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Le Bob Marley africain vit depuis plus de dix ans à Bamako. À l’heure où le président par intérim se rend à Paris, le chanteur s’exprime sur son engagement.
Le Point.fr : Que pensez-vous de l’appel au secours de Dioncounda Traoré, le président par intérim, qui arrive à Paris pour demander l’aide de la France ?
Tiken Jah Fakoly : La situation du Nord-Mali concerne aussi les Occidentaux. Le combat a été mené en Afghanistan, le Mali est plus proche et il y a urgence. En tant qu’Africain, j’aurais préféré que les forces maliennes et africaines n’aient pas besoin d’aides extérieures, mais aujourd’hui, il faut régler le problème. Nous ferons ensuite notre mea culpa entre Maliens et Africains pour savoir ce qui n’a pas fonctionné. Pour maintenant, il s’agit d’en appeler à la communauté internationale pour renforcer les forces locales. Et en aidant les Maliens, la France s’aide aussi.
An Kan Wili, votre single en bambara, repose sur deux mots. Le premier est « mobilisation ». Mais contre quel ennemi précisément ?
Quels que soient la tristesse et le regret devant ce qui se passe, il faut continuer à mobiliser et à galvaniser comme je le chante dans ce titre. La mobilisation a d’abord un but : tout faire pour que le territoire malien reste entier. Nous avons cet héritage d’un Mali entier à transmettre à nos enfants et petits-enfants. Ce n’est donc pas une mobilisation contre les touaregs, qui sont eux-mêmes maliens, mais contre les djihadistes qui veulent imposer au pays une civilisation qui n’est pas la sienne et qu’il n’est absolument pas prêt à accepter.
Le second est « galvanisation » : comment galvaniser un peuple par une chanson ? En citant les grands héros de l’histoire de l’empire mandingue ?
C’est cela qui peut en effet galvaniser les Maliens, ce petit cours d’histoire où je cite notamment Sonni Ali Ber, qui a mené au XVe siècle à la tête de l’empire songhaï 32 guerres en 26 ans sans en perdre aucune. Il a des descendants aujourd’hui dans le pays, et d’autres grands hommes ont leurs héritiers dans le Mali d’aujourd’hui, qui a besoin d’eux.
Le coup d’État du capitaine Sanogo remonte au 22 mars 2012. Pourquoi avoir attendu ce début 2013 pour sortir cette chanson sur la crise malienne ?
J’ai été l’un des premiers à condamner le coup d’État de Sanogo en demandant qu’on laisse le président Amadou Toumani Touré aller au bout de son mandat, puisqu’il avait renoncé au pouvoir et que des élections se préparaient. À l’époque, beaucoup de Maliens m’en ont voulu parce qu’ils ne comprenaient pas ma position. En tant qu’Africain, j’avais salué l’attitude d’ATT, dans un titre intitulé La porte de l’histoire, comme président africain choisissant de se retirer, ce qui est un fait rare en Afrique… « C’est Amadou qui fait ça. On lui a donné le pouvoir, il a rendu le pouvoir… » J’ai toujours soutenu la voix de la démocratie et de la stabilité.
Vous qui êtes si populaire à Bamako, avez-vous senti alors le changement des Maliens à votre égard ?
Oui. Et j’ai laissé passer du temps et puis, au bout de quelques mois, j’ai vu en circulant en voiture à Bamako que les Maliens revenaient vers moi et me donnaient raison pour avoir encouragé la voix de la démocratie. D’autre part, je trouvais, que face à la réalité des villes du Nord, on faisait beaucoup de réunions, mais que rien ne se passait sur le terrain, alors j’ai écrit cette chanson. Je reste modeste, ce n’est pas moi qui peux avoir un tel pouvoir, mais je remarque que, dix jours après la sortie du titre, les militaires se sont mis à attaquer. Quand on a de l’amour pour un pays, on a envie de donner des conseils, qu’ils soient suivis ou pas. J’aime le Mali, auquel je dois beaucoup puisqu’il m’a accueilli quand j’ai quitté la Côte d’Ivoire en guerre en 2002.
Le Point.fr – Publié le 11/01/2013 à 19:23