de procréation d’un enfant. Peut-il en être de même avec le mariage gay ? A l’évidence non…
Certes aujourd’hui le mariage est plus un « mariage-sentiment », qu’un « mariage-procréation » comme il était autrefois. L’enfant n’est plus la finalité du mariage ; et des personnes hors du mariage peuvent au contraire avoir envie d’enfant. Ou des couples stériles…
La question qui se pose est donc de savoir plutôt si le sentiment doit devenir le sens nouveau et unique du mariage, ouvert à tous les hommes et les femmes, fussent-ils hétérosexuels ou homosexuels ?
Doit-on révolutionner ainsi le mariage en France et en Outre-mer au risque de perdre nos valeurs fondamentales?
Allons-nous vers cette société où l’individualisme hédoniste remplacera nos vieilles doctrines personnalistes et socialistes fondées sur la solidarité, la liberté, l’égalité ?
La famille, pivot de notre société depuis les Constituants et la Révolution Française, depuis l’émancipation de 1848, va-t-elle exploser ? Au sens littéral du terme…
Notre responsabilité est grande devant l’histoire.
Moi,
homme issu d’un peuple opprimé, réduit en esclavage,
où le système social était un système qui refusait à un homme et à une femme de pouvoir avoir un enfant et de se marier légitimement,
où le mariage était interdit et fut une conquête de la liberté,
j’affirme le droit à l’égalité dans la différence et non dans le même, le semblable, l’unique !
Car enfin, au nom de l’égalité, du refus des discriminations, peut-on établir une équivalence entre tous les couples ?
Je crois au contraire que l’on ne peut mettre fondamentalement sur le même plan hétérosexualité et homosexualité. Un homme et une femme, ce n’est pas pareil que deux hommes ou deux femmes ensemble. Etablir une équivalence, une nouvelle égalité, une nouvelle norme, c’est nier la réalité ; c’est rétablir une oppression en confondant genre, sexe, et pratique.
C’est un diktat de la pensée contre l’humanité vitale… et les Droits de l’Homme,… et de la femme.
Refuser cette différence naturelle,
c’est refuser la différence sexuée.
C’est déjà revenir sur l’oppression de la femme et de ses droits émancipés.
C’est instaurer une nouvelle contrainte !
Oui, car il sera interdit de faire la différence désormais entre un homme et une femme, au risque d’être discriminatoire….
Et l’enfant ! puisque deux hommes ou deux femmes ne peuvent procréer, que va t-on faire ? Car pour procréer, il faut bien un homme et une femme.
Donc, inéluctablement, il y aura recours à la procréation médicale assistée car ce désir d’enfants est légitime. Mais ce n’est pas le Droit qui refuse aux homosexuels d’avoir un enfant : c’est la Nature. Alors, pour pallier ce problème de stérilité et d’incompatibilité, on aura recours à la PMA…
Où est donc le progrès social ? Où est la liberté nouvelle ? Comment voulez-vous qu’un homme dont les ancêtres ont été vendus et « chosifiés » ne soit pas inquiété par cela ?
La Gauche a le pouvoir dans cette assemblée. Je suis un homme de Gauche. Mais parce que je suis de Gauche, je préfère l’humain et l’humanisme à ce que sous-tend ce texte.
Alors qu’un tiers des hommes et des femmes d’outre-mer est sous le seuil de pauvreté, que notre PIB est d’un quart inférieur à celui de l’hexagone et que 60% des jeunes de moins de 25 ans sont toujours au chômage, n’y avait-il pas d’autres priorités ?
Que dirai-je à ce jeune martiniquais qui, entré dans la délinquance, est sans travail, dont les parents sont aussi sans emploi, est sans logement, et n’a pas de quoi se nourrir, qui n’a pour seule alternative que de récidiver pour pouvoir être reconduit en prison pour avoir enfin un toit et à manger ?
Que lui dirai-je demain ? Que je lui ai offert en tant de Législateur une grande liberté… non pas du travail, non pas un logement, non pas un avenir décent et un espoir de vie… mais le mariage pour tous !
A mon grand regret, mais avec ma conviction d’homme engagé et libre de Gauche, je ne voterai pas ce projet qui est attentatoire aux libertés et ne répond pas aux aspirations profondes du peuple. En particulier Outre-mer…»
MARIAGE UNIVERSEL : LE DÉPUTÉ AZEROT RÊVE D’UNE MARTINIQUE OPPRESSANTE
RIVIÈRE-PILOTE, MERCREDI 30 JANVIER 2013
COMMUNIQUÉ DE PRESSE N°TRF2013-01H
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Bruno Nestor Azerot, député du Nord de la Martinique et maire de Sainte-Marie, membre du groupe du Front de gauche présidé à l’Assemblée nationale par André Chassaigne et proche du Rassemblement démocratique pour la Martinique (RDM) animé par Claude Lise, a violemment condamné le mariage homosexuel aujourd’hui à la tribune de l’Assemblée nationale.
Il a estimé que «la quasi-totalité de notre population est opposée à ce projet» : C’EST FAUX, une part croissante des populations outre-mers approuve cette avancée vers l’égalité en droit pour chaque personne. Il a soutenu que ce projet bousculait nos «coutumes» : C’EST FAUX, l’exigence d’égalité des droits pour chaque personne figure depuis longtemps dans notre culture, comme l’indique l’expression créole «Tout’ moun’ sé moun’ !» («Chaque personne est une personne !»). Il a évoqué un «risque de rupture du pacte républicain» : C’EST VRAI, son discours directement branché sur Radio Vatican porte atteinte à notre laïcité républicaine !
