— Par Michèle Bigot —
22 août à 19h, espace artistique, 6 place Joseph Buffaven, 26110 Nyons
Dans le cadre de l’exposition Frontières nomades, réunissant les œuvres de trois artistes, un peintre, Vladimir Kara, deux sculpteur(e)s, Simone Bigot-Moonens et Alain Depoorter, Vladimir Kara a réalisé en direct une œuvre peinte. Il était accompagné par le Lilas Jazz trio, Ophélie Cohen, chant, Jean-Louis Bensousan piano et Stéphane Caroubi contrebasse⋅
Voilà une belle démonstration de la théâtralité d’une performance, quand elle mobilise peintre, chanteuse et musicien⋅ Théâtralité par le rapport instauré entre artistes et public⋅ Il y a véritablement dramaturgie dès lors que l’action artistique, quelle que soit sa nature, se jouant dans un espace consacré, prend une autre dimension du fait de la présence d’un public. Le drame se joue ici à trois actants : peintre, musiciens et public, réunis dans une seule et même émotion, dans la tension commune vers l’harmonie d’un son, de formes, de couleurs et d’émotion. Cette nouvelle forme de communion était ici sublimée par la relative intimité de l’espace, surdéterminé par la présence vibrante des sculptures et de l’œuvre peinte.
La performance, telle qu’elle nous fut offerte ici, a ceci de particulier qu’elle donne à voir non seulement l’œuvre, mais le processus même de la création artistique. Elle implique donc un temps particulier, celui de la création. La magie de cet instant vient du fait qu’il s’agit d’un temps hors-temps, un temps partagé entre les trois actants, qui retiennent leur souffle dans l’émoi de ce partage créatif.
Théâtre aussi, du fait de la saisissante présence de la chanteuse, Ophélie Cohen. Dans son chant, c’est tout le corps qui exprime l’émotion, le visage, l’intensité d’un regard, la posture, les couleurs, tout cela exalte la voix, l’incorpore totalement, et lui confère une force surprenante.
Il y a quelque chose de magique dans la synergie qui se produit alors. Sans s’être aucunement concertés, dans une improvisation, un surgissement créatif spontané, l’accord s’installe entre le dessin, les couleurs, la musique et la voix. Quoi de plus théâtral que cette présence vivante, dramatique du processus créatif ? Au sens où le drame est avant tout action. Quelque chose de l’art se produit devant nous, pour nous et aussi quelque peu par nous.
Lorsque prend fin la performance, par on ne sait quel nouvel accord tacite, ses actants sont tout surpris et éblouis par l’œuvre qui en résulte, comme si celle-là avait figé dans la matière et la couleur la vibration d’une émotion. Le peintre a capté dans ses formes et ses couleurs l’esprit du chant et toute la vibration de la musique.
Chapeau bas, messieurs et madame les artistes, pour cette démonstration de la force de l’art vivant, pour l’audace de votre entreprise et le moment de pure beauté que vous nous avez offert.
Michèle Bigot