— Par Patrice Trapier —
C’est l’une des énigmes du monde moderne : comment l’explosion des inégalités salariales (l’échelle idéale pour Henry Ford était de 1 à 4 ; elle est aujourd’hui plutôt de 1 à 30) et de la rente (10 % des Français se partagent 62 % des revenus du capital) ne fédèrent-elle pas 99% de la population contre le 1% le plus fortuné?
Au contraire, l’époque est marquée par une fragmentation des couches sociales et une crise des solidarités. Les fractures sont partout : régions riches contre régions pauvres ; salariés contre « assistés » ; diplômés contre non-diplômés ; logés contre SDF ; centres-villes contre périphéries ; Français « de souche » ou anciennement installés contre nouveaux arrivants, etc.
On a longtemps cru que le tropisme égalitaire handicapait la France dans la compétition mondiale. Le sociologue François Dubet montre, au contraire, que la devise républicaine « liberté-égalité-fraternité » n’est plus que de pure forme, que « le lien fraternel préalable » à la recherche de l’égalité (ou de l’équité) s’est affaibli après des décennies de crise. Pour lui, le pays a fait le choix de l’inégalité qui se déploie sur de multiples terrains : recherche du bouc émissaire, peur du déclassement, succès des intérêts catégoriels, incapacité à réformer l’école…
Dubet situe les ressorts de cet inégalitarisme dans la crise des piliers de l’intégration : le travail, la nation, les institutions. Il pointe les deux urgences qui pourraient débloquer bien des choses : refonder l’école, point central des blocages français, et la politique (réforme des assemblées, cumul des mandats…).
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* La Préférence pour l’inégalité, François Dubet, Le Seuil, 108 pages, 11,80 euros.