Ce discours homophobe étant incompatible avec les valeurs du Front de gauche, Total Respect exige qu’il soit exclu de son groupe parlementaire ! M. Azerot fait l’apologie d’une Martinique oppressante envers ses minorités : une autre Martinique existe et attend le mariage universel !
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Contact : David Auerbach Chiffrin, porte-parole | federation@tjenbered.fr | 06 96 32 56 70
RÉPONSE DE CHRISTIANE TAUBIRA À BRUNO NESTOR AZEROT LORS DES DÉBATS RELATIFS AU PROJET DE LOI OUVRANT LE MARIAGE AUX COUPLES DE PERSONNES DE MÊME SEXE
Paris, jeudi 31 janvier 2012
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Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Hier, entendant dire que le Gouvernement satisfaisait à des revendications minoritaires, j’ai répondu que dans l’histoire de la France et de nombreux pays, c’est souvent la mobilisation de groupes minoritaires qui a fait progresser le droit général, notamment sur les questions de droit et d’égalité.
M. Hervé Mariton. C’est dire nos espérances !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. De demeurer durablement minoritaires ? Ce sont les nôtres aussi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Hervé Mariton. Je ne retiens que votre hommage aux groupes minoritaires, madame la ministre.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. S’il y a bien un sujet qui illustre particulièrement cette mobilisation, c’est le PACS. Ce contrat, qui visait à reconnaître quelques droits aux couples homosexuels, est aujourd’hui une façon, à 94 %, de composer un couple pour des hétérosexuels. C’est ainsi que des combats menés par ceux que vous appelez parfois des minoritaires, ou en considération de revendications de groupes minoritaires, ont pu faire progresser le droit.
[…]
J’en viens à M. Azerot, qui a défendu à la tribune la position de plusieurs parlementaires d’outre-mers – pas de tous -, déjà exposée à plusieurs reprises dans la presse ces derniers mois.
J’ai eu l’occasion de répondre sur ce sujet à une question posée par des députés de l’opposition sur les outre-mers sinon sur le ton de la tolérance – car le mot a pour moi un sens précis, et nous ne sommes pas ici dans la tolérance, mais dans la reconnaissance de droits -, du moins avec une tonalité particulière fondée sur le fait qu’étant moi-même originaire des outre-mers je devais être consciente qu’il s’agissait là d’une question sensible, ce qui est doublement exact. Sans le formuler exactement de cette façon, on m’interrogeait en fait sur le bien-fondé d’une telle loi dans nos sociétés ultramarines.
Il est vrai que le sujet est difficile pour les outre-mers, comme l’avait été le PACS. Mais c’est tout l’honneur des parlementaires et des élus locaux qui soutiennent ce projet de loi de le faire courageusement, par conviction et par éthique.
Ceux qui ne le soutiennent pas ont des raisons tout à fait recevables. Mais lorsque M. Azerot argue, comme beaucoup d’entre vous, qu’il y aurait – tout en nous demandant d’organiser un référendum – d’autres priorités, économiques et sociales, je m’étonne. En effet, en quoi le fait que nous fassions notre travail empêche ceux qui ont en charge les questions économiques et sociales de faire le leur ?
M. Azerot évoque par ailleurs un risque de rupture du pacte républicain. Au regard de l’histoire des outre-mers, ce serait à n’y rien comprendre si le pacte républicain pouvait être rompu à propos d’une question concernant les libertés individuelles !
M. Azerot nous rappelle qu’au temps de l’esclavage les couples n’avaient pas le droit de se marier, car chacun, selon le code noir, était un bien meuble et appartenait, en cette qualité, au patrimoine de son maître. Il est certain qu’on ne reconnaît pas aux meubles le droit de se marier. Mais si le mariage était interdit au temps de l’esclavage, c’est que les esclaves n’étaient pas reconnus en tant que personnes humaines. Et c’est précisément parce que nous portons la mémoire vive de cette histoire que nous supporterions moins encore que le mariage fut aujourd’hui refusé à des personnes dont on douterait peut-être !
Il ne peut y avoir de rupture du pacte républicain entre la France et les outre-mers sur la question des libertés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Les esclaves ont détruit le système esclavagiste au nom des libertés individuelles ! (Les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent.)
La guyanaise Christiane Taubira, ministre de la justice, a recadré cette nuit le député martiniquais Bruno Nestor Azerot, membre du groupe parlementaire du Front de gauche, qui avait violemment attaqué le mariage homosexuel hier soir à la tribune de l’Assemblée nationale. Sans craindre le compagnonnage des forces conjuguées de la droite et de l’extrême droite, qui l’encourageaient de leurs acclamations goguenardes, M. Azerot avait étrangement argué de sa qualité de descendant d’esclaves pour justifier sa position homophobe – sans expliquer en quoi diantre celle-là pouvait justifier celle-ci ! En réponse, Mme Taubira (qui a donné son nom à la loi du 21 mai 2001 «tendant à la reconnaissance des traites et des esclavages comme crime contre l’humanité») a rappelé, comme le rapporte l’avocat réputé Maître Éolas, qu’on «ne marie pas les meubles» et que «c’est pour ça que les esclaves, biens meubles, ne pouvaient se marier» ! Total Respect salue ce rappel salutaire (qui démontre qu’une même logique de domination est à l’œuvre dans les ressorts profonds de l’esclavagisme et des homophobies) et appelle solennellement les député/e/s des outre-mers, issu/e/s de sociétés esclavagistes, à voter POUR le mariage universel ou, si vraiment ça les fait vomir, à s’abstenir de voter contre !