— Par Selim Lander —
. Un film primé à Sundance et à Deauville, récompensé à Cannes par une caméra d’or et encensé par la presque totalité de la critique ne pouvait que donner envie de le voir. Il n’était pourtant pas évident qu’il serait montré en Martinique. Grâce au ciel (et à Steve Zebina) il est programmé à Madiana pendant quatre soirs de suite, dans le cadre d’un accord avec le CMAC qui a déjà permis de présenter aux Martiniquais plusieurs films récents de qualité.
Ce film mérite-t-il tous les éloges dont on l’a couvert ? Il est centré du début à la fin sur une petite fille métisse (Quvenzhane Wallis), surnommée Hushpuppy, âgée de 6 ans, positivement adorable et qui joue merveilleusement. La caméra la quitte rarement et nous voyons dans ses yeux, dans ses expressions les sentiments, souvent confus, qui l’agitent. Si besoin est, ses pensées sont là aussi, en voix off, régurgitation, le plus souvent, du discours écologique qu’elle entend de la part des adultes.
Car nous ne sommes pas, comme tant de films américains, dans une banlieue prospère avec ses maisons impeccablement rangées sur leur pelouse, mais dans un lieu improbable de Louisiane, au bord d’un « bassin » inondé lors des ouragans. Autant dire que, dans ces conditions, les habitations, sont précaires et plus souvent de guingois que d’aplomb. Quant aux habitants, en dehors des enfants, ils apparaissent bien abimés par la vie ; sans doute ont-ils échoué dans ce bout du monde autant parce qu’ils ne voulaient pas du reste du monde que parce que ce dernier ne voulait pas d’eux. Mais ils s’accrochent et leur capacité à survivre dans un environnement aussi désolé a quelque chose d’admirable. Et puis, il y a les bêtes, évidemment : bêtes terrestres, poules, chèvres ou chiens qui fascinent la petite fille ou la consolent quand elle se sent seule ; animaux du bayou, catfishs ou crocodiles ; bêtes fantastiques enfin, les cruels aurochs qui peuplent ses cauchemars.
La mère disparue après la naissance, Hushpuppy n’a plus que de son père (Dwight Henry), lequel a résolu de l’élever comme un homme. D’où un contraste cinématographique intéressant entre la jeunesse du tendron et les défis qui lui sont lancés, dont elle se sort d’ailleurs assez bien car elle ne manque pas de caractère.
Planter un décor et les principaux personnages (ici la petite fille et son papa) ne suffit pas pour faire un grand film. Encore faut-il les faire vivre. Et c’est ici que Les Bêtes du Sud sauvage pèche un peu. Il y a bien un sujet, celui de la résilience d’humains plus qu’ordinaires perdus dans un environnement hostile, mais il n’est pas magnifié par une histoire qui puisse nous passionner. Les personnages secondaires existent à peine et d’intrigue il n’y en a pas, même si l’on est amené à s’interroger, comme la petite fille, sur ce que sa mère est devenue. On assiste à une succession de tableaux qui se suivent sans réelle nécessité.
Malgré cette faiblesse du scenario, on recommande le film pour la première moitié pendant laquelle on est entièrement saisi par la magie de l’univers créé par le réalisateur, Benh Zeitlin dont c’est le premier film. Cette magie tient évidemment au parti pris initial qui consiste à nous montrer la réalité à travers le regard simple et naïf d’une enfant. Dans la suite du film, la manière dont il est construit fera naître peut-être une certaine déception mais jamais au point de s’ennuyer ou a fortiori de regretter d’être là.
Au cinéma Madiana à 19h30 du 14 au 17 janvier 2013.