— Par Max Dorléans —
Il faut dire les choses telles qu’elles sont. L’idée d’une autre répartition des richesses comme celle de la démocratisation de la société comme éléments déterminants d’une véritable amélioration de nos conditions quotidiennes de vie, sont malheureusement les grands absents de la conscience et de la préoccupation de ceux/celles qui – chez nous comme ailleurs – prennent toutes les décisions nous concernant.
Cela signifie que les questions de chômage et d’emploi, de santé ou d’éducation, de logement ou de transport, toutes ces questions comme toutes les autres, ne pourront avoir de solutions satisfaisantes pour l’immense majorité, que lorsque précisément cette dernière, productrice de toutes les richesses, va pouvoir dire et faire comment elle entend allouer et améliorer les richesses qu’elle produit.
De ce point de vue, toutes les discussions et informations, tous les rebondissements sur le TCSP (Transport en commun en site propre) comme sur les vedettes Madinina observés ces temps derniers, avec toutes les difficultés qui s’y greffent, tout cela ne pourra éternellement faire abstraction de ces deux éléments qui se trouvent concentrés dans la notion de service public qui désigne un choix de société.
Ainsi, la problématique du transport public – bon marché/gratuit, fiable, de qualité et de sécurité, de large amplitude horaire, etc – a-t-elle quelque chance de succès réel lorsque l’on évacue l’idée du service public mais que l’argent public, lui, est utilisé, même sous conditions, à soutenir des capitaux privés, via la délégation de service public, et qu’aucune idée d’organisation globale et unique du service public de transport sur tout notre territoire ne pointe sérieusement le bout du nez. Et que le véhicule individuel continue d’être proposé comme la solution aux préoccupations de déplacement de la population.
PRIORITE DONNEE AU « TOUT-VÉHICULE »
Dès lors, et dans ces conditions, n’est ce pas encore la perspective de solutions intermédiaires, insatisfaisantes (en dépit des grandiloquents discours) et d’éternels renflouements financiers de sociétés privées qui se dessine à plus ou moins long terme, lorsque l’on ne pose pas correctement la problématique du besoin de transport public dans des termes essentiels qui satisfont les intérêts de l’immense majorité. Dans des termes clairs qui feront que celle-ci se retournera vers lui parce qu’elle y trouvera son compte, tant individuellement que collectivement, et qu’elle vérifiera que cette satisfaction a pour base essentielle et contrepartie, le recul considérable de l’utilisation du véhicule individuel comme mode dominant de déplacement, qui lui est source de problèmes et méfaits à de multiples égards (coût financier, pollution, santé, accidents, embouteillages et perte de temps, isolement et absence de communication. ..).
Il faut donc le dire clairement. En dépit des solutions immédiates concoctées récemment donnant satisfaction aux intérêts privés des vedettes Madinina, en dépit de celles qui seront apportées et arrachées au forceps concernant le TCSP, c’est-à-dire à défaut d’une solution privilégiant un choix de société où la priorité est donnée au service public la question du transport ne va pas trouver de répit tant que va continuer à être privilégié le « tout-véhicule » . C’est-à-dire les intérêts de l’industrie automobile, des concessionnaires et de tous ceux attachés à l’usage du véhicule (carburant, pneumatique, assurances…) au détriment des intérêts du plus grand nombre.
Ainsi, comment ne pas saisir que les quelques difficultés qui commencent à être évoquées aujourd’hui au niveau des instances diverses (CACEM, Région, Département, ville de Fort de France et autres) en charge de ces deux dossiers ( TCSP et Vedettes Madinina), que les problèmes et intérêts divergents, financiers notamment relatifs aux différentes catégories de transporteurs (bus avec Mozaik/tramway/taxiscos/vedettes avec leur nécessaire jonction et coordination).. .renvoient fondamentalement à l’évacuation de l’idée de service public, et à la manière dont ont été conçues et élaborées bureaucratiquement les décisions relatives à ces deux dossiers qui concernent les intérêts quotidiens de la population.
UNE RÉPONSE DE TERRITOIRE
Comment en effet ne pas se rendre compte que discuter TCSP ou Vedettes Madinina sans participation et implication des usagers pour la définition de leurs besoins et de leurs intérêts, qu’avoir exclu celles et ceux qui sont les premiers concernés par un bon transport, et qu’avoir mené les discussions et pris les décisions en leurs lieu et place, ne peut être que source de difficultés, pour aujourd’hui comme pour demain.
Par ailleurs, s’il est bien vrai que la décision du tribunal relative aux Vedettes Madinina permet dans l’immédiat d’enlever une épine du pied de l’ensemble des usagers de la mer qui ont galéré des mois, en quoi la nécessaire pérennisation de l’activité transport par mer est elle, assurée autrement que par une béquille d’argent public ; et en outre, en quoi et comment ce segment de transport par mer prend-il sa place, sans surcoût financier pour les usagers, en l’absence de projet global prenant en compte les intérêts généraux des usagers comme serait censé le faire le service public de transport.
On le voit donc bien. La question du transport est une question importante qui nécessite une réponse globale sur tout le territoire martiniquais. Qui prenne en compte la question environnementale et la lutte contre les différentes pollutions. Qui donne satisfaction dans des termes identiques, aussi bien l’usager de Grand-Rivière que celui de Sainte-Anne. Qui ne ponctionne pas comme aujourd’hui le porte-monnaie des foyers modestes, utilisateurs majoritaires du transport public. Qui prenne en compte une série de coûts invisibles non comptabilisés par la société. Qui assure, selon des modalités à prendre en compte, la même continuité de service d’un point à un autre sans tarif supplémentaire. C’est dire qu’à défaut d’un véritable service public de transport – fruit d’une autre répartition des richesses – ce n’est pas pour demain la fin de la galère pour toute la population. Non seulement celle condamnée à l’actuel système qui est loin de lui donner satisfaction, mais également celle qui utilise son véhicule, et qui pourrait s’en passer, avec un système satisfaisant de service public.
Max Dorléans,
Groupe Révolution Socialiste (GRS)
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