— par Christian Antourel & Ysa de Saint-Auret.—
« Folie » de Marie Vieux-Chauvet
Mise en scène José Exélis
dans une adaptation de José Pliya
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Dans cette adaptation de José Pliya, José Exélis monte à cru tendu l’ultime volet de la trilogie: Amour, Colère et folie et réussit la mise en scène qui voltige sur le corps, le souffle et la voix que Marie Vieux –Chauvet a lancé dans une exclamation exacerbée d’écriture abrupte, sèche et volontairement subversive. Elle participe d’un au-delà des mots qui échappent au langage indicible, de ces maux qui ont la couleur du vide et reflètent jusqu’au silence des choses par la quête d’un dire, d’un bien dire qui émerge au milieu du désordre quand la perte n’est plus l’absence mais la dimension même de l’absolu, de la vie. C’est que la chose démontrée, l’est dans une harmonie inversée qui à travers la douleur vise le beau. L’épreuve du bien est ici l’épreuve du mal. Les idéologies totalitaires, les tyrannies, les intégrismes sont parfaitement compris et sur le voile de cette histoire se peint l’amour, la colère la résistance, l’espoir et la folie. Cécile est ainsi confrontée à un double rapport au manque ; d’abord l’absence, bien sûr, et elle incarne également les traits de l’union entre guerre et paix, pour mieux rester captive d’une image que nul ne pourra altérer. Kant fait de la raison l’unique argument de la survie de l’homme, identifiant celle-ci a la loi et perçoit dans la douleur une limite à l’oppression, aux renoncements et au maintient du bien dans son inaccessibilité. Sur l’autre rive, est la folie où la férocité de la convention n’a d’égale que la violence des renoncements qu’elle impose. Le spectateur retrouvera là tous les tableaux de l’orageuse mémoire, qui excelle à fondre dans une unité mystérieuse le drame et la rêverie de l’espoir. Ce que José met en scène en le dénonçant, sans pour autant scandaliser par le spectacle d’une agonie c’est l’inconcevable, l’inacceptable, cette douleur qui résonne comme un tambour vaudou ; le grand cri d’Haïti que nous retirons de la pièce et qui tient non- seulement à la beauté du texte de Marie Vieux-Chauvet dont il es revêtu mais aussi à sa qualité essentielle du présent qui saigne encore. Une sensualité latente, agressive, palpable, qui bat comme un cœur, et affleure derrière la colère aux limites d’une nudité, culottée, confisquée qui offre en apparence, le voile de l’impudeur par cette danse étrange qu’Ina lance en transe dans la transparence d’une phosphorescence où la force le dispute a la douleur, la guerre au « peace and love » qui vient se heurter aux réalités et imploser dans les séquences dépressives . Nous sommes avec elle, dans une autre dimension où la raison défaille. Ina nous entraine sous la mitraille, drapés dans le rideau -désespoir, écorchés vifs dans le cercle tracé d’une intériorité vissée au sol, aimé et amer, à la fois couchés, vautrés, crucifiés dans la blessure coupable de la folie. « Folie » affiche résolument une pièce, un gouffre où l’on perd pied face aux certitudes d’impartialités du régime totalitaire Duvaliériste. Que faire que dire face a la force qui impose sa loi, sa raison de justice pétrie d’iniquité…. dans cet environnement psychotique, jusqu’à la déraison ? Folie encore quand on sent la rage impuissante de l’humain face à l’absence du regard de l’autre, qui chosifie, anéantit, assèche l’âme avec la bénédiction de la tyrannie.
Ce qui marque le plus visiblement cette œuvre, c’est cette idée d’Himalaya, cette ascension talentueuse d’Ina, qu’elle pouvait signer d’un coup de griffe plus acerbe. Mais en ces termes, ces choses là ne se disent pas. Donc total succès pour Ina ….. « Folie » C’est du caviar !
Christian Antourel.
Ysa de Saint-Auret.
Au CMAC Octobre 2011
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