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par Roland Sabra
Edito du 13/09/2007
« Sept magazine » depuis quelques numéros présente la photo de celui qui signe l’éditorial du journal. L’édito dans un journal informe du positionnement de la rédaction. C’st toujours intéressant de découvrir l’idéologie sous-jacente véhiculée par un journal. Dans le numéro 14– du 1 » &u 19 septembre Pierre-Edouard Picord intitule son texte « La paille et la poutre.. » et il commence par évoquer divers articles parus dans la presse française qu’il appelle « presse nationale »(sic) et qui relèvent d’ « une campagne [qui] sous couvert de dénoncer la contamination des terres antillaises par le chlordécone [a pour] objectif de mobiliser l’opinion contre les indemnisations promises par le gouvernement. »
L’argument est grossier qui consiste à menacer les populations d’une coupure du cordon ombilical d’avec « Mamam fwans » si elles écoutent ceux qui remettent en question un type de développement qui maintient dans la dépendance. Mais Pierre-Edouard Picord n’en a cure son boulot dans son papier est de défendre les intérêts économiques de ce qu’il appelle pudiquement la filière banane sans jamais s’interroger sur le contenu sociologique et économique de cette réalité.
Il n’a sans doute pas eu connaissance de la note interne du 24 juillet (un mois avant le cyclone), de la mission interministérielle et interrégionale chlordécone qui écrit : «La crise est extrêmement grave. Il est nécessaire que les actions soient scientifiquement fondées et socialement acceptées, avant d’être politiquement menées. Il faut réaliser un énorme travail de communication afin de répondre à l’inquiétude de la population et au ressenti actuel d’insuffisance des pouvoirs publics.». S’il en a eu connaissance les lecteurs de « Sept Magazine » n’en sauront rien parce que la banane pour PEP est inévitable. Que les Martiniquais et les Guadeloupéens battent les records mondiaux du cancer de la prostate est secondaire par rapport à la mission que s’est fixé PEP : il faut sauver le soldat Eric de Lucy!
Pierre-Edouard Picord finit par lâcher son argument massue : « Supprimer la banane certes mais pour la remplacer par quoi? Et que fait-on des 10 000 salariés qu’emploie la filière? ». On connaît bien ce type d’argument. On l’a déjà ressorti pour « justfier » la remise en état des panneaux publicitaires, ces verrues sur le paysage martiniquais. « Et les salariés des entreprises publicitaires? » ( Sept Magazine n° 1465 de la semaine précédente). « On ne peut rien faire. C’est comme ça! Tournez la page, y’a rien à voir! ». Ce type de discours nous enferme dans la fatalité, il tente d’objectiver une situation pour éviter tout questionnement. C’est le discours sur l’inexorable nécessité du libéralisme économique, « deus ex machina », qui contribue à la dépolitisation des populations, à priver les Martiniquais de toute capacité de réflexion, de tout choix. Discours de la pseudo nécessité, qui conduit à la résignation, à l’acceptation de l’ordre politique actuel. Le chantage à l’emploi est une vieille ficelle usée jusqu’à la corde mais qui peut toujours resservir. Interdire le commerce des armes : et l’emploi alors? abandonner la filière nucléaire? et les emplois, vous n’y pensez pas! Mieux vaut des malades du cancer que des chômeurs!
On remarquera que PEP se trouve sur la même ligne que le représentant du lobby bananier Eric de Lucy qui déclare : « «Dans tous les pays développés, nous vivons dans une pollution invraisemblable. Il ne faut pas nier ou minimiser la réalité, mais qu’est-ce qu’on fait ? On peut arrêter la production et se contenter de nourrir les colibris…»
Voilà ce qu’on appelle « bananiser » le problème! « Tous les pays sont pollués alors un peu plus ou un peu moins et puis au point où nous en sommes en Martinique… »
Non Monsieur Pierre-Edouard Picord, il existe un autre destin que celui de vivre empoisonné, il existe d’autres paysages que l’horizon bouché des panneaux publicitaires, il existe un autre avenir que celui de la vassalité infinie. Oui Dean, est l’occasion de transformer un mal en bien, Oui Dean nous oblige à nous interroger, Oui il y a des questions légitimes que posent celles et ceux qui veulent maîtriser leur vie, qui veulent prendre leur destin en mains, qui refusent la résignation et la soumission à ces lobby économiques que vous présentez comme inéluctables, qui aiment suffisamment la Martinique pour la vouloir d’abord autonome et ensuite, pourquoi pas si elle le décide indépendante.
Roland Sabra, 13 septembre 2007 